Maurice Bellet, Incipit ou le commencement, Paris, Desclée de Brouwer, 1992

Si de mes longues années d’apprentissage de la théologie, je ne devais conserver qu’un seul livre en plus de la Bible, c’est sans doute ce tout petit ouvrage Incipit que je garderais.

D’ailleurs est-ce un livre, est-ce un poème ?…

Il commence par cette question : « qu’est-ce qui reste quand il ne reste rien ? » et la réponse fuse : « que nous soyons humains envers les humains ». M. Bellet évoque la relation primitive, primale, un lien d’amour sur lequel tout repose et qu’il situe en amont de toute morale « parce qu’avant d’être exigence, c’est donation » (p.13).

L’auteur ne dissimule pas les dangers du monde : « Les idées, projets, institutions sur lesquels on faisait fond révèlent leur fragilité, ou pire : leur complicité obscure avec ce qui nous détruit », et il invite à ne pas redouter l’épaisseur d’humanité en nous.

Mais il propose de « défaire les appuis ! » et alors, inversant le mouvement, « partant de cet amour inaugural », il invite à « tout retrouver mais dans une autre force » (p.23). Pur commencement ; incipit donc, avec l’humain comme être de relation, « pour quitter la voie de tristesse et cruauté, passer sur le chemin de joie et de grâce. » (p.31).

Tout ce qui pourra venir ensuite ne doit pas « faire oublier cette aurore ».

L’auteur invite alors à voir l’Évangile comme don heureux de vie, par delà la Croix. Il faut oser « traverser, (…) ne pas dévier, (…)° jusqu’au bout : parler, soigner, donner, aimer » (p.41), parce qu’ « A l’amour entre nous, Dieu ne s’ajoute pas : il s’y manifeste » (p. 55). Il propose de « tenir à la fois le strict refus de la bassesse et cette liberté absolue qui sait que l’amour est la seule loi de l’amour » (p 67-68).

Le plus difficile à atteindre : le non jugement et ne nous laisser séparer par rien, pas même nos torts et nos misères. « Et ainsi pardonner aux autres ce dont nous ne les jugeons pas coupables et dont pourtant nous souffrons. » (p.73). Le plus difficile peut-être reconnaît-il…

Il conclut en pensant à celui ou celle qui se trouve sans Dieu, et dit « reste du moins pour lui ce lieu de vérité : aimer son frère qu’il voit » (p. 76) Et s’il ne parvient pas à aimer ? « Reste du moins ceci : de désirer l’amour ». Et si même ce désir lui est inaccessible, « reste encore qu’il peut désirer de désirer l’amour ».

Le livre se termine par ces deux phrases à méditer souvent :

« Ce n’est pas sur ce que tu as été ni sur ce que tu es que te juge la miséricorde, c’est sur ce que tu as désir d’être.

Il n’y a pas d’homme condamné »

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