Manifeste du 22 juillet en faveur des femmes dans l’Église catholique

À la suite de la candidature d’Anne Soupa à l’archevêché de Lyon le 25 mai dernier, 7 femmes se portent candidates auprès de la nonciature à Paris aux ministères de diacre, de curé, de nonce ou d’évêque.

En portant cette action un 22 juillet, jour de la fête de sainte Marie de Magdala, elles se mettent directement sous le patronage de cette femme que la tradition a consacrée comme « l’apôtre des apôtres ». Personnalité exceptionnelle rapportée par les quatre évangiles, elle est celle qui a reconnu la première le Ressuscité et annonce l’accomplissement de la promesse du Christ aux apôtres figés dans la crainte. Tandis qu’ils vivaient terrifiés et cloîtrés à l’étage de leur maison,  c’est Marie de Magdala qui – dans une inversion des rôles traditionnels qui ne doit pas nous échapper – a couru avec folle audace et espérance au-devant de la promesse de vie.

C’est dans cette même geste que, nous, femmes baptisées de l’Église catholique, allons au- devant des interdits posés par l’Église des hommes, pour affirmer notre attachement à l’Église du Christ et annoncer les vœux que nous formons pour elle.

Nous, chrétiennes, avons co-créé le collectif Toutes Apôtres!composé de 5 femmes engagées dans l’Église et soutenu par une diversité de baptisé.e.s. Ce collectif a pour ambition de mettre en lien des personnes et des mouvements de laïc‧ que‧ s engagé.e.s pour l’égalité des baptisé.e.s dans l’Église, car l’absence des femmes en situation de responsabilité – que ce soit à la gouvernance de nos paroisses, de nos diocèses, au Vatican ou comme ministres ordonnées – constitue un scandale autant qu’un contre-témoignage de l’Église. Cette immense injustice n’est pas un problème mineur mais blesse l’ensemble du corps ecclésial.

Notre geste n’est ni une revendication syndicale ni une déclaration de grands principes, mais un acte salutaire de désobéissance à la doxa ecclésiale. Si les objections pleuvent depuis la déclaration d’Anne Soupa, elles demeurent bien fragiles : il lui a été reproché de se faire le jeu du

« cléricalisme », c’est-à-dire de nourrir la prégnance de la hiérarchie du clergé au risque de graves dérives d’autorité. Si nous partageons cette méfiance vis-à-vis du cléricalisme, cet argument ne vient de fait que pour renforcer l’inertie de l’institution qui rechigne à opérer les changements structurels dont elle a besoin.

Par ailleurs, il semble nécessaire, face à l’urgence de la situation, d’enclencher les réformes par quelque part. Or, la discrimination dont les femmes font l’objet est l’une des plus visibles et des

plus violentes. Pour qu’elle puisse accomplir sa mission, l’Église doit permettre aux femmes d’accéder aux différents ministères ordonnés aussi bien qu’aux hautes responsabilités de l’institution, en vue même de soutenir ces réformes indispensables vers une synodalité1 effective du pouvoir qui revient à tou‧ te‧ s les baptisé.e.s.

Nous ne nous méprenons pas : le fait que des femmes puissent être ordonnées ne vient pas confirmer un fonctionnement hiérarchique. L’accès des femmes à des ministères et des responsabilités interroge précisément la structure de gouvernance actuelle de l’Église, la signification de l’ordination ainsi que celle de l’égalité entre les baptisé.e.s ; ce sera, à n’en pas douter, une déflagration qui permettra de réformer l’Église catholique romaine aujourd’hui exsangue.

