Pour ce troisième dimanche de Carême, Oh My Goddess a proposé à Sylvaine Landrivon de préparer l’homélie. Merci à Valentine, Astrid, et à toute l’équipe !

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ou préférer le texte :

Quand Dieu nous appelle, il s’agit toujours d’une interpellation personnelle qui vise le fond de notre identité. C’est pourquoi, dans le livre de l’Exode, Dieu appelle Moïse par son nom, comme il le fera pour Samuel, pour la Magdaléenne ; et la rencontre se produit dans un face à face. Pour l’exprimer, l’hébreu du texte source dit pè al pè : ce qui veut dire bouche à bouche, afin de signifier ce cœur du cœur de l’intime. A ce moment là, il n’est plus possible de ne pas s’ouvrir à l’amour auquel il nous convie.
Pour enraciner davantage cette notion d’intimité, Dieu accepte de se nommer lui-même en retour.
La plupart de nos bibles l’évoquent ainsi : « Je suis qui je suis ». Que d’encre a fait couler l’expression heye asher heye ! הֶיְהֶא רֶשֲׁא הֶיְהֶא) ) Et quelle fuite dans la facilité de traduire le verbe être de la phrase, par un présent qui n’existe pas en hébreu ! Il faudrait oser formuler littéralement ce temps inaccompli et dire : je serai qui je serai.
Mais alors, qu’est-ce que cela signifie ?
D’abord que rien n’est achevé, pas même ce qu’est Dieu pour nous.
Ceci montre ensuite que le Dieu de la Bible est tout sauf un Zeus arbitraire qui transformerait ses créatures en marionnettes. Je serai qui je serai, renvoie, au contraire, au cœur d’une relation en devenir avec sa création.
On pourrait presque dire : je serai ce que vous ferez de moi. Autrement dit, la création n’est pas achevée une fois pour toutes. Dieu a besoin de nous pour parfaire son œuvre.
Notons au passage, que Dieu en se nommant, n’indique aucun genre. Dans notre relation à Lui, il EST cela même dont nous avons besoin.
Peut-être se présente-t-il en père vénérable pour Moïse et certains hommes, peut-être selon une figure maternelle pour d’autres comme le prophète Osée… Peut-être sous forme de puissance d’amour sans genre particulier pour d’autres encore. Et pourquoi pas sous les traits dont j’ai besoin au moment où je sens sa présence ? C’est-à-dire mère attentive quand je doute, père consolateur quand je souffre, sœur d’empathie quand le monde m’insulte pour ma couleur ou mes orientations sexuelles. Ce nom : heye asher heye laisse s’insinuer une proximité qui ouvre tous les horizons.
Quand Jésus reprend la formulation de l’Exode, le texte grec la transmet au présent : ‘εγο ειμι « je suis ».
Jésus s’annonce comme le révélateur par excellence et nous redit d’encore plus près : « c’est moi, moi je suis votre ami, je suis parmi vous, semblable à vous, croyez en moi. »
Parfois Jésus ajoute un prédicat : « Je suis le pain de vie », « je suis la lumière du monde » ; « je suis la porte » (Jn10,7-9), « le bon berger » (Jn10,11-14), « la vigne », « la vérité » … Et ainsi, 7 fois dans le quatrième évangile, Jésus nous donne des illustrations de ce qu’il est pour nous. Mais c’est dans son échange avec une femme : c’est avec Marthe, qu’Il nous dévoile le cœur du message : « je suis la résurrection et la vie » (Jn11,25).
Croire en Dieu « pour nous », en Dieu qui se donne tout entier, c’est ce que Jésus laisse entendre dans l’évangile de ce jour, quand il nous sollicite et nous dit : « Mais si vous ne vous convertissez pas, vous périrez ». Il ne s’agit pas d’une menace, Jésus nous demande seulement de l’accueillir, de s’ouvrir à sa présence. Ce n’est pas de destruction ou de l’enfer dont il est question dans le risque de périr, car où serait le Dieu d’amour ?
Nous croyons avec Maurice Bellet dans Incipit* qu’il « n’y a pas d’homme condamné ». Alors périr, c’est simplement vivre sans espérance. C’est pour la paix de l’âme en cette vie-là, qu’il est urgent de se convertir, autrement dit de laisser Dieu s’exprimer à l’intérieur de nous. Car dès qu’il y a la rencontre que produit la foi, qui, appelé.e par son nom, rejetterait cet amour qui illumine tout ?
Mais l’existence est aride pour celui ou celle qui ne parvient pas au lâcher-prise que réclame le fait de croire.
D’où l’urgence de ce travail de conversion, puisque c’est dans la foi que réside la paix ici-bas.
Heureux homme donc que Blaise Pascal qui a vécu cette révélation dans une vision face à face, et a pu s’écrier dans la nuit du 23 novembre 1654, en reprenant l’allusion à la rencontre entre Dieu et Moïse : « Dieu d’Abraham, Dieu d’Isaac, Dieu de Jacob, non des philosophes et des savants. Certitude, certitude, sentiment, joie, paix. » Puissions-nous chacune, chacun, troquer nos résistances, nos peurs coutumières, contre cette joie de la foi, quand la conversion a transformé le doute en certitude…
* Maurice Bellet, Incipit ou le commencement, Paris, Desclée de Brouwer, 1992, derniers mots du livre.

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