A l’occasion de la journée des droits des femmes, le 08 mars 2023, le Comité de la Jupe a adressé à chaque évêque de France, la lettre suivante :
“Frère évêque,
Nous, baptisé·es dans l’Église catholique, regrettons l’invisibilisation des femmes au cours des liturgies. Où sont les filles, les femmes, durant nos célébrations ? Pourquoi cette mode des «servantes d’assemblées » qui tient les jeunes filles à distance de l’autel ?
« Cachez ces femmes… » : serions-nous revenus à l’hypocrite Tartuffe dans ce vaste courant de repli identitaire qui refoule les laïcs à distance des clercs, et parmi ces laïcs, ostracise les femmes?
Pourtant, Vatican II avait supprimé la démarcation entre un espace sacré et le lieu où se tient le «profane » (voir annexe).
A l’heure où l’absence de responsabilités accordées aux femmes devient une préoccupation majeure du synode sur la synodalité ; quand le rapport de la CIASE diagnostique le caractère délétère de l’insistance sur la sacralité du prêtre, et que celle-ci dévoile ses effets pervers dans toutes les affaires qui déferlent ad nauseam, ne serait-il pas temps de réinterroger notre pratique ecclésiale et liturgique ?
Une cartographie des paroisses (1) établie par le Comité de la Jupe montre que plus de la moitié des paroisses en France exclut les filles de la proximité de l’autel. Aucun argument scripturaire ne justifie de discrimination corporelle dans une religion de l’Incarnation où chaque humain est aimé et sauvé dans son individualité. Le Christ n’a jamais hiérarchisé ses relations.
La multiplication des exclusions des filles ainsi que l’incompréhension sur ce qui les fonde, nous conduit à vous demander officiellement comment vous vous positionnez devant la liberté qui vous est donnée de décider si les filles, baptisées à l’identique des garçons, peuvent être admises au service de l’autel. Oui ou non, les y autorisez-vous ? Et pouvez-vous fonder, selon le droit de l’Église, votre réponse ?
Tandis que Guy de Kerimel, archevêque de Toulouse et président du Conseil épiscopal pour la liturgie, assurait dans Famille Chrétienne que « Plus aucun texte du Magistère n’interdit aux filles de servir à l’autel » (2), Laurent Jullien de Pommerol, responsable du département des servants d’autel au sein du service national de la pastorale liturgique et sacramentelle, rappelait que “Les servants d’autel apportent un signal très fort à la messe dans le face à face entre le prêtre et l’assemblée” (3). Il apparaît donc grave et injustifié d’exclure les filles de ce rôle majeur, d’où l’urgence d’une prise de position de votre part.
Nous vous remercions de nous lire et attendons votre réponse.
Avec notre respect sororal,
Le Comité de la Jupe
(1) Sur 382 paroisses répertoriées au 6 mars 2023, dans 203 paroisses les filles ne servent pas régulièrement à l’autel. Pour retrouver cette cartographie mise en place le 08 mars 2022 : https://carte.comitedelajupe.fr/dl/d8fc49
(2) Famille Chrétienne, 12 septembre 2022.
(3) https://eglise.catholique.fr/approfondir-sa-foi/la-celebration-de-la-foi/528959-le-service-de-lautel-un-service-gagnant/
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Annexe : ce que dit le Vatican :
« La Mère Église désire beaucoup que tous les fidèles soient amenés à cette participation pleine, consciente et active aux célébrations liturgiques, qui est demandée par la nature de la liturgie elle-même et qui, en vertu de son baptême, est un droit et un devoir pour le peuple chrétien, « race élue, sacerdoce royal, nation sainte, peuple racheté » Sacrosanctum concilium n°14
« Il est tout à fait louable que se maintienne la coutume insigne que soient présents des enfants ou des jeunes – dénommés habituellement «servants d’autel» ou «enfants de chœur» – qui servent à l’autel comme acolytes, (…) Les filles ou les femmes peuvent être admises à ce service de l’autel,au jugement de l’Évêque diocésain; dans ce cas, il faut suivre les normes établies à ce sujet. »
Redemptionis sacramentum, n° 47.
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Suite à cet interpellation, et en parallèle à cette démarche, le Comité de la Jupe a publié une tribune dans La Croix du 22 mars 2023
https://www.la-croix.com/Debats/Nous-demandons-eveques-prononcer-discrimination-filles-messe-2023-03-22-1201260215
Cette tribune intitulée: « Nous demandons aux évêques de se prononcer sur la discrimination des filles pendant la messe » reprend les arguments du courrier envoyé aux évêques, et note qu’au jour de sa parution, “seuls quatre évêques nous ont répondu : Denis Moutel, évêque de Saint-Brieuc, nous dit qu’une telle pratique n’existe pas dans son diocèse. Jean-Marc Eychenne, évêque de Grenoble, a répondu dans le même sens, ainsi que Christian Nourrichard, évêque du diocèse d’Évreux. Quant à Olivier de Germay, archevêque de Lyon, il nous confirme que rien ne peut s’opposer à la présence des filles autour de l’autel ; par conséquent il laisse ses prêtres libres de choisir, tout en les alertant sur le fait que « l’on ne tardera pas à s’apercevoir des limites » du « tout-mixité actuel »…”
Depuis, le nouