Sur Radio Notre Dame, Mille questions à la foi répond aux interrogations que se pose tout un chacun sur l’Église, et la foi. Elle s’adresse à un grand public et dure 12 minutes. Les thèmes en sont variés et reprennent les inévitables questions : peut-on parler aux morts, pourquoi les femmes ne peuvent-elles pas célébrer l’eucharistie, le diable est-il une personne ?… Chaque intervenant joue le jeu de la réponse simple, sans tabou, qui ouvre à une compréhension plus ample de ce que dit l’Eglise, et de ce qu’elle ne dit pas.

Merci à Sophie de Villeneuve pour ce premier échange du 23/09/2022 autour des thèmes du sacré et du saint dans le catholicisme à partir du “cléricalisme” dénoncé par le pape François. Il est abordé selon les axes suggérés à la fin du livre Les leçons de Béthanie. de la théorie à la pratique, publié aux éditions du Cerf en 2022.

https://radionotredame.net/emissions/millequestionsalafoi/23-09-2022/?fbclid=IwAR32-0dX8kjwh9L7d7BCHKbzqtu1tq4E4pt6W7iDlEVo8HFf7ZbDdN7PvPg

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Pourquoi lutter contre le cléricalisme ?

Le mot « cléricalisme » s’est invité dans nos conversations depuis plusieurs mois. Il est une « perversion de l’Église », affirme le pape François. Sylvaine Landrivon, théologienne, auteure de Les leçons de Béthanie, de la théorie à la pratique (Cerf), avance quelques idées pour sortir du cléricalisme.

  • Recueilli par Sophie de Villeneuve dans l’émission « Mille questions à la foi » sur Radio Notre-Dame,
  • le 05/10/2022 à 15:08
  • Sophie de Villeneuve : Qu’est-ce que ce cléricalisme dont il est tant question aujourd’hui ? Vous dites dans votre livre que le cléricalisme confisque la parole et confond sacré et sainteté…

Sylvaine Landrivon : Si j’ai parlé de cléricalisme dans ce livre, c’est à la suite du pape François qui pointe deux écueils imbriqués l’un dans l’autre : un rapport hiérarchique qui n’est pas conforme à l’enseignement de l’Évangile, et le fait de confondre le sacré et le saint.

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D’où vient le mot cléricalisme ?

S. L. : Il vient du grec klerikos, qui désigne le clergé constitué au IIIe siècle avec des évêques, des presbytres (des anciens) et des diacres. Un clerc aujourd’hui, depuis le code de droit canonique de 1983, est un homme ordonné diacre, prêtre ou évêque. Le clerc est mis à part du sacerdoce commun des baptisés. Or ce sacerdoce commun signifie que nous sommes tous prêtres, prophètes et rois de par notre baptême. Pourquoi alors mettre à part certaines personnes ? Le Christ s’est fait homme comme nous justement pour supprimer les barrières entre lévites et grands prêtres et le reste du peuple juif.À lire aussiFaut-il cesser de considérer les prêtres comme des personnes « à part » ?

Le cléricalisme existait-il dans les premiers siècles de l’Église ?

S. L. : Alexandre Faivre, dans Naissance d’une hiérarchie, Marie-Françoise Baslez dans L’Église à la maison, Michel Quesnel dans Paul et les femmes, tous ces auteurs montrent que les premières communautés chrétiennes ne fonctionnaient pas du tout sur un modèle hiérarchique. Pourquoi ? D’abord parce que le sacré, c’est ce qui est à part, extérieur à nature humaine. Or le Christ s’est fait homme. Le rideau du Temple s’est déchiré à sa mort, effaçant la frontière qu’il représentait entre le sacré extérieur et ce qui est saint : Dieu est en nous, et en nous tous. C’est pourquoi nous sommes tous appelés à la sainteté.

Cela signifie-t-il que le cléricalisme a fait de la religion chrétienne, à tort, une religion du sacré ?

S. L. : Pour prendre une certaine forme de pouvoir, afin de protéger sans doute au départ la Parole et les Écritures, puis pour exercer une certaine domination sur les autres, on est revenu au système sacré des grands prêtres et des lévites, ceux-là mêmes que Jésus contestait et qui l’ont condamné.

