À l’ouverture de l’assemblée générale du Synode sur la synodalité : terme qui veut dire « marcher ensemble », le Comité de la jupe rappelle que dans l’Église catholique, seuls les hommes « marchent ensemble ». Où sont les femmes ? Absentes ! De la gouvernance, de la délivrance des sacrements, de la prédication.

Dernier bastion de la domination masculine, l’Église catholique a encore tenu en 2014 et 2019 deux synodes où aucune femme n’a eu le droit de voter. Cette situation, radicalement contraire à l’enseignement du Christ, semble changer. En avril 2023, le Pape a donné le droit de vote à deux nouvelles catégories de personnes. D’abord à 10 religieux·es (5 femmes et 5 hommes). Ensuite 70 laïcs, dont une moitié de femmes deviendront aussi votant·es. En tout, 54 femmes pourront voter, soit 10% du collège électoral d’un synode d’environ 400 personnes. Cette avancée demeure prudente : le synode est une instance consultative et aucune femme n’élira le prochain pape !

Le Comité de la Jupe demande aux participant·es de ce synode de s’engager concrètement pour faire advenir l’égalité entre les femmes et les hommes dans les sphères décisionnelles de l’Église.
Comme le rapport de la CIASE le recommande1, cela suppose de faire un état des lieux, de déterminer précisément les objectifs et d’établir un calendrier de mise en œuvre de ces réformes indispensables pour l’avenir de l’Église.

La formulation proposée par le document de travail du synode, l’Instrumentum Laboris : « Comment l’Église de notre temps peut-elle mieux remplir sa mission en reconnaissant et en promouvant davantage la dignité́ baptismale des femmes ? »2 traduit parfaitement le décalage entre ce que propose l’Église et ce qu’attendent les femmes catholiques. Il ne peut y avoir de “dignité” sans égalité intégrale de toutes et tous. Cette égalité doit se voir dès demain, non par des concessions de façade, mais dans des décisions fortes. Parmi les nombreux chantiers à ouvrir, figurent l’accès à la prédication et à l’ordination des femmes. Cette dernière n’est envisageable qu’à la condition de réformer le ministère des prêtres, fondé sur sa sacralisation, et par conséquent source de nombreux et multiples abus.

C’est dans le contexte de ces demandes que le Comité de la Jupe se rendra à Rome : les 10 et 11 octobre prochains, en tant que membre du Catholic Women’s Council (CWC), réseau mondial de plus de 60 associations qui défendent la dignité et l’égalité des femmes au sein de l’Église catholique romaine. Ce réseau y organisera l’événement “Ecclesia for Equality”, qui est une extension de l’assemblée synodale : un espace – virtuel, physique, spirituel – où toutes les voix que l’Église institutionnelle réduit au silence pourront s’exprimer.

Sur les objectifs de ce synode et les espoirs qu’il est possible d’en attendre, RFI  a interrogé Adeline Fermanian co-présidente du comité de la Jupe, ainsi que Charles Mercier (Historien) et Diane Pilotaz (secrétaire générale adjointe et porte-parole de la conférence des Évêques de France) autour de la question : L’Église peut-elle se réformer ?

 https://www.rfi.fr/fr/podcasts/d%C3%A9bat-du-jour/20231003-l-%C3%A9glise-est-elle-pr%C3%AAte-%C3%A0-se-r%C3%A9former

Quant aux débordements autour de cette assemblée romaine, Christina Moreira a fait les frais de son courage.

Voici le récit de son aventure :

“Une ouverture qui s’est terminée en fermeture

J’ai participé hier à la Messe d’ouverture du Synode depuis les chaises du fond de la Place Saint-Pierre du Vatican, au milieu de mon cher peuple et en appréciant de voir la foi des gens simples, en constatant qu’il y a encore de l’espérance et de la joie chez beaucoup et pas chez d’autres.

J’assiste au synode dit de l’ombre pour donner voix au collectif que je représente ici : l’Association des femmes prêtres romaines.

Cette représentation se compose d’actions simples et pacifiques pour porter à la visibilité de nos ministères et témoigner, dans la réalité du commun des mortels, qu’il y a aussi le désir de partager ce qui “nous brûle à l’intérieur” et nous donne la vie. Je marche à la suite de Jésus qui a envoyé la Samaritaine annoncer qu’il était le Messie aux gens de son village, et Madeleine proclamer sa résurrection à ses frères. Cette suite, ce nom saint, est tout pour nous. C’est notre souffle, notre force, notre horizon et notre unique but derrière Celui qui est : le Chemin, la Vérité et la Vie.

C’est pourquoi j’ai choisi de rejoindre un groupe de femmes courageuses et fortes dans la foi, capables d’aimer jusqu’à se laisser exclure et punir par un système déjà condamné et qu’il est urgent de réformer. Oui, c’est urgent ! Des vies de petits garçons et de petites filles sont en jeu. Ensemble, nous marchons, femmes et hommes de bonne volonté qui travaillons pour le Royaume avec de petits instruments pacifiques : la parole et les symboles, la prière…

Ainsi, hier, pour que les gens sachent qu’ils se tenaient à côté d’une femme prêtre catholique, j’ai revêtu l’aube (la tunique à laquelle toute personne baptisée a droit) et l’étole qui m’identifie comme obéissant à l’ordre de servir mes frères et sœurs “Donnez-leur à manger”

Un policier est apparu, qui a appelé d’autres policiers et j’ai fini dans les locaux de la police italienne qui a supposé qu’une femme ne pouvait pas être prêtre et qu’elle usurpait un “habit de talar” (sic). Le reste des uniformes et des vêtements qui peuplaient la place à cette heure-là ne leur paraissait pas suspect.

Après trois heures et demie de délibérations auxquelles ont assisté jusqu’à huit policiers, tous de sexe masculin, il a été décidé de m’infliger une amende et de confisquer ces habits.

Ils m’ont libérée sans savoir que le Christ m’avait libérée il y a longtemps, en particulier le jour où il a été lui-même puni pour avoir dit qui il était, et où ses propres vêtements lui ont été enlevés… On voit que le système pharisien n’a pas perdu ses bonnes habitudes. Le recours à la force étrangère pour accomplir ses tâches sales et injustes, violant la liberté d’expression entre autres, m’est familier.

Je suis en paix, avec un long programme de paroles et d’actions à venir au sein d’un groupe de nombreux compagnons, compagnes et collègues avec qui je marcherai, chanterai, prierai, penserai ces jours-ci.

Je suis convaincue que ce synode sera un succès et nous verrons de quel côté se trouve l’ombre.

Du cœur de celle qui s’appelle Mère Église, je vous envoie des bénédictions et toutes sortes de souhaits de paix et de bien, une immense affection et un regard large et amical “bienveillant et accueillant” comme l’a demandé le pape dans son homélie.

Votre amie et votre sœur

Christina Moreira Vázquez au 5 octobre 2023, à Rome, célébrant le dixième anniversaire de son ordination diaconale au milieu de sa communauté sainte do Home Novo à La Corogne.


  1. Recommandation n°36 (p. 37) https://www.ciase.fr/medias/Ciase-Rapport-5-octobre-2021-Resume.pdf
  2. Point B.2.3 https://press.vatican.va/content/salastampa/it/bollettino/pubblico/2023/06/20/0456/01015.html#fr

Un commentaire sur “A l’occasion de l’ouverture du Synode sur la synodalité : le comité de la jupe à Rome et sur les ondes, et les débordements alentour.”

  • “au milieu de mon cher peuple et en appréciant de voir la foi des gens simples, en constatant qu’il y a encore de l’espérance et de la joie chez beaucoup et pas chez d’autres.”
    Qui est “son” cher peuple ? Les gens “simples” rassemblés sur la place Saint Pierre ? Non, ils ne sont pas “son” cher peuple, ni d’ailleurs le cher peuple de Bergoglio, mais le peuple de Dieu.
    Et pourquoi se permet-elle cet épithète “simples” ? Parce qu’elle se prend pour une théologienne, peut-être ?
    Selon la théorie des catholiques soit disant progressistes comme vous, chaque baptisé est roi, prêtre et prophète.
    Fort bien ! En conséquence, je suis ma propre reine, ma propre prêtresse et ma propre prophétesse. Je me suffis à moi-même, mais cette femme déguisée en prêtre aussi : elle n’est que sa propre reine, sa propre prêtresse et sa propre prophétesse.
    D’où lui vient donc cette prétention de vouloir être ma “prêtresse” ? Je n’ai pas besoin d’elle, elle peut aller se rhabiller.

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