Par Sylvaine Landrivon, docteure en théologie,

dans le cadre du DIU dirigé par la gynécologue obstétricienne Sophie Gaudu à Université Paris Cité.

Sophie Gaudu est gynécologue-obstétricienne. “Son domaine d’expertise est l’avortement et la contraception. Elle exerce à l’APHP de Paris où depuis 20 ans elle est responsable de centres d’IVG et de planification familiale. Elle a co-fondé en 2004 le réseau de santé REVHO (Réseau Entre la Ville et l’Hôpital pour l’orthogénie) dont elle a assuré la présidence jusqu’en 2017. Elle  coordonne à Paris 5 le diplôme “Régulation des naissances, orthogénie” qu’elle a crée en 2005 et également depuis 2019 avec la Dre Trignol le diplôme universitaire “Perfectionnement en orthogénie” à Paris 11″.

Voir en fin de dossier, le reportage réalisé par Valentine Joubin de Radio France sur ce DIU.

Réflexion autour de la prise en compte de la régulation des naissances au sein de l’Église catholique.

Notre approche se déroulera selon trois grands axes. Nous allons d’abord planter le décor avec une contextualisation des principes et règlements fournis par l’institution catholique qui nous conduira à un retour sur leurs racines. Puis nous aborderons la question de l’avortement, et enfin celle de la contraception, afin de voir comment a évolué l’Église catholique sur ces points, et comment interpréter ses positions.

Tout comme la religion juive dont elle est issue, la religion catholique est fondée sur deux piliers que sont la Création et l’Alliance. C’est dire qu’il s’agit d’une religion dans laquelle la transmission de la vie (création) et le concept de relation (alliance) sont primordiaux. Cela crée donc un rapport tout à fait particulier au respect de la vie et au désir de la donner.

Dans la religion catholique, la vie ne sera jamais évoquée en termes de droit mais en termes de don. C’est pour cette raison sans doute que les questions relatives au don de la vie ont pris une place si importante, au point parfois de l’absolutiser, peut-être même jusqu’au non respect de la vie elle-même, notamment pendant de longs siècles, de celle des femmes. Toutes n’ont pas la force et les moyens de la très catholique impératrice Marie-Thérèse d’Autriche (1717-1780) qui a dirigé son état tout en ayant 16 enfants.

Ainsi, la régulation des naissances est une question majeure pour la vie des couples catholiques pratiquant.e.s ou non, et plus particulièrement pour les femmes qui sont les premières à être atteintes dans leur corps, dans leur quotidien, par leur aptitude à donner la vie.

Nous allons voir que l’Église catholique, après avoir tenu une posture très rigide, a un peu assoupli ses positions depuis 2016, grâce à une publication du pape François : Amoris Laetitia, La joie de l’Amour.

Il s’agit d’une proclamation, c’est-à-dire d’une recommandation adressée aux fidèles sans avoir tout à fait la valeur juridique d’une encyclique. Expliquons-nous sur ces termes.

Dans la pyramide des lois et règlements internes à l’Église, toutes les déclarations n’ont pas la même valeur.

De plus grande force contraignante, une encyclique est une lettre adressée par le pape à tous les évêques, à charge pour eux de la faire connaître aux fidèles. Elle expose la position officielle de l’Église sur un point de doctrine.

A côté de ces textes, d’autres documents, comme celui de 2016, appartiennent à la catégorie des recommandations. Ce sont les exhortations apostoliques.

Ces « ergotages » juridiques ont en réalité assez peu d’importance dans la hiérarchisation des textes, quant à leur autorité. Mais certains courants « intégristes », considèrent que l’exhortation apostolique ne prime pas sur l’encyclique qu’elle réajuste, et peut donc être pratiquement ignorée. (C’est le cas dans certains diocèses face à l’ouverture que propose Amoris laetitia vis-à-vis de la situation des divorcés-remariés).

Jusqu’à ce dernier document, les lois contemporaines qui régissaient la régulation des naissances provenaient de l’encyclique Humanae vitae, (De la vie humaine) publiée en 1968, qui a provoqué de lourdes controverses dès sa sortie.

Parue sous le nom du pape Paul VI, cette encyclique est principalement le fruit de celui qui lui succédera sous le nom de Jean-Paul II et qui n’aura de cesse de renforcer les prérogatives et la supervision de l’Église dans le domaine de la vie privée, notamment du rôle des femmes et de la régulation des naissances.

Depuis, toute l’Église ou presque, attendait un message d’apaisement. Il arrive timidement en 2016 avec Amoris Laetitia. Il aura fallu 50 ans de décalage total avec les impératifs sociétaux d’Occident, pour infléchir un peu les règles et encore : les placer loin en-deçà des attentes qui étaient celles des années 1960.

Dès la préface écrite par l’évêque Jean-Luc Brunin, Amoris Laetitia annonce que sa réception doit éviter le piège de l’idéalisme et il cite le pape François qui reconnaît que jusque là :

« Nous avons présenté un idéal théologique du mariage trop abstrait, presque artificiellement construit, loin de la situation concrète et des possibilités effectives des familles réelles.[1] »

Jean-Luc Brunin explique que la démarche vise désormais « à dépasser le schéma trop pyramidal ou trop clivé entre une Église enseignante et une Église enseignée[2] ».

Pour la première fois, la hiérarchie ecclésiastique reconnaît que les clercs n’ont pas la science infuse… et ne peuvent pas parler de tout, toujours, avec autorité.

Le climat change donc un peu, mais il faut voir d’où nous partons, et ce qui va évoluer… ou pas.

***

D’une manière générale, la famille catholique est conçue comme lieu de la procréation, dans sa vocation à accueillir la vie comme don de Dieu.

Nous avons dit que pour un catholique, cette vie ne se dit pas en termes de droit mais en termes de don. Autrement dit, la vie n’est pas produite par un couple ou par la science : elle est donnée, accueillie, reçue. Ces adjectifs couvrent tout le champ lexical d’un cadeau transmis dans la plus totale gratuité du don et sans aucune intervention extérieure. On comprend vite que cette approche a plusieurs conséquences.

Cela signifie d’abord que la notion de couple au fondement de la famille ne peut s’entendre, du point de vue catholique, que relativement à deux personnes de sexe différent. Puisque la « procréation naturelle » en est le fondement, et ce sans intervention extérieure, seule l’union d’un homme et d’une femme est envisageable.

Cette question de la procréation s’entend évidemment dans le cadre du mariage et, sur ce point, saint Augustin, se fondant sur certains versets des lettres de saint Paul[3] est prolixe. Il écrit plusieurs livres qui concernent le mariage : De continentia (395), De bono coniugali (401), De nuptiis et concupiscentia (418).

Il explique que les trois « biens » du mariage sont : la proles, la fides, le sacramentum

  • PROLES (la progéniture): Le premier bien est l’enfant : « Il faut les accueillir avec tendresse, les nourrir humainement, les élever religieusement », bien entendu en nombre aussi grand que Dieu le souhaitera.
  • FIDES (la fidélité) : Le second bien est l’union, la fidélité
  • SACRAMENTUM (le sacrement) : Si les biens que sont la progéniture et la fidélité appartiennent de tous temps au mariage, son caractère sacramentel est propre à ceux qui appartiennent au peuple de Dieu. Notons que le mariage n’était pas un sacrement à proprement parler jusqu’au XIIe siècle. En effet, c’est Pierre Lombard qui rédige un exposé complet du mariage comme sacrement vers 1150. (Le pape Lucien III l’inscrit dans un décret en 1184.) Ainsi le Christ s’associe à ce don des époux et unit leur donation au don qu’il fait de lui-même à l’Église.

