Voici la version de base de l’article publié dans le numéro 750 de Golias hebdo ce jeudi 05 janvier 2023

Le chapô en rouge n’apparaît pas dans la revue. Il était dans le texte de base.

A partir d’une initiative de Toutes Apôtres !, onze associations créent une commission sur la place des femmes dans l’Église. En cette fin d’année 2022, elles sollicitent l’institution catholique au plus haut niveau, car au cœur des dysfonctionnements se logent la place accordée aux femmes et le regard porté sur elles. Les discriminations  dont elles sont l’objet minent la transmission du message de l’Évangile.

J’attire l’attention des lectrices et lecteurs sur le fait que cet article n’est pas un rapport officiel d’une commission qui n’a pas encore de statuts. Lorsque, ci-dessous, je parle en « nous », je rapporte ce que je crois être le message de la CEPFE. Mais cette analyse comporte également des appréciations personnelles qui seront évoquées en « je ».

Lorsque le 22 juillet 2020, le mouvement Toutes Apôtres ! a fait émerger des candidatures féminines à des charges qui leu sont interdites au sein de l’Église catholique, cette impulsion a été suivie, à sa date anniversaire en 2021, d’une demande adressée à la CEF en vue de créer une Commission d’étude sur la place des femmes. Par voix de presse, il avait été répondu que la Conférence des évêques allait y réfléchir. Cette demande a été renouvelée en janvier 2022, mais sans doute parce qu’elle émanait d’une association trop « clivante », aucune suite n’a été donnée.

Le constat demeurait cependant, aussi bien quant à la situation critique de l’institution ecclésiale dans son ensemble, que dans la façon de prendre en compte les femmes, les laïcs en général, et au-delà, selon moi, toutes celles et tous ceux qui n’adhèrent pas intégralement au modèle préconisé par les instances magistérielles patriarcales catholiques.

L’idée a donc été d’ouvrir une plateforme de réflexion sur la situation des femmes au sein de l’Église catholique, à toutes les associations intéressées, et à faire chapeauter leur travail par un « Comité des sages ». Celui-ci s’est peu à peu composé de personnalités aux compétences universitaires ou ecclésiales reconnues ; la mission de cette instance consistant à garantir la pertinence des axes d’analyse et des propositions qui en découleraient.

Ainsi est née la CEPFE, Commission d’Études sur la Place des Femmes dans l’Église catholique, à structure intégralement collégiale. Ce sont trois représentantes de cette commission que le Président de la Conférence des Évêques de France, E. de Moulins-Beaufort, a bien voulu rencontrer ce 19 décembre. La délégation était composée d’une historienne Annie Crépin, Co-Présidente de la FHEDLES, de Geneviève Decrop, sociologue, et de Sylvaine Landrivon, théologienne, responsable de pôle au Comité de la Jupe et co-fondatrice de Toutes Apôtres !

En bref, l’objectif de la rencontre était de présenter le collectif afin de répondre aux trois questions classiques :

Qui sommes-nous ? Des associations qui aspirent à une véritable égalité entre femmes et hommes, un ensemble de catholiques qui œuvrent afin de fédérer plus largement clercs et laï.ques, pour déconfisquer le message de l’Evangile. Des experts les accompagnent, prêts à discuter et valider les résultats des investigations engagées. Comme l’indique le site, se retrouvent là : l’Association des croyants en liberté des Yvelines (CELY), le Cercle des chrétiens inclusifs (CCI), le Comité de la Jupe, David &Jonathan, la FHEDLES, Les 7 pour faire du 9, le Mouvement des chrétiens cadres (MCC), Saint-Merry Hors-les-Murs, Oh My Goddess, Les Réseaux du Parvis, Toutes Apôtres !, et d’autres sont en cours de réflexion pour nous rejoindre.