Les résistances se sont portées également sur le mode d’action qu’avait choisi Anne Soupa : « en régime catholique, on ne candidate pas : on est appelé ! ». Mais depuis Marie de Magdala et les diaconesses saluées par Paul dans ses lettres, qui est là pour appeler les femmes dans l’Église catholique ? Cela fait 2000 ans que nous attendons, tandis que Dieu, lui, continue inlassablement d’en appeler certaines d’entre nous. Souvenons-nous de Samuel ! Par trois fois, il répond : « Me voici ! » à la mauvaise personne, avant de comprendre que ce ne sont pas les êtres humains qui l’appellent, mais Dieu2. Notre démarche ne constitue pas la « revendication d’un poste » mais « une réponse à un appel ». L’obstacle à l’ouverture aux femmes, et plus largement aux non- ordonné.e.s, de ces ministères et instances n’est ni théologique ni spirituel, il est politique et culturel.

Longues et douloureuses ont été les décennies pendant lesquelles les baptisées catholiques ont demandé poliment une réelle égalité au sein de leur Église. Elles ne sont pas reçues, à peine écoutées. On nous demande de nous satisfaire d’une nouvelle commission sur le diaconat féminin3, alors que la précédente a échoué en 20164 et que même ses propres membres ne  croient pas en son issue favorable5. Et l’on nous demande encore d’être patientes. Mais, aujourd’hui, face à l’urgence de la situation de notre Église, nous n’avons d’autre choix que de prendre à bras-le-corps ces obstacles.

Et cela n’est pas une mince affaire : la mise sous silence des femmes par l’Église pendant des siècles perdure encore de manière diffuse. Nombreuses sont les femmes que nous avons rencontrées qui n’osent pas candidater de peur de perdre leur travail d’enseignement dans des instituts catholiques ou d’être mises à l’écart dans leurs activités paroissiales et diocésaines.

D’autres encore, malgré un appel intérieur, redoutent de sauter le pas en l’absence de  tout modèle. D’autres enfin s’attristent du manque d’attractivité des ministères et souhaiteraient de nouvelles façons de réaliser ces services, étant pour l’instant réduites à réinventer des pratiques aux marges de l’Église.

La multiplicité des embûches auxquelles les femmes sont confrontées est révélatrice d’enjeux profonds pour l’Église : sortir de la partition clercs-laïcs ; d’une structure de gouvernance excessivement verticale et peu transparente ; de la confusion entre le pouvoir, le sacré et le masculin ; du couplage entre les fonctions sacerdotales et les fonctions exercées dans les instances décisionnelles ; de la discrimination des personnes en raison de leur genre ou de leur style de vie.

Nous sommes conscientes que, si les enjeux sont divers, les profils des 7 candidates du 22 juillet 2020 ne rendent pas encore compte de la pluralité des femmes qui font l’Église et ce malgré nos efforts en ce sens. Ce manque est le fruit d’injustices structurelles tant sociales qu’ecclésiales. Si nous le regrettons et souhaitons que cela change à l’avenir, nous voulons affirmer aujourd’hui que nous sommes sœurs en Christ de tou‧ te‧ s les baptisé.e.s quelles que soient leur origine, leur état civil, leur orientation de genre, leur orientation sexuelle ou leur profession.

Nous exhortons les femmes qui se sentent, d’une manière ou d’une autre, interpellées par cet élan à oser imaginer autre chose pour l’Église et à agir. En toute liberté, qu’elles osent adresser, par exemple, une terna6 de femmes ou d’hommes, laïcs ou non, au nonce pour les diocèses dont le siège épiscopal est laissé vacant ; proposer des candidatures pour le cardinalat ; ou suggérer d’autres actions qui permettent d’associer le peuple de Dieu à la désignation de son clergé. Si, sans surprise, l’institution ecclésiale n’a pas jugé utile de se fendre d’une réponse officielle à la candidature d’Anne Soupa, nous savons que la persévérance dans la foi et l’action portera des fruits en des lieux que nous n’osons encore espérer.

Alix Bayle, cofondatrice du PA.F, collectif pour une Parentalité Féministe Anne Guillard, co-fondatrice de Oh My Goddess !  Valentine Rinner, co-fondatrice de Oh My Goddess !  Hélène Pichon , Anne Soupa, présidente du comité de la Jupe.

 

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