Mais cette dimension du mariage a connu un long cheminement au sein de l’Église, car longtemps deux courants s’opposent : l’un, ascétique, se réclamant de saint Jérôme, tient le mariage pour un état inférieur au célibat, soupçonné de conduire à la débauche. Les relations sexuelles sont alors soumises à un calendrier très contraignant qui tolère à peine une centaine de jours à la sexualité conjugale, la continence étant demandée durant les temps pénitentiels qui précèdent Noël et Pâques, lors de certaines fêtes et les jours de communion sans compter les périodes d’impureté de la femme : règles, grossesses, relevailles…

Les tenants de l’autre tendance triomphent à partir du XIe siècle ; ils mettent l’accent sur l’échange spirituel et sur l’amour. L’Église récupère ainsi tous les couples voulant échapper à la contrainte de mariages arrangés par les familles, ou au contraire ceux qui, du fait du sacrement deviennent incontournables et s’imposent aux dites familles. On pense ici bien sûr à Roméo et Juliette.

Canonistes et théologiens s’accordent finalement autour de ce que préconisait Augustin avec les 3 biens de la proles, la fides et le sacramentum, et Thomas d’Aquin voit dans ces biens, des objectifs qu’il classe en fins essentielles primaires : la procréation et l’éducation des enfants, et fins secondaires : l’aide mutuelle et le remède à la concupiscence[4].

On en est toujours là dans le Code de Droit Canonique de 1917 avec son Canon 1013 qui dit : « La fin première du mariage est la procréation et l’éducation des enfants ; la fin secondaire est l’aide mutuelle et le remède à la concupiscence. »

Le code de 1983 au canon 1055 modifie un peu le texte précisant que le mariage est ordonné : « par son caractère naturel au bien des conjoints ainsi qu’à la génération et à l’éducation des enfants ». Le bien des conjoints est enfin passé devant le souci de procréation. C’est un progrès.

La question connexe de la stérilité de l’un ou de l’autre membre du couple a été réglée par une reconnaissance de cet état comme une épreuve. Elle ne justifie aucun acte pour y pallier, sinon la prière ou l’adoption, et n’est pas un motif de nullité du mariage.

Toutefois, l’impuissance est un élément qui peut justifier cette nullité selon le canon 1084 du CIC : « L’impuissance antécédente et perpétuelle à copuler de la part de l’homme ou de la part de la femme, qu’elle soit absolue ou relative, dirime le mariage de par sa nature même. »

Ce qui motive la position de l’Institution est que chaque être humain est compris comme un mystère irréductible à une chose. Mais l’impératif catégorique de non réification de Kant[5], qui invite à ne jamais considérer quiconque comme un « moyen », est commun à tous les humanistes. C’est la notion de mystère qui est propre au christianisme et qui fait que le couple est invité à recevoir les « cadeaux » qui lui sont offerts -ou non-, l’Église encourageant toujours, de ce fait les familles nombreuses.

Cependant face à la réalité du monde, face aux « signes des temps » -selon le vocabulaire du Concile Vatican II-, l’Église promeut depuis 50 ans, ce qu’elle nomme « la parentalité responsable ». A nous de voir comment.

Sur ce point, comme sur beaucoup d’autres, nous allons constater que si des nuances apparaissent, le discours de l’institution catholique a globalement assez peu varié sur le sujet. Et laisse beaucoup de monde sur le bord de la route, notamment des femmes.

De quoi disposons-nous pour aborder ce thème ?

Au commencement : nous sommes face à des paroles bibliques prises littéralement

Dès les premiers versets de la Bible, au premier chapitre de la Genèse, nous trouvons l’injonction divine adressée au premier couple : « Soyez féconds, multipliez, emplissez la terre… » (Gn 1, 28)

Elle se renouvelle à l’intention de Noé après le Déluge, quelques chapitres plus loin : « Dieu bénit Noé et ses fils et il leur dit : “Soyez féconds, multipliez, emplissez la terre. »(Gn 9, 1).

Tout le Premier Testament oriente vers la multiplication de l’espèce humaine ; et la pire des épreuves pour une femme (l’homme n’étant pas reconnu infertile) est la stérilité que seul Dieu peut vaincre comme pour Sarah, l’épouse d’Abraham, ou Anne qui donnera finalement naissance au prophète Samuel, et Élisabeth la cousine de la mère de Jésus. Mais le Nouveau Testament oriente davantage vers l’amour réciproque. Ce qui n’empêchera pas l’institution -comme nous l’avons vu-, de considérer la proles comme première, jusqu’au milieu du XXe siècle.

Si ces racines arrimées dans l’Écriture n’ont pas vocation à être prises au sens littéral, elles imprègnent donc l’histoire, moins sans doute pour glorifier la vie comme don de Dieu, que pour asseoir, par le nombre, la puissance de l’Église.

Nous avons vu que les documents magistériels qui transmettent les consignes aux catholiques n’ont pas tous la même valeur « juridique ». En outre, dans le domaine qui nous occupe, les textes appartiennent à deux catégories.

Ceux relatifs à la morale sociale : PP6

  • L’encyclique Populorum progressio, Paul VI, 1967. (Le progrès des peuples)
  • Sollicitudo rei socialis, Jean-Paul II, 1988. (A propos des questions sociales)
  • L’encyclique Centesimus annus, Jean-Paul II, 1991… (critique du libéralisme pour le centenaire de rerum Novarum de Léon XIII qui a fondé la doctrine sociale de l’Eglise)

et les documents sur la famille :

  • L’encyclique Humanae vitae, Paul VI, 1968. (de la vie humaine)
  • Familiaris consortio, Jean-Paul II, 1981. (Les tâches de la famille chrétienne)
  • L’encyclique Evangelium vitae, Jean-Paul II, 1995. « sur la valeur et l’inviolabilité de la vie humaine »
  • Amoris laetitia, François, 08 avril 2016. (La joie de l’amour)

Sur le plan pratique de la pastorale ordinaire, la référence ecclésiale la plus commune demeure toutefois le Catéchisme de l’Église Catholique paru en 1992 et approuvé par le pape Jean-Paul II.

Cet ouvrage qui sert de base morale à la foi chrétienne n’a pas été revu depuis sa rédaction et n’a donc pas encore pris en compte les nuances de la dernière exhortation apostolique.

Un autre document pourrait servir de support à une réflexion sur ce qui touche à la régulation des naissances : le Dictionnaire encyclopédique d’éthique chrétienne, édité au Cerf sous la direction de L. Lemoine, E. Gaziaux et D. Müller, en 2013. Attention toutefois : les articles étant rédigés par des théologiens « chrétiens », tous ne sont pas catholiques et peuvent orienter la réflexion hors des prescriptions magistérielles catholiques.

***

 Nous allons aborder la régulation des naissances selon deux perspectives :

  • Celle de l’avortement, dont l’autorisation légale subit de graves revers actuellement, y compris dans des pays dits démocratiques, au nom de la foi. Nous verrons comment l’Église catholique intervient par rapport à l’acte lui-même, et ce qu’elle dit à celles et ceux qui le pratiquent, le tolèrent ou l’encouragent.
  • Celle de la contraception avec les limites qu’elle impose à une démarche qui -dans le principe- est contraire à sa conception de la vie. Nous évoquerons également brièvement la position de l’institution ecclésiale face aux PMA et à la GPA.

 L’Église catholique et l’avortement

Il est un point sur lequel la position de l’Église catholique est demeurée « presque » identique au fil des siècles : celui de l’avortement. « Presque », parce que la date de « l’animation » du corps, autrement dit de l’entrée de l’âme dans l’embryon, a été longtemps discutée, par les plus grands théologiens, sans jamais vraiment aboutir. (Voir L’animation de l’embryon humain et le statut de l’enfant à naître dans la pensée médiévale, par Maaike van der Lugt).

Au XIIe siècle par exemple, le philosophe et théologien Guillaume de Conches, cherchait à partir de quand l’âme entre dans le corps, donc à partir de quand nous avons affaire à un être humain. Il repère 4 moments possibles : la conception, l’achèvement de la forme, l’apparition du mouvement et la naissance. Selon lui, le deuxième moment est le plus souvent admis. Pour lui, l’âme ne peut s’associer au corps qu’au moment où les conditions nécessaires à la vie sont remplies. Ce qui signifierait qu’un avortement précoce ne tuerait pas un être humain.

La grande question des théologiens est plutôt de savoir si l’âme est transmise par les parents (traducianisme) ou insufflée directement par Dieu (créatianisme), ce qui change le moment où l’individu devient véritablement humain. Si c’est Dieu qui donne l’animation : il la crée au moment qu’il souhaite. Seulement, si c’est par ce biais que l’âme se donne à l’enfant, cela remet en cause la transmission du péché originel auquel tient tant st Augustin. Dieu n’insuffle pas une âme défaillante…

De ce fait, même s’ils condamnent toute interruption volontaire de grossesse comme un péché grave, les théologiens et canonistes médiévaux ne qualifient pas d’homicide l’avortement intentionnel ou accidentel d’embryons informes.

Il est admis que l’embryon informe ne possède pas encore d’âme et n’est donc pas un être humain. Toutefois, du temps de st Thomas d’Aquin, il n’existe pas de discours unifié. Et lorsque les auteurs avancent des chiffres sur l’infusion de l’âme qui attribue par conséquent, le statut d’humain, ces chiffres varient de trente à quatre-vingt-dix jours, moment où l’embryon acquiert les contours de la forme humaine.

Pourquoi un tel retour sur les réflexions médiévales ?

Cette approche est intéressante car elle vient réinterroger la loi française actuelle sur l’avortement, en montrant que la question d’une date butoir n’est pas nouvelle, et que, si la terminologie diffère, le fond de la question demeure, et pose globalement les mêmes questions relatives à la durée.

Il est tout de même intéressant de remarquer que les repères posés par les théologiens médiévaux correspondent à des étapes particulières du développement de l’embryon et du fœtus et que l’hésitation entre 30 et 90 jours pointe le début des battements cardiaques alors que la durée longue correspond sensiblement à 14 semaines d’aménorrhée… dans un temps où l’échographie n’était pas encore vraiment au point.

Mais l’institution a vite tranché sur ces réflexions très ou trop intellectuelles, et depuis longtemps le Magistère insiste pour considérer que l’embryon est un être humain dès sa conception.

(sauf s’il s’agit de lui accorder des funérailles. Car si le CEC dit que : «  Le ministère de l’Église a en vue ici aussi bien d’exprimer la Communion efficace avec le défunt que d’y faire participer la communauté rassemblée pour les obsèques et de lui annoncer la vie éternelle. » (N° 1684), il n’en est évidemment jamais question en cas de fausse couche précoce, comme si avant un certain seuil de maturation du fœtus, il ne s’agissait pas tout à fait d’un être humain… Paradoxe à approfondir.

Si nous reprenons ce que dit le Catéchisme de l’Église Catholique à propos de l’avortement, il est assimilé à un crime : PP10

Au n° 2261 « L’Écriture précise l’interdit du cinquième commandement: “Tu ne tueras pas l’innocent ni le juste” (Ex 23,7). Le meurtre volontaire d’un innocent est gravement contraire à la dignité de l’être humain, à la règle d’or et à la sainteté du Créateur. La loi qui le proscrit est universellement valable : elle oblige tous et chacun, toujours et partout. »

Le texte s’appuie d’abord sur le cinquième commandement. On aurait pu le référer aux « Dix Paroles » (Dix commandements) prononcées par Dieu en Exode 20 plutôt qu’à ce passage plus confidentiel qui se trouve trois chapitres plus loin, mais alors, il aurait fallu s’en tenir à : « tu ne tueras pas » et dans ce cas, admettre que toutes les vies ne se valent pas selon la façon dont elles sont sacrifiées : permis à la guerre, interdit pour l’embryon.

L’article du Catéchisme, mentionné ci-dessus, évoque aussi la règle d’or : ne pas faire à autrui ce que nous ne voudrions pas qu’on nous fasse. Nous y reviendrons et verrons en conclusion en quoi cette référence peut être un appui solide pour assister une patiente dans son choix.

Le Catéchisme de l’Église Catholique poursuit :

n° 2270 « la vie humaine doit être respectée et protégée de manière absolue depuis le moment de la conception. Dès le premier moment de son existence, l’être humain doit se voir reconnaître les droits de la personne, parmi lesquels le droit inviolable de tout être innocent à la vie » (cf. “Donum vitæ” 1,1) » et le texte précise que « L’avortement direct, c’est-à-dire voulu comme une fin ou comme un moyen, est gravement contraire à la loi morale »

Le pape Jean-Paul II l’a rappelé dans son encyclique Evangelium vitae en 1995 : « la vie humaine est sacrée et inviolable dans tous les moments de son existence, même dans le moment initial qui précède la naissance. »

La cause est donc entendue pour toute femme se faisant avorter : la sanction est l’excommunication latae sententiae. 

Qu’est-ce que cela veut dire ?

D’abord une excommunication : c’est la peine terrible qui frappait les hérétiques aux premiers temps de l’Église et au Moyen Age. C’est encore aujourd’hui la sanction la plus grave dans l’Église catholique (depuis Vatican II, elle ne peut atteindre que des baptisés catholiques). Elle consiste en une exclusion complète de la communauté, de la participation aux biens spirituels, de l’accès aux sacrements.

Ce rejet complet de l’Église peut être prononcé de deux façons. Soit par jugement, soit sans aucune information parce que le coupable est censé savoir que ses actes l’ont chassé du groupe.

Le Canon n° 1314 du CIC nous dit ceci : « Ordinairement la peine est ‘ferendae sententiae’, de telle sorte qu’elle n’atteint pas le coupable tant qu’elle n’a pas été infligée ; mais elle est ‘latae sententiae’, de telle sorte qu’elle est encourue par le fait même de la commission du délit, si la loi ou le précepte l’établit expressément. »

L’avortement est passible de cette seconde sanction, autrement dit, dès que l’acte est commis, sans jugement. Pour information, sont passibles d’excommunication latae sententiae : l’apostasie (renier publiquement sa foi), l’hérésie, le schisme, la profanation des espèces (détérioration d’hosties consacrées par exemple), l’absolution de celui ou celle avec qui un prêtre aurait commis un péché contre la chasteté, l’appartenance à la Franc-maçonnerie, et donc l’avortement.

Mais ces peines ne sont pas forcément définitives.

Les excommunications peuvent être levées, soit par l’autorité qui l’a prononcée, pour les peines ferendae sententiae, soit par un évêque, pour une excommunication latae sententiae, donc dans le cas d’un avortement.

Nous voyons donc le sort ecclésial qui attend toute femme effectuant une IVG. Elle l’ignore généralement. Et lorsqu’elle en est informée, mieux vaut pour elle choisir de se confier à un évêque progressiste.

Et que se passe t-il pour le soignant qui participe à cet acte ?

Si nous revenons au Catéchisme de l’Église Catholique : le n° 2270 évoqué précédemment précise que : « la coopération formelle à un avortement constitue une faute grave ». Phrase qui est reprise au n° 2272 « La coopération formelle à un avortement constitue une faute grave. L’Église sanctionne d’une peine canonique d’excommunication ce délit contre la vie humaine. » L’Église est donc très claire et ne varie pas sur ce point. Elle le formalise dans le code de droit canonique de 1983 par son canon 1398 qui stipule, quant aux sanctions : « Qui procure un avortement, si l’effet s’en suit, encourt l’excommunication latae sententiae ».

Donc, même punition que la femme qui avorte. En outre, les personnes qui, sans participer directement, incitent publiquement à l’avortement sont officiellement exclues du droit de communier (hommes politiques, scientifiques…) sous le coup du Canon 915 : « ceux qui persistent avec obstination dans un péché grave et manifesté ne seront pas admis à la sainte communion ». Ils reçoivent ici, la même sanction que les divorcés remariés.

Pendant ce temps, que se passe-t-il sur le plan légal en France :

Une nouvelle loi a été votée le 02 mars 2022 « visant à renforcer le droit à l’avortement », considérant que ce droit n’est pas toujours parfaitement garanti. Elle fait suite à un rapport de 2020 réalisé au nom de la délégation aux droits des femmes de l’Assemblée nationale, qui recommandait de traiter l’avortement comme un droit effectif.