D’où venons-nous ? Catholiques, nous appartenons au Peuple de Dieu. Chacune et chacun avec notre personnalité et nos compétences, en puisant l’énergie au sein de nos associations respectives, avons souhaité nous mobiliser afin de lutter pour la reconnaissance de la pleine égalité des femmes, convaincu.e.s que cette égalité dans toutes les instances de l’institution, serait un moyen de traiter la crise que traverse l’Église, notamment les discriminations qui en sont le reflet.

Où allons-nous ? L’idée, portée notamment par Annie Crépin, vise un aggiornamento de l’institution qui ouvre ses charges aux femmes et ses portes à tous les membres de l’Église, qui l’ont désertée… Et comme elle l’écrit dans La Croix, « Le but de cette rencontre était justement d’évoquer ces questions pour initier le début d’un cercle vertueux. » Elle explique que, comme une pelote de laine dont on tirerait le brin nommé « place des femmes », le reste doit venir avec lui. Car il ne s’agit pas de volonté de détruire ; au contraire : « Nous voulons nous inscrire dans une démarche constructive pour faire des propositions, et non pas seulement pointer ce qui ne va pas. » Dans mon esprit, nous devons réagir selon la métaphore du pompier : être disposé.e.s à tout tenter pour sauver l’Eglise du grave sinistre dans lequel elle est prisonnière. Qu’importent les blessures à recevoir, l’institution se veut gardienne du trésor qu’est l’Evangile ; il ne doit pas se perdre mais il est en grand danger de s’altérer. Alors, comme les pompiers, quand les portes sont fermées, il faut entrer par les fenêtres. En l’occurrence, avec l’accord obtenu pour cet entretien, une porte s’entrouvre.

Ces fondamentaux posés, nous pouvons préciser nos intentions.

Pourquoi cette commission ? Je ne sais si tous les membres de la CEPFE adhèrent à ce constat mais le mien est le suivant. Les fidèles, les non pratiquants, et les médias, tout le monde l’a compris : l’Église va mal. Elle subit les contrecoups du manque de prêtres, de la désertion des célébrations depuis la pandémie de Covid, et des erreurs et fautes : abus sexuels, abus de confiance, abus de pouvoir, qui dénoncent elles-mêmes leur caractère systémique. On n’ose mesurer le degré de souffrance des prêtres, nombreux, qui ont offert leur vie au service de la Parole, et qui sont amalgamés à leurs frères défaillants ou criminels. Ce délitement de l’institution s’est établi et s’est maintenu en accentuant l’écart entre ce que l’Eglise catholique préconise et ce que vivent les chrétiens dans la société civile. Au cœur de ces problèmes, la discrimination des femmes devient insupportable parce qu’elle pointe l’entre-soi clérical qui a généré tous ces dysfonctionnements.

Il n’est donc pas surprenant que la place des femmes au sein de l’institution catholique se retrouve au centre de toutes les préoccupations des pratiquants, mais aussi de celles et ceux qui se sont éloignés de l’Église, et par contrecoup, elle devrait intéresser les clercs. Preuve que cette question mobilise les esprits : non seulement les remontées du synode l’évoquent de manière récurrente, mais le pape lui-même a accepté de répondre récemment aux questions d’America magazine sur le sujet de l’ordination des femmes, et l’ecclésiologue Jean-François Chiron a commenté ses propos dans une tribune de La Croix, soulignant le danger d’essentialiser les charges dans l’institution.

Origine et buts de la CEPFE 

La commission a été créée pour proposer un état des lieux de la situation des femmes et chercher des pistes pour sortir de trop nombreux siècles d’inégalité dans la prise en compte des statuts femmes/hommes, aux niveau anthropologique, théologique, ecclésiologique.

Elle s’est constituée dans la perspective de fonctionner selon le même esprit que celui de la CIASE en orientant son étude non plus vers les abus sexuels mais vers ce qui pose problème dans l’Église par rapport aux femmes. A moyen terme, les membres de la CEPFE souhaitent suggérer de nouvelles pratiques pour une Église davantage au service de l’Évangile.

Selon ma propre analyse, qui a justifié mon engagement auprès de la CEPFE, la crise dans l’Église se traduit certes par une souffrance des prêtres, par leur quasi disparition, perceptible de façon cruelle dans les campagnes, mais prend sa source dans une juste colère des femmes et plus généralement des laïcs, qui enfle depuis le refus de Jean-Paul II d’entendre l’appel des femmes, pire : le caricaturant en justifiant leur subordination par une sublimation de « la » femme, devenue soudainement trop précieuse pour se commettre dans des charges ministérielles. Joseph Moingt et Jean-Marie Aubert l’avaient pronostiqué en leur temps : à vouloir ignorer les femmes, celles-ci vont quitter l’Église, et leurs enfants après elles.

Par-dessus-tout, il va sans dire que cette insistance sur une distinction genrée va l’encontre de tout l’enseignement de l’Evangile. Et, en effet, l’écart est tel, entre ce qui est offert dans les Écritures comme don d’amour, expression d’alliance dans la relation, … et ce qui est reçu par les croyants, que les églises se vident.

Qui est sollicité ?

Cette commission se veut totalement collégiale, mettant en pratique ce partenariat que nous voudrions voir s’établir dans toute l’Église pour mieux annoncer l’Évangile. Elle a vu le jour à partir des réflexions d’associations féministes (Toutes Apôtres ! Comité de la Jupe), qui ont choisi d’étendre le questionnement à l’ensemble des associations catholiques intéressées par les travaux d’approfondissement de ce sujet.

Afin de garantir le sérieux de ses réflexions, la commission a souhaité s’adjoindre des experts, d’où la création d’un « Comité des sages » chargé de garantir la pertinence des axes de réflexion et des propositions qui en découleront. Parmi celles et ceux-ci, se trouvent par exemple, Nicole Lemaître, Gabriel Ringlet, Anne Soupa, Jean-Louis Schlegel…l’ensemble composant aujourd’hui un groupe de 24 personnes dont le nom est consultable sur le site de la CEPFE.

https://placedesfemmesdansleglise.mystrikingly.com/comite-des-sages

Comment garantir le sérieux de nos travaux ?

La CEPFE a conscience qu’elle n’a pas vocation à s’auto-suffire. Elle élabore les fondations d’un authentique centre de réflexion. Elle ne possède certes pas les moyens de la CIASE, mais souhaite utiliser ce collectif comme une plateforme pour rassembler toutes les bonnes volontés préoccupées par le problème de la place des femmes. Il nous importe, notamment, de rassembler des compétences dans tous les pôles liés à la pratique ecclésiale : en sociologie, en théologie, philosophie, histoire, et j’ajouterais également en médecine, en droit, et en pastorale.

La CEPFE a choisi d’orienter le questionnement sur différents plans : celui de la place des femmes au sein de l’institution ecclésiale elle-même, d’où l’état des lieux sociologique. Elle interroge également les textes, pour souligner que rien dans la Bible, ne justifie l’ostracisme que les femmes subissent, et j’affirme avant de le démontrer, que les barrières mises par le magistère au nom de la tradition, ne sont que les effets d’une anthropologie dépassée, parce fondée sur des bases erronées comme l’infériorité féminine décrétée par Aristote, et entretenue par les représentants masculins dans tous les lieux de pouvoir.

Pour mener à bien ces investigations, la CEPFE a posé les bases d’un constat sociologique établi à partir des synthèses diocésaines et de celle de la CCBF.

https://placedesfemmesdansleglise.mystrikingly.com/rapport-sociologique

Ce dossier a été remis à E. de Moulins-Beaufort. Il met en évidence, à partir des réponses à la démarche synodale, la manière dont les femmes sont perçues dans les diocèses français, et ce que les paroissiens et paroissiennes attendent comme changements.

Nous avons également établi un rapport qui associe un rappel du contexte historique en regard de l’évolution de la place des femmes dans la société, pris en charge par Annie Crépin, et une synthèse théologique de la situation des femmes au sein de la Bible, notamment à partir du mouvement révolutionnaire instauré par Jésus, lequel ne pose jamais la moindre discrimination de genre, d’âge, de statut social, de couleur de peau, …

J’ai  obtenu d’encadrer ce rapport, déposé lui aussi sur le site https://placedesfemmesdansleglise.mystrikingly.com/rapport-theologique

et lui aussi remis au Président de la CEF, tant je suis convaincue que tout le système ecclésial tient et se justifie sur cette lecture patriarcale biaisée des Écritures, les orientant depuis des siècles, pour maintenir artificiellement les femmes en état de subordination (ou en mode « sublimé », depuis l’intervention Balthasarienne par la voix de Jean-Paul II ; ce qui revient exactement au même).

Mais ces rapports, bien que déjà adressés à la CEF, ne sont pas des constats clos ; ce sont des outils de discussion qui appellent une réflexion ultérieure, un approfondissement des analyses, afin d’aboutir à des propositions.

Pourquoi cette demande de rencontre à Eric de Moulins-Beaufort ?

L’initiative de la CEPFE s’inscrit dans la démarche synodale dont les réponses ont montré, au moins en France, que la place des femmes était un sujet central. Nous avons le souci d’informer les instances de notre Église de notre démarche, sous un autre angle que celui qui a été mis en place par ses propres structures. Ainsi, cette demande de rencontre a été motivée par l’espoir de voir la CEF collaborer à notre projet, par tous les moyens dont elle dispose.

Pour ma part, ce qui a motivé mon implication, en amont de l’entretien, visait quatre axes de recherche que j’aurais souhaité soumettre à Eric de Moulins-Beaufort. Mais il faut préciser que si les aspects ci-dessous remportent l’adhésion de certains et certaines parmi les membres de la CEPFE, ils n’ont pas encore fait l’objet d’une mise en commun.

Les pistes à approfondir, selon moi, sont les suivantes :

1/ Participer à une relecture non patriarcale des Écritures :

Il devient urgent de débarrasser l’interprétation des Écritures de siècles d’androcentrisme qui ont invisibilisé ou instrumentalisé les femmes de la Bible. Cette relecture pourrait permettre de reconsidérer l’annonce de l’Évangile par les femmes et les hommes, sans préoccupation de genre.

2/ Fournir ensemble les bases théologiques et ecclésiologiques permettant d’intégrer les femmes aux diverses charges ecclésiales.

Comment, à partir d’une prise en compte universitaire de la réalité des Écritures, restituer les arguments théologiques permettant de remplacer les rapports de domination (voire de violence) dans l’Église par un « prendre soin » collectif vraiment christique. Cette démarche conduit à chercher comment arriver à être toutes et tous sur le pied d’égalité annoncé par la Révélation qui nous veut frères et sœurs d’un seul et même Père, tel qu’a su l’honorer Paul, (comme l’indiquent ses lettres authentiques).

3/ Repenser le respect de la corporéité féminine

Dans les concepts de pureté/impureté. Sommes-nous vraiment sortis des considérations anthropo-biologiques primaires qui faisaient écrire dans le Lévitique que : « Lorsqu’une femme a un écoulement de sang et que du sang s’écoule de son corps, elle restera pendant sept jours dans la souillure de ses règles. Qui la touchera sera impur jusqu’au soir » (Lv15.19) ? A-t-on abandonné les propos de Grégoire le grand qui encourageait les femmes réglées à ne pas entrer dans l’église, et qui, dans ses réponses à un évêque d’Angleterre nommé Augustin, lui écrivait : « La menstruation n’est pas un péché (…) Mais si la nature est bouleversée au point de paraître souillée en dehors de toute volonté humaine, il faut bien que cela vienne d’une faute.[1] » Ce lien entre menstruation et faute, rejoignant la féminité d’Eve a-t-il quitté les mentalités cléricales ? D’où vient la peur des femmes ? Si nous ajoutons à ces réticences, une mauvaise compréhension des domaines de la sacralité et de la sainteté, on approche des fondements du maintien des femmes à distance de l’autel, que l’on voit ressurgir aujourd’hui. Il y a urgence à réinterroger ces critères.

Mais repenser la place des femmes réside aussi dans le respect de leur physiologie et de la libre disposition de leur corps : contraception, IVG, rapports de genre… En ce sens, l’objectif est de conduire une réflexion sur les effets toxiques d’Humanae vitae (non compensés par Amoris laetitia) en reconsidérant la relation des femmes à leur corps, et la façon de faire cohabiter le respect de l’Évangile et celui de relations harmonieuses, sans discrimination moralisatrice sur la manière de vivre les liens d’amour.

Au plan sociétal, comme au niveau ecclésiologique, il importe d’affirmer que l’assignation à une différence normée est inacceptable. Rien ne peut la justifier.

4/ Travailler à des réformes pastorales d’intégration des femmes :

Je rejoins ici l’ensemble de la commission sur la nécessité d’établir un bilan objectif de toutes ces discriminations dont les femmes sont victimes (mais selon les mêmes codes : les personnes LGBTQIA+, les divorcés-remariés…). C’est pourquoi un premier rapport sociologique étudiant les remontées du synode a été remis au Président de la CEF. Ce document peut s’enrichir de la cartographie des paroisses https://carte.comitedelajupe.fr/dl/d8fc49

mise en place par le Comité de la Jupe et Toutes Apôtres ! pour mieux connaitre les pratiques pastorales locales, et, à partir de là, mettre en place des solutions.

Dans le même esprit, un questionnaire https://bit.ly/placedesfemmesdansleglise-fr est adressé à ceux et à celles qui sont demeurés en dehors de la démarche synodale. Il est en cours de diffusion. Ensuite, ses réponses seront analysées afin de cerner les attentes de l’ensemble du peuple de Dieu.

Cet objectif de réformes passe par l’établissement de propositions concrètes qui puissent être mises en pratique rapidement, car la liturgie est un lieu qui stigmatise les discriminations et qui appelle des transformations urgentes.

Et la rencontre elle-même ? Qu’en a-t-il été de l’entretien entre Eric de Moulins-beaufort, Annie Crépin, Geneviève Decrop et Sylvaine Landrivon ?

L’avantage d’une rencontre à plusieurs, c’est qu’elle permet de faire éclore diverses perceptions d’une même réalité.

L’historienne Annie Crépin, co-présidente de Femmes et hommes égalité, droits et libertés dans les Églises et la société (FHEDLES), qui œuvre depuis plus de cinquante ans pour que la question du rôle des femmes soit enfin prise en compte, a répondu aux questions du journal La Croix. Elle tire de cet échange un bilan positif. Elle retient qu’E. de Moulins-Beaufort a « été très à l’écoute et nous a confirmé que cette question [celle de la place des femmes] devenait de plus en plus centrale. Il s’est montré très intéressé par nos travaux et nous a encouragés à poursuivre dans cette voie. » Et elle ajoute : « Nous avions aussi demandé qu’un membre de la CEF prenne part à notre comité d’experts et d’expertes. Pour le moment, cela n’est pas possible pour une question de calendrier, mais nous avons bon espoir que cela se concrétise un jour. Notre objectif d’établir un dialogue a été atteint et nous avons senti une réelle prise de conscience de sa part. Nous espérons maintenant que nos travaux seront pris en compte, et que les différences biologiques entre les femmes et les hommes ne seront plus utilisées comme des justifications à leur exclusion de l’Église. » En effet, le Président de la CEF nous a proposé une nouvelle rencontre au printemps 2023…

La sociologue Geneviève Decrop a longuement exposé les points essentiels du rapport sociologique qu’elle a dirigé, insistant sur le caractère « cahiers de doléances » de l’ensemble des remontées du synode, qui livrent selon son rapport, « une matière importante sur laquelle faire fond pour la suite, avec les deux thèmes essentiels que sont la place des femmes et le partage de la gouvernance entre clercs et laïcs. »Ce développement très pragmatique concernant la situation actuelle,  a occupé l’essentiel de la rencontre, faisant fi de tout ce qui a conduit l’institution jusqu’à ce comportement d’exclusion. Ainsi, le second dossier historique et théologique sur la place des femmes, pris en main par notre interlocuteur vers la fin de l’entretien, a vite été reposé, pour poursuivre sur la prise en compte de l’état des lieux, qui avait le mérite pour lui d’être beaucoup moins clivante.

J’ai alors eu le sentiment qu’aucun échange n’était possible au niveau théologique ou magistériel, à part quelques rares incises que j’ai tenté d’émettre, pour rappeler l’importance d’une relecture non patriarcale des Ecritures, et celle de chercher des moyens de permettre l’annonce de l’Évangile par des femmes. Notre évêque avait lu la tribune de Jean-François Chiron répondant à l’avis du pape François sur l’ordination des femmes. Mais il n’a pas donné son avis. L’idée d’un retour à des « églises de maisonnées » comme au temps des premières communautés pauliniennes (Voir sur ce sujet M. Quesnel Paul et les femmes ; M.-Fr. Baslez Les églises de maisonnées) été à peine esquissée. Elle a vite été orientée vers celle d’assemblées sans prêtres, ce qui évacue le sujet du sacrement de l’eucharistie, puisque ces rassemblements de fidèles se déroulent sans être de véritables messes.

Selon ma propre perception de la rencontre, c’est en grand diplomate, qu’E. de Moulins-Beaufort nous a, d’une certaine façon, mis en scène la fable Le corbeau et le renard. Profitant de l’appât du rapport factuel de l’état de l’Église, il a subtilement encouragé notre sociologue à prolonger ses explications, délaissant délicatement le lieu où le bât blesse : celui des faux fondements théologiques de l’entre-soi clérical. Pas la moindre minute pour rappeler que le choix des douze ne fonde pas l’Eglise mais ne possède qu’un caractère symbolique se référant à toutes les tribus d’Israël. Pas moyen de rappeler que Marie la mère de Jésus est une authentique disciple, envoyée, comme est envoyée Marie Madeleine « l’apôtre des apôtres ». Pas une seconde pour rappeler que Gaudium et spes lors de Vatican II, rejetait toute discrimination…

Il ne s’agit pas d’incriminer quelqu’un et certainement pas le Président de la CEF qui nous a reçues. Il nous a accueillies avec courtoisie et une belle qualité d’écoute. Est-ce sa faute si l’heure qu’il nous a consacrée a été utilisée à digresser sur un constat synodal, lequel après le passage par la case « document continental », et autres moulinettes cléricales, finira par accoucher d’une souris ? « Grâce à Dieu » pour reprendre une célèbre expression lyonnaise, une prochaine entrevue est prévue. Souhaitons que les aspects théologiques et ecclésiologiques du dossier de la question des femmes retrouvent leur place dans cette aventure…

Sylvaine Landrivon

[1] Cité par U. Ranke-Heinemann, Des eunuques pour le royaume des cieux, p. 32.

2 réponses pour “Sylvaine Landrivon parle de la CEPFE dans Golias Hebdo”

  • Merci merci merci.
    Pour votre travail de qualité qui m’émeut beaucoup car tout ce que vous demandez est ce que je souhaite de tout mon cœur,dans notre Église.

    • Merci à vous Hélène ! Il nous faudra être beaucoup si nous voulons voir les choses changer… N’hésitez pas à contacter la CEPFE…
      Bien à vous ! sylvaine

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