Beaucoup pensent pourtant que nous avons besoin de sacré, de rituels…

S. L. : Deux rituels sont mentionnés dans les Évangiles : le partage du pain et vin dont le Christ nous a demandé de faire mémoire, et le lavement des pieds. C’est-à-dire une proximité, un partage d’amour avec autrui. Est-ce ce que les rituels nous montrent aujourd’hui ? Non ! Le confinement nous a montré que l’on suivait des célébrations à distance, présidées par un prêtre qui célébrait tout seul.

Le cléricalisme que dénonce le pape, c’est une sacralisation des clercs ?

S. L. : En effet, et lui-même cherche à se désacraliser : il a refusé de vivre au palais du Vatican, il n’utilise pas les ors et la pompe… Il considère que c’est une déviance. Davantage, c’est tout un système qui est à décléricaliser.

Que faire pour sortir de ce système ?

S. L. : Nous disposons du modèle des premières communautés chrétiennes. Il faut à nouveau accepter l’idée révolutionnaire du Christ que tous les humains sont égaux. Comme le dit Paul aux Galates, « En Christ, il n’y a plus ni Grec ni Juif, ni homme ni femme ». Il faut réintégrer dans l’Église tout le peuple de Dieu, ne pas rester dans un entre-soi qui met à l’écart ceux qui ne correspondent pas au petit peuple que l’on s’est choisi. C’est le Seigneur qui choisit son peuple, et non les clercs. Or le Seigneur a choisi toute l’humanité. Et puis il faut nous ouvrir aux autres, et revenir peut-être à d’autres formes de célébration.

Diriez-vous que nous n’avons pas besoin de prêtres ?

S. L. : Je dirais que ce n’est pas la question. Certains me reprochent de ne pas revendiquer l’ordination des femmes. Ce qui me paraît nécessaire, c’est une décléricalisation de l’eucharistie. Je suis, par mon baptême, prêtre, prophète et roi. Le problème n’est pas qu’il y ait des prêtres, le problème est que quelqu’un se considère comme le seul envoyé de Dieu dans toute une assemblée priante.

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Le cléricalisme n’est-il pas aussi souvent le fait des fidèles ?

S. L. : Bien sûr, du côté des fidèles il y a parfois une forme de superstition qui confond le saint et le sacré, ainsi que le besoin de s’en remettre à quelqu’un. La liberté et l’autonomie sont des choses difficiles.

Que voudrait dire s’attacher à la sainteté plutôt qu’au sacré ?

S. L. : Cela veut dire sentir que Dieu est en soi et qu’il nous appelle à l’amour : s’aimer soi-même, ce qui est très dur, et aimer les autres, ce qui est très exigeant. Il est très différent d’aller à la messe écouter une homélie d’une oreille distraite, ou de choisir de me rassembler avec d’autres pour écouter la parole du Christ et celles des personnes avec qui je me trouve. Le confinement a favorisé la constitution de petites communautés par affinités, et non plus par positionnement géographique. On y retrouve le goût du partage et le désir de transmettre.

Un commentaire sur “Radio Notre Dame. Mille questions à la foi autour du livre Les leçons de Béthanie”

  • Chère Sophie,
    permettez moi quelqueq critiques des propos tenus par votre invitée du 23 (les leçons de Béthanie) :
    le seul “pouvoir” conféré à quelques hommes, “ministres ordonnés” , est celui de perpétuer l’action salvatrice du Christ par l’Eucharistie et le Pardon des péchés, permettant l’offrande d’eux-mêmes des fidèles (sacerdoce commun).
    …il ne faut pas “jeter le bébé avec l’eau du bain”!…le “cléricalisme” dénoncé par le Pape François est un abus d’une position “à part” à son propre profit, les Pasteurs qui se “paîssent eux-mêmes” des Prophètes!…
    Il serait dommage d’apporter ici la confusion…quant à cette proposition d’assemblées “par affinités”, celà me semble bien contraire au caractère universel de la vie de l’Eglise (dans une paroisse, justement,on essaye d’accueillir chacun, quel qu’il soit et d’où qu’il vienne…réunis dans et par le Christ, unique Prêtre)
    bien à vous Michel Storez (simple cathéchiste)

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