La loi, promulguée au JO du 03 mars 2022 déclare : un allongement de deux semaines du délai légal pour avoir recours à l’IVG, qui est ainsi porté de 12 à 14 semaines de grossesse. Il suit l’une des préconisations formulées par les députées Marie-Noëlle Battistel et Cécile Muschotti. Leur rapport constatait qu’au moins 2000 patientes étaient contraintes chaque année de se rendre à l’étranger par le dépassement du délai de 12 semaines, souvent causé par des  situations personnelles complexes ou la fermeture d’établissements de santé pratiquant l’avortement.

Le texte prévoit également :

  • d’étendre la compétence de la pratique des IVG chirurgicales aux sages-femmes dans les hôpitaux ;
  • de pérenniser l’allongement du délai de recours à l’IVG médicamenteuse en ville à 7 semaines de grossesse (contre 5), comme c’est le cas depuis avril 2020 suite à la crise sanitaire et tel que l’a recommandé la Haute Autorité de santé ;
  • de supprimer le délai de réflexion de deux jours, imposé afin de confirmer une demande d’avortement après un entretien psychosocial ;
  • de préciser dans le code de la santé publique que le pharmacien refusant la délivrance d’un contraceptif en urgence sera en méconnaissance de ses obligations professionnelles.

Un répertoire librement accessible recensant les professionnels et structures pratiquant l’IVG devra être publié par les agences régionales de santé.

Le texte initial de la proposition de loi prévoyait de supprimer la clause de conscience spécifique à l’IVG qui permet aux médecins et aux sages-femmes de refuser de pratiquer un tel acte. Les députés ont supprimé cette disposition lors de la deuxième lecture du texte.

Un médecin ou sage-femme peut donc toujours faire valoir la clause de conscience.

PP13 D’ailleurs dans l’Exhortation apostolique « Amoris Laetitia », le pape François rappelle qu’il n’est pas question de transiger et dit ceci au §83 :

Si la famille est le sanctuaire de la vie, (…) le fait qu’elle devient le lieu où la vie est niée et détruite constitue une contradiction déchirante. La valeur d’une vie humaine est si grande, et le droit à la vie de l’enfant innocent qui grandit dans le sein maternel est si inaliénable, qu’on ne peut d’aucune manière envisager comme un droit sur son propre corps la possibilité de prendre des décisions concernant cette vie qui est une fin en elle-même et qui ne peut jamais être l’objet de domination de la part d’un autre être humain. […] Voilà pourquoi « à ceux qui travaillent dans les structures de santé, on rappelle leur obligation morale à l’objection de conscience[6] ».

On note la fermeté du rappel de l’obligation morale à l’objection de conscience, dont il ne sera pas question à propos de la contraception.

Une seule exception : pour sauver la vie de la femme enceinte. En effet, l’Église catholique reconnaît que certains actes causant indirectement un avortement peuvent être légitimes. Ceci est le cas lorsqu’un médecin effectue une procédure nécessaire lorsque la vie d’une femme est en danger même si cette procédure causera la mort de l’embryon ou du fœtus. On considère alors que l’intention est de sauver la vie de la femme et non de mettre fin à la grossesse.

***

Retour aux étapes récentes sur la contraception :

Depuis la fin de la seconde guerre mondiale, ce sujet divise les fidèles catholiques, majoritairement favorables à la liberté de la contraception, et une partie de la hiérarchie cléricale, opposée à tout changement de doctrine.

Pour mémoire, le concile Vatican II, (11/10/1962-08/12/1965) tout en élaborant une théologie très positive de la conjugalité et du sacrement du mariage s’était abstenu d’aborder la licéité de l’usage de la pilule contraceptive.

En effet, le débat ne faisait pas l’unanimité au sein des commissions, et cela conduisit le pape, poussé par quelques conseillers réactionnaires, à se réserver la décision sur le sujet.

Ainsi, dans la constitution Gaudium et spes §51, la note 4 précise que :

« Par ordre du Souverain Pontife, certaines questions qui supposent d’autres recherches plus approfondies ont été confiées à une Commission pour les problèmes de la population, de la famille et de la natalité pour que, son rôle achevé, le Pape puisse se prononcer. L’enseignement du Magistère demeurant ainsi ce qu’il est, le Concile n’entend pas proposer immédiatement de solutions concrètes ».

Ce fut un choc immense au sein de la communauté catholique. La commission se réduit vite à peu de monde et se centrera surtout sur le futur Jean-Paul II fermement opposé à une libéralisation de la contraception. Il aura gain de cause.

La parution de l’encyclique, le 25 juillet 1968, fera l’effet d’une « bombe » chez les laïcs et les experts qui n’auront pas été suivis (ils étaient, en grande majorité, favorables à cette ouverture).

Mais l’encyclique Humanae vitae veut d’abord réaffirmer la compétence d’une parole magistérielle, seule capable d’interpréter la loi naturelle et d’expliciter la nature du mariage. Et, pour la hiérarchie ecclésiale, il s’agit de ne pas dissocier rapports sexuels et procréation.

A cet effet, le texte précise que : « tout acte matrimonial doit rester ouvert à la transmission de la vie »

Le paragraphe 14 est très clair : « Est exclue toute action qui, soit en prévision de l’acte conjugal, soit dans son déroulement, soit dans le développement de ses conséquences naturelles, se proposerait comme but ou comme moyen de rendre impossible la procréation. »

Et Jean-Paul II estime alors « qu’un acte conjugal rendu volontairement infécond » est « intrinsèquement déshonnête », même dans une famille déjà pourvue de nombreux enfants.

Selon le jésuite Joseph Moingt, un tel coup de massue sur les femmes, qui sont concrètement les premières à devoir affronter le poids de naissances à répétition, a grandement contribué à vider les églises (des femmes elles-mêmes qui ont compris qu’elles n’étaient pas entendues, et plus tard de leurs enfants qu’elles n’ont pas poussés vers l’adhésion à une pratique aussi déconnectée des réalités).

Dans les paroisses, l’encyclique Humanae vitae est perçue comme une défiance par certains catholiques qui ne se sentent pas considérés comme des adultes dans la foi.

D’ailleurs les Églises Orthodoxes seront un peu surprises. A propos d’Humanae Vitae, le patriarche de Constantinople Athénagoras Ier, ami de Paul VI, a déclaré qu’il comprenait et approuvait pleinement l’intention profonde de l’encyclique mais trouvait « détails et recettes » inutilement invasifs dans l’intimité sacrée des époux. De fait, en ce qui concerne la régulation des naissances, très majoritairement, les Églises Orthodoxes se contentent de rappeler le sens de l’amour vrai, sa naturelle et surnaturelle fécondité, mais laissent le choix des méthodes (non abortives, évidemment) au consensus des époux. « Quand les époux se retirent dans leur chambre nuptiale, tout ce qu’ils y font dans le respect, et l’amour mutuels est saint, et cela ne regarde pas les clercs. »

Côté catholique, on persévère dans l’incitation des couples à la continence, et seules les « méthodes naturelles » sont tolérées, sauf bien entendu le coït interrompu, le fameux « crime d’Onan ».

Une minute d’histoire biblique :

Le patriarche Abraham a eu un fils Isaac avec Sarah, et lui-même a eu 2 fils : Jacob et Esaü. L’un des 12 fils de Jacob : Juda, avait lui-même trois fils dont l’ainé Er, époux de Tamar, et ensuite Onan, nous dit le livre de la Genèse au chapitre 38.

Er étant mort sans enfant, Onan doit, selon la loi juive, épouser sa belle-sœur afin de donner une descendance à son frère. Mais Onan s’y refuse et pratique le coït interrompu (ou pour d’autres : la masturbation d’où le nom d’onanisme donné à celle-ci). En réalité la Bible se contente de préciser qu’il répand sa semence sur le sol. Dieu, très en colère de cette transgression qui l’empêche de donner une descendance à la tribu de Juda fait mourir Onan.

L’Église catholique a lutté par tous les moyens pour interdire ce qu’elle considérait comme un abominable péché, délaissant (ignorant peut-être) la raison du châtiment divin qui ne disqualifiait pas le plaisir mais le refus de poursuivre la généalogie du peuple de Dieu.

On sait quels dégâts psychologiques entrainera, chez de très nombreux adolescents, la traque acharnée des prêtres pour pourchasser la masturbation assimilée au geste d’Onan…

Voir sur ce sujet, et plus généralement sur le rapport de l’Église à la contraception, le livre du théologien Loïc Berge paru juste avant la publication d’Amoris laetitia. Il s’intitule : Contraception : sortir du malentendu[7].

Loïc Berge s’interroge sur la régulation des naissances et se demande : et si, échappant aux intransigeances d’Humanae Vitae, la contraception quittait le domaine législatif de l’Église pour se fonder sur une morale de la communion des personnes, et ainsi ne relever plus que du discernement propre à chaque couple chrétien ?

N’est permis pour le magistère, que ce qui est « naturel », comme si le fond de la question contraceptive n’était qu’une affaire de méthode. Or selon cette perspective, la méthode prônée par ces clercs célibataires, induit une étrange théologie du corps qui réduit les femmes à leur cycle menstruel et donne une piètre valeur à la relation de couple. La perspective de Jean-Paul II qui se voulait jusque là biblique, devient sur ce point, strictement formelle et restaure une théologie de la loi naturelle bien éloignée des sources d’inspiration scripturaire et personnaliste de Vatican II.

Ainsi, dans un rétrécissement délibéré du champ d’analyse, Jean-Paul II « ramène l’ontologie de l’homme à la biologie » explique Loïc Berge (p.146), le pape feignant d’oublier que la Création a posé la relation intersubjective dès l’origine, au cœur même de la création.

Que propose alors l’auteur face à cette incompréhension qui perdure entre les paroissiens et le Magistère ?

Dans la droite ligne de ses collègues Walter Kasper ou Bernard Sesboüé, Loïc Berge revendique une tradition vivante et souligne que « la parole du magistère ne doit nullement être considérée comme tombant du ciel (…) c’est une parole qui se cherche, une parole en recherche » (p.169-170). Et il rejoint l’invitation du Cardinal R. Marx qui, à propos de ce synode sur la famille, suggère dans Études de « repenser à neuf la position [de l’Église] à partir des fondements de l’Évangile.

Tout au long de l’ouvrage, le propos de l’auteur consiste à remettre l’humain au centre des préoccupations et rappelle que « le temps de la personne est autre chose que son rythme biologique » (p. 83). Loïc Berge repositionne ainsi judicieusement le débat en rappelant que « la vocation civilisatrice de l’Église est d’humaniser l’agir humain » (p. 87-88) plutôt que de le biologiser.

Pour la régulation des naissances, autorisation de moyens naturels, donc, mais sous contrôle ! Et surtout, en laissant une chance à la vie…

Cela signifie que le couple doit choisir de n’avoir de relations sexuelles qu’au cours des périodes infécondes du cycle de la femme. De cette façon, il n’intervient pas par des moyens artificiels sur le cycle, mais s’adapte à la « nature » qui offre alternativement des jours stériles et des jours féconds. Cela permet d’espacer les naissances tout en restant ouvert à la vie.

Cependant, outre l’hypocrisie du procédé, cette préconisation d’utilisation des méthodes « naturelles », réduit les femmes à leur rythme biologique. De ce fait, la méthode se présente comme un curieux moyen de respecter la dignité des femmes et l’amour au sein du couple.

Comme l’écrit Monique Baujard[8] dans un entretien pour Ouest France paru le 22/07/2018, à propos d’Humanae vitae : « C’est bien un texte écrit par des hommes célibataires qui vivent eux-mêmes cette continence. On place la vertu dans le moyen, or la vertu n’est jamais dans le moyen, mais dans le cœur des hommes. »

C’est donc moins une question de méthode que de projet de vie.

Après la proclamation d’Humanae vitae, le choc et la prise de distance sont tels, qu’il va falloir mettre en place un concept nouveau.

En 1980, le pape Jean-Paul II, décidément très impliqué sur le sujet, va inventer la « loi de gradualité » afin de ne pas faire fuir tous les couples. Il va ainsi accorder des « circonstances atténuantes » aux couples peu assidus à suivre ces préconisations[9]. Cette loi de gradualité explique, en somme, que : « La contraception ne peut jamais être un bien. Elle est toujours un désordre, mais ce désordre n’est pas toujours coupable ».

Il poursuit dans cette voie avec l’exhortation Familiaris Consortio publiée le 22 novembre 1981 qui va clarifier cette approche en invitant à: « un cheminement pédagogique de croissance (…), jusqu’à une conscience plus riche et à une intégration plus pleine de ce mystère dans leur vie. » (§9).

En d’autres termes : cette « loi de gradualité » se veut imprégnée de réalisme pastoral, et postule que le respect des hautes exigences de l’Église en matière de sexualité ne peut pas se faire du jour au lendemain. Cette loi valorise l’intention de se rapprocher de l’idéal défini par l’Église et admet qu’il faut accepter parfois une temporalité longue.

L’Église catholique admet donc des échecs possibles mais persévère dans son injonction à ne pas tolérer d’autres moyens de régulation des naissances que les méthodes dites naturelles.

Sont par conséquent condamnés : la contraception chimique ou mécanique, l’avortement, et la stérilisation contraceptive. Bien entendu, -et nous y reviendrons-, dans le même temps, est également prohibé tout type de procréation artificielle ; une PMA étant perçue comme provenant d’un « besoin d’enfant à satisfaire », susceptible de bouleverser les structures de filiation et de remettre en cause le statut moral de l’embryon.

Concernant ces méthodes « naturelles », le professeur d’éthique de l’Université de Namur : Laurent Ravez, pointe cependant les limites sociologiques d’une telle prescription et s’interroge :

« La prescription de méthodes dites « naturelles » en matière de contraception tient-elle compte des réalités vécues par les plus pauvres d’entre nous : promiscuité, surpopulation, manque d’éducation, système sanitaire déficient, etc. ? L’impossibilité matérielle, pour certaines familles indiscutablement aimantes et responsables, de faire vivre et d’éduquer leurs enfants n’appelle-t-elle pas à une ouverture pragmatique sur la nécessité de mettre en place tous les moyens possibles – autre que l’infanticide- pour éviter que la naissance d’un petit dernier ne fasse définitivement basculer tout le groupe familial dans la misère profonde ?[10] »

Après plus de 40 ans d’atermoiements, il fallait donc se réinterroger sur les consignes de l’encyclique Humanae vitae et ses renforcements par les textes de Jean-Paul II. C’est pourquoi le Pape François a convoqué deux synodes sur le thème de la famille en 2014 et 2015.

Le § 63 du document final confirme les bases antérieures mais adoucit le ton du message : « Les époux s’ouvriront à la vie en se formant un jugement droit : ils prendront en considération à la fois et leur bien et celui des enfants déjà nés ou à naître (…) Conformément au caractère personnel et humainement complet de l’amour conjugal, la bonne voie pour la planification familiale est celle d’un dialogue consensuel entre les époux, du respect des rythmes et de la considération de la dignité du partenaire. »

Mais le texte maintient l’importance d’une famille nombreuse et l’encourage vivement.

Enfin paraît le 08 avril 2016 l’exhortation apostolique La joie de l’amour.

Que dit le pape François sur les méthodes de contraception, à propos d’une position qui n’a jamais cessé d’être incomprise, y compris dans les rangs de l’assemblée ecclésiale ?

Au fil des pages d’Amoris Laetitia nous constatons que le pape François relativise les positions les plus doctrinaires sur le sujet : par exemple à propos du nombre d’enfants idéal par famille. Dès le début il note : (…) parfois, notre manière de présenter les convictions chrétiennes, et la manière de traiter les personnes ont contribué à provoquer ce dont nous nous plaignons aujourd’hui. C’est pourquoi il nous faut une salutaire réaction d’autocritique. D’autre part, nous avons souvent présenté le mariage de telle manière que sa fin unitive, l’appel à grandir dans l’amour et l’idéal de soutien mutuel ont été occultés par un accent quasi exclusif sur le devoir de la procréation [11]».

Le pape tente d’abord de relativiser la situation et souhaite ne pas accorder trop d’importance au sujet des moyens de régulation des naissances. Comme illustration, notons que le chapitre V de cette exhortation apostolique, intitulé : L’amour qui devient fécond, n’aborde pas du tout le thème de la régulation des naissances PP 19 et il précise même : « Je voudrais réaffirmer que tous les débats doctrinaux, moraux ou pastoraux ne doivent pas être tranchés par des interventions magistérielles.[12] »

Le pape, en pasteur pragmatique, évoque la construction de foyers solides et féconds selon le plan de Dieu sans s’étendre sur le choix des moyens mis en œuvre pour y parvenir. Il ne tourne évidemment pas le dos à l’enseignement traditionnel dont il assume l’héritage, mais il incite à la créativité.

Prudent, François place d’abord la réception de son enseignement dans le cadre d’une « herméneutique de la continuité » : « Afin d’éviter toute interprétation déviante, je rappelle que d’aucune manière l’Église ne doit renoncer à proposer l’idéal complet du mariage, le projet de Dieu dans toute sa grandeur.[13] »

Mais les réserves demeurent… Pour la tradition, nous savons que le mariage, et a fortiori les relations sexuelles sont ordonnées à la procréation. Elles constituent en outre « un remède à la concupiscence », ainsi que le dit st Paul, puis st Augustin (354-430), qui l’interprète ainsi assez tardivement dans sa propre vie, après sa conversion.

Dans Amoris laetitia, nous lisons que : « la sexualité « est ordonnée à l’amour conjugal de l’homme et de la femme ». […] Cependant, cette union est ordonnée à la procréation « par sa nature même [14]». Nous retrouvons là l’enseignement d’Humanae vitae qui prescrit l’acte sexuel comme lié à la procréation. «il [l’enfant] est présent dès le début de l’amour comme une caractéristique essentielle (…) Donc, aucun acte génital des époux ne peut nier ce sens, même si pour diverses raisons il ne peut pas toujours de fait engendrer une nouvelle vie[15]. »

L’inquiétude affleure quand nous lisons qu’ « il n’est pas difficile de constater la diffusion d’une mentalité qui réduit l’engendrement de la vie à une variable du projet individuel ou de couple ». Le texte souligne une nouvelle fois la volonté d’Humanae vitae de « respecter la dignité de la personne dans l’évaluation morale des méthodes de régulation des naissances  [16]»

Par conséquent, le seul critère mis en valeur est celui du respect de la dignité des personnes. Mais si le pape rappelle que « les familles nombreuses sont une joie pour l’Église », il reproduit dans ce § 167[17], un passage positif d’une lettre de Jean-Paul II[18], expliquant que : « la paternité responsable n’est pas une « procréation illimitée ou un manque de conscience de ce qui est engagé dans l’éducation des enfants, mais plutôt la possibilité donnée aux couples d’user de leur liberté inviolable de manière sage et responsable, en prenant en compte les réalités sociales et démographiques aussi bien que leur propre situation et leurs désirs légitimes ».

Ainsi, tout en reprenant son prédécesseur, nous commençons à percevoir que le pape François introduit une nuance qui va permettre d’induire un changement de perspective. Il a d’ailleurs déjà précisé que « Nous ne pouvons considérer en aucune façon la dimension érotique de l’amour comme un mal permis (…) mais elle est un don de Dieu qui embellit la rencontre des époux.[19] ». Il poursuivra dans ce sens jusqu’à valoriser, tout récemment, la dimension de plaisir au sein des relations sexuelles.

Quid alors de la régulation des naissances proprement dite ?

Un peu frustrés, nous constatons que dans ce chapitre 5  sur l’amour qui devient fécond, le thème de la régulation des naissances n’est jamais abordé de front.

Le § 222[20] mentionne ceci :

L’accompagnement doit encourager les époux à être généreux dans la communication de la vie : « Conformément au caractère personnel et humainement complet de l’amour conjugal, la bonne voie pour la planification familiale est celle d’un dialogue consensuel entre les époux, du respect des rythmes et de la considération de la dignité du partenaire »

Mais il ajoute un aspect majeur : Le choix responsable de devenir parents présuppose la formation de la conscience, qui est le centre le plus secret de l’homme, le sanctuaire où il est seul avec Dieu et où sa voix se fait entendre(Gaudium et spes, n. 16). »

Comme il nous l’est rappelé dans le texte et en note, Humanae Vitae et Familiaris consortio doivent être redécouverts, car il faut mesurer l’importance (ce que fait la note du texte) accordée à « la doctrine de la conscience plutôt que sur le rappel de la loi morale. Le langage utilisé relève davantage du conseil de sagesse (« encouragé ») que de la prescription normative[21] ». Et là se trouve une belle ouverture !

Relisons Gaudium et spes : sur la dignité de la conscience morale §16 PP21

« Au fond de sa conscience, l’homme découvre la présence d’une loi qu’il ne s’est pas donnée lui-même, mais à laquelle il est tenu d’obéir. Cette voix, qui ne cesse de le presser d’aimer et d’accomplir le bien et d’éviter le mal, au moment opportun résonne dans l’intimité de son cœur: “Fais ceci, évite cela”. Car c’est une loi inscrite par Dieu au cœur de l’homme; sa dignité est de lui obéir, et c’est elle qui le jugera (9). La conscience est le centre le plus secret de l’homme, le sanctuaire où il est seul avec Dieu et où sa voix se fait entendre(10). C’est d’une manière admirable que se découvre à la conscience cette loi qui s’accomplit dans l’amour de Dieu et du prochain (11). Par fidélité à la conscience, les chrétiens, unis aux autres hommes, doivent chercher ensemble la vérité et la solution juste de tant de problèmes moraux que soulèvent aussi bien la vie privée que la vie sociale. Plus la conscience droite l’emporte, plus les personnes et les groupes s’éloignent d’une décision aveugle et tendent à se conformer aux normes objectives de la moralité. »

En se rapportant à ce texte, on remarque l’insistance sur la notion de « conscience » plutôt qu’un rappel à la « loi morale ». Cette orientation est poursuivie dans la suite du paragraphe quand le couple est invité à envisager l’avenir : « ils prendront en considération à la fois et leur bien et celui des enfants déjà nés ou à naître ; ils discerneront les conditions aussi bien matérielles que spirituelles de leur époque et de leur situation (…) Ce jugement, ce sont en dernier ressort les époux eux-mêmes qui doivent l’arrêter devant Dieu [22]».

Il est donc annoncé aux clercs qu’ils ne doivent en aucune manière décider pour les couples. Le Pape l’avait d’ailleurs indiqué au début de son exhortation, au §37 : Nous sommes appelés à former les consciences, mais non à prétendre nous substituer à elles. »

Et pour le cas où certains n’auraient pas compris, il précise un peu plus loin (§38) : « cela ouvre la porte à une pastorale positive, accueillante, qui rend possible un approfondissement progressif des exigences de l’Évangile. »

Certes dans les dernières lignes du §222, abordant enfin le mode de régulation, le recours aux méthodes dites « naturelles » est privilégié : « le recours aux méthodes fondées sur les rythmes naturels de fécondité(Humanae vitae, n. 11) devra être encouragé. On mettra en lumière que ces méthodes respectent le corps des époux, encouragent la tendresse entre eux et favorisent l’éducation d’une liberté authentique” »

Mais l’ensemble de la formulation nous permet de déduire de ce texte que l’Exhortation ne déclare pas « les méthodes naturelles » comme les seules permises : il n’est question ici que « d’encourager » ce procédé. Rien dans l’Exhortation ne signale de condamnation ou d’interdiction concernant les autres moyens de contraception.

D’ailleurs les signaux positifs s’amplifient du côté de l’Académie pontificale pour la vie qui a publié, en juillet 2022, Éthique théologique de la vie. Écriture, tradition et défis pratiques. Des théologiens y confrontent les normes morales de la condamnation par l’Église du contrôle artificiel des naissances, et l’application pastorale concrète de ces normes. Ces experts laissent entendre que dans certaines circonstances limitées, la contraception ou la reproduction artificielle peuvent être justifiées.

A la suite de ces interrogations, ressurgit le débat de la doctrine de l’infaillibilité papale qui ne s’est jamais réellement éteint depuis 1968. Comme l’écrit Alexandre Ballario[23], « le niveau exact d’autorité que possède Humanæ vitæ, et donc la possibilité de s’y opposer tout en restant un bon catholique, a toujours été un sujet de discorde. La plupart des théologiens conservateurs répondent à cette question par la négative. Ils insistent sur le fait qu’un élément de doctrine n’a pas besoin d’être formellement déclaré infaillible pour l’être effectivement. Les théologiens « libéraux », quant à eux, soulignent que si un pape, depuis Paul VI, avait voulu déclarer Humanæ vitæ infaillible, il aurait pu le faire, ce qui ne s’est pas produit.

L’auteur de l’article ajoute qu’ « Au-delà du débat, d’autres signaux discrets viennent alimenter la thèse d’une remise en cause de l’encyclique. Notamment la phrase glissée lors d’une interview par l’un des membres de l’Académie, Rodrigo Guerra, selon lequel « il est nécessaire d’aller au-delà d’Humanæ vitæ ». Le secrétaire de la Commission pontificale pour l’Amérique latine, rappelle alors que le pape François veut faire comprendre à l’Église « que la théologie morale doit réapprendre à regarder de plus près la vie réelle des gens »

Sur le chapitre des PMA et a fortiori des GPA, la position de l’Église est formulée à partir de deux références éthiques fondamentales :

  • la dignité de l’embryon, qui doit être respecté comme une personne,
  • et la dignité de la procréation qui doit avoir lieu dans le mariage et dans l’acte conjugal compris comme donation mutuelle des conjoints.

Concrètement, l’Église catholique interdit l’insémination artificielle même intraconjugale et toutes les formes de fécondations in vitro (FIV) même sans tiers donneur, d’une part à cause des atteintes à l’embryon lors du diagnostic préimplantatoire et de la destruction des embryons non implantés et, d’autre part, à cause de la dissociation entre l’acte conjugal et la fécondation, celle-ci devant être le « fruit de la donation sexuelle des époux », comme l’explique le Père jésuite Bruno Saintôt[24] .

Par conséquent, selon l’instruction Donum vitae (1987) à propos du « droit de l’enfant à être conçu et mis au monde dans et par le mariage », l’IAD (insémination artificielle avec donneur) « lèse les droits de l’enfant, le prive de la relation filiale à ses origines parentales, et peut faire obstacle à la maturation de son identité personnelle ».

Le même document précise à propos des GPA que la maternité de substitution est « contraire à l’unité du mariage et à la dignité de la procréation de la personne humaine », précisant qu’elle « représente un manquement objectif aux obligations de l’amour maternel, de la fidélité conjugale et de la maternité responsable ; elle offense la dignité de l’enfant et son droit à être conçu, porté, mis au monde et éduqué par ses propres parents ; elle instaure, au détriment des familles, une division entre les éléments physiques, psychiques et moraux qui les constituent ».

Amoris laetitia n’apporte aucune ouverture sur ces aspects.

Sur la procréation médicalement assistée (PMA), le pape François est clair : « les époux auxquels Dieu n’a pas donné d’avoir des enfants peuvent néanmoins avoir une vie conjugale pleine de sens, humainement et chrétiennement ». L’enfant « n’est pas un dû, mais un don », insiste le pape.

Quant à la Gestation pour autrui (GPA), pas question non plus de changer la position de l’Église à ce sujet : « Selon l’ordre de la création, l’amour conjugal entre un homme et une femme et la transmission de la vie sont ordonnés l’un à l’autre ». D’ailleurs, nous pouvons noter avec un peu d’humour que la Bible relate un fâcheux précédent à propos de GPA et on comprend qu’elle soit devenue très réticente sur ce point.

Quand cela s’est-il produit ?

Nous sommes au tout début de la Bible dans le livre de la Genèse, après Eve et Adam, après Noé et juste après le drame de la tour de Babel. Il s’agit du couple que forment Abraham et Sarah. Que savons-nous de Sarah ? Qu’elle était d’une incroyable beauté, et que dès la mention de son existence, nous sommes informés de sa stérilité (« Or Saraï était stérile » Gn 11,30) Nous apprenons ensuite qu’elle va accompagner son conjoint depuis la Chaldée jusqu’en Canaan, guidés par une injonction divine mystérieuse. Puis pour sauver sa vie, Abraham va initier le premier véritable dialogue interhumain pour demander à sa compagne de se faire passer pour sa sœur auprès de Pharaon et ce faisant, va la prostituer. Pas encore de GPA à ce stade. De retour chez eux, la stérilité de Sarah devient préoccupante pour ce couple à qui il a été promis de remplir la terre d’une multitude de descendants…

L’idée vient alors à Sarah de proposer à son conjoint de faire un enfant avec leur servante Agar. Tout se passe selon la volonté de Sarah mais c’est sans compter sur sa jalousie à l’égard de sa servante. Elle va obtenir d’Abraham qu’il les chasse, elle et son fils Ismaël. Il en est advenu une source de conflits dont le monde n’est pas encore sorti… L’histoire peut donc justifier le refus de GPA dans l’Eglise d’autant que Dieu dans sa grande miséricorde finira par leur donner un fils Isaac quand Sarah aura 100 ans.

Le refus de la GPA est centré sur l’enfant et le couple. Comme du point de vue des humains dans l’épisode biblique à propos de Sarah et d’Agar, rien n’est dit du statut et des conséquences concernant la mère porteuse. Dans la Bible c’est Dieu qui viendra au secours d’Agar abandonnée en plein désert. Dans la vie actuelle, qui s’en charge ? Le magistère pourrait fonder son opposition sur le sort de ces femmes instrumentalisées…

Il existe un autre domaine non abordé par les textes de l’institution catholique.

Dans ce contexte de la régulation des naissances liée à une vie de couple organisée autour de la procréation, quels que soient les aménagements opérés à la marge, la réalité de vie des couples homosexuels n’a aucune existence. Leur mariage n’est pas autorisé, leur souhait de fonder une famille ne l’est pas non plus. Tout se passe au sein de l’Eglise catholique comme s’il n’existait qu’un seul type d’individus, sous le regard de Dieu. Depuis peu le traitement de l’homosexualité par des thérapies de conversion est officiellement interdit. Il demeure que toute une catégorie d’êtres humains est laissée au ban des préoccupations ecclésiales, en particulier dans ce qui touche à la création et à la reconnaissance de liens familiaux.

Pour finir, puisque dans l’approche de la régulation des naissances, il s’agit d’abord de relations de couples, notons qu’Amoris laetitia aborde courageusement un point souvent passé sous silence : celui des violences conjugales.

Le mariage étant le signe d’un don d’amour réciproque, il devrait exclure la violence.

Mais l’exhortation prend en compte la possibilité pour la sexualité d’être « affectée de nombreuses pathologies (…) Peut-on ignorer ou dissimuler les formes permanentes de domination, d’hégémonie, d’abus, de perversion…[25] ». Le paragraphe 154 reconnaît que « même dans le mariage, la sexualité peut devenir une source de souffrance et de manipulation ».

Ainsi dit le texte, « l’acte conjugal imposé au conjoint sans égard à ses conditions et à ses légitimes désirs (…) contredit par conséquent une exigence du bon ordre moral dans les rapports entre époux.[26] ». Comme l’écrit Bertrand Vergély : « En voulant séparer la sexualité de l’amour, sous prétexte de délivrer la sexualité, on la condamne à n’être plus qu’une sexualité mécanique et sans vie.[27] »

Et une fois écartées les dérives de violence, de manipulation, de perversions, le texte affirme que « la prise en compte du « besoin sexuel » concourt véritablement à la noblesse de l’amour. Le pape rappelle très simplement que se reconnaître vulnérable- c’est-à-dire consentir à être caressé et touché jusqu’au plus profond de soi- rend finalement l’amour plus humain et plus vrai.[28] »

***

Conclusion

Outre la loi d’amour du Lévitique 19,18 : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même », reprise dans le Nouveau Testament, il existe dans la religion catholique comme dans toutes les religions monothéistes, une « règle d’or » également rappelée par Jésus.

Cette règle d’or est, en fait, une éthique (morale) universelle que l’on rencontre depuis l’Égypte, la Grèce antique, jusque dans les religions comme nous l’avons lu dans l’extrait du Catéchisme de l’Église catholique, mais aussi bien à travers l’humanisme athée, qui préconise : « Traite les autres comme tu voudrais être traité » ou en formulation négative : « Ne fais pas aux autres ce que tu ne voudrais pas qu’on te fasse ».

Cette règle d’or est mentionnée dans les évangiles de Luc et de Matthieu :

Luc 6,31 : « Ce que vous voulez que les hommes fassent pour vous, faites-le de même pour eux. »

Mt 7,12 : « Tout ce que vous voulez que les hommes fassent pour vous, faites-le de même pour eux, car c’est la loi et les prophètes. »

Parce que cette règle résume tous les piliers de la foi, elle est le cœur, le fondement absolu de la communion des personnes. C’est cette même injonction que rappelle Jésus dans son discours d’adieu, en Jean 15,12-13 : « Voici quel est mon commandement : vous aimer les uns les autres comme je vous ai aimés. »

Cela signifie que pour Jésus, la relation inter-personnelle doit être celle d’une amitié, c’est-à-dire habitée du souci de l’autre. Souci de l’autre qui incite à renvoyer l’interlocuteur à sa propre conscience.

C’est important pour les professionnels de santé de le conserver à l’esprit, quand il s’agit d’orienter une patiente ou un couple… La conscience compétente et médicalement éclairée doit venir rejoindre en toute amitié la conscience de la patiente dans un choix qui n’appartient au bout du compte qu’à celle qui le vivra.

Car si les lois de l’Église n’autorisent pas toutes les demandes en matière de régulation des naissances, le message de l’Evangile rappelle en permanence que la loi qui prime toutes les autres est celle du respect et de l’amour du « prochain », si éloigné qu’il puisse sembler être. Et qu’en dernier recours, ce ne sont pas les clercs qui jugent mais Dieu qui, Lui, connaît ce qui se vit dans les consciences.

Reportage réalisé par Valentine Joubin de Radio France sur le DIU :

https://www.francetvinfo.fr/societe/ivg/reportage-formation-a-l-ivg-c-est-important-de-dire-qu-on-fait-ce-travail-de-l-ombre-avec-conviction-temoignent-des-medecins_5465113.html

[1] Jean-Luc Brunin, Préface in Exhortation apostolique post-synodale du pape François, la joie de l’amour (Amoris laetitia), Edition présentée et annotée sous la direction du service national famille et société –conférence des évêques de France- et de la faculté de théologie du Centre Sèvres avec un guide de lecture et des témoignages, Coll. Fidélité, Paris/Namur, Lessius, 2016, 374p., p.5.

[2] Id., p. 6.

[3] Notamment 1Co7.

[4] La concupiscence renvoie au désir des biens terrestres. Selon Ozanam, il faut distinguer la concupiscence des sens, qui s’exprime dans la volupté et la concupiscence de l’esprit qui se traduit par l’ambition ; l’ensemble se transformant en cupidité.

[5] Emmanuel Kant, Fondements de la métaphysique des mœurs, 1ère occurrence de ce concept en 1785. Kant oppose l’impératif hypothétique (à exécuter en vue d’une fin particulière) à l’impératif catégorique qui doit être réalisé inconditionnellement. Sa formulation la plus courante est la suivante : « « Agis de façon telle que tu traites l’humanité, aussi bien dans ta personne que dans toute autre, toujours en même temps comme fin, et jamais simplement comme moyen. »

[6] Exhortation apostolique post-synodale du pape François, la joie de l’amour (Amoris laetitia), Edition présentée et annotée sous la direction du service national famille et société –conférence des évêques de France- et de la faculté de théologie du Centre Sèvres avec un guide de lecture et des témoignages, Coll. Fidélité, Paris/Namur, Lessius, 2016, 374p.

[7] Loïc Berge, Contraception : sortir du malentendu, Coll. Débats, Paris/Montréal, Médiaspaul, 2015. (Loïc Berge, prêtre catholique pendant plus de 20 ans, docteur en théologie, exerce désormais comme pasteur dans l’Église réformée.)

[8] Monique Baujard est théologienne. Elle a été directrice du Service national « Famille et société » de la Conférence des évêques de France de 2009 à 2015

[9] « Qu’ils [les couples] soient convaincus que les défaillances d’époux par ailleurs généreux dans leur vie personnelle et apostolique, ne sont pas d’une gravité comparable aux fautes des couples qui méprisent cet enseignement et se laissent dominer par l’égoïsme et la recherche du plaisir. Ils ne doivent pas s’éloigner des sacrements, bien au contraire » (…) Cette loi de gradualité explique, en somme, que : « La contraception ne peut jamais être un bien. Elle est toujours un désordre, mais ce désordre n’est pas toujours coupable ».

[10] Laurent Ravez, « Procréation », in Dictionnaire encyclopédique d’éthique chrétienne, L. Lemoine, E. Gaziaux et D. Müller, Dir., Paris Cerf, 2013, p 1604.

[11] Exhortation apostolique post-synodale du pape François, la joie de l’amour (Amoris laetitia), op. cit, § 36, p56-57.

[12]La joie de l’amour (Amoris laetitia), op. cit, § 3, p26.

[13] La joie de l’amour (Amoris laetitia), op. cit, § 307, p295.

[14] La joie de l’amour (Amoris laetitia), op. cit, § 80, p97.

[15] La joie de l’amour (Amoris laetitia), op. cit, § 80, p97.

[16] La joie de l’amour (Amoris laetitia), op. cit, § 82, p98

[17] La joie de l’amour (Amoris laetitia), op. cit, §167, p168

[18] Jean-Paul II, Insegnamenti 17/11994, p 750

[19] La joie de l’amour (Amoris laetitia), op. cit, § 152, p149.

[20] La joie de l’amour (Amoris laetitia), op. cit, § 222, p213-214.

[21] La joie de l’amour (Amoris laetitia), op. cit, note b, p 213.

[22] La joie de l’amour (Amoris laetitia), op. cit, §222, p 4.

[23] Alexandre Ballario, « Humanae vitae, vers une fin de règne ? », Golias du 09 septembre 2022

[24] Bruno Saintôt est enseignant au Centre Sèvres à Paris. Il travaille sur la bioéthique et les questions de genre.

[25] La joie de l’amour (Amoris laetitia), op. cit, §153, p 150.

[26] La joie de l’amour (Amoris laetitia), op. cit, §154, p 151.

[27] Bertrand Vergély, « Sexualité », in Dictionnaire encyclopédique d’éthique chrétienne, L. Lemoine, E. Gaziaux et D. Müller, Dir., Paris Cerf, 2013, p 1867.

[28] La joie de l’amour (Amoris laetitia), op. cit, note a, p 153.

2 réponses pour “Réflexion autour de la prise en compte de la régulation des naissances au sein de l’Église catholique,dans le cadre du DIU dirigé par Dre Sophie GAUDU à l’Université Paris Cité”

  • Quel article !! Je ne suis pas catholique, mais le sujet m’intéresse et je suis ravie de voir une approche aussi factuelle et exhaustive. L’objectivité est toujours un idéal mais je crois pouvoir dire qu’elle est ici au plus près de ce qu’on peut espérer.
    Merci beaucoup pour ce travail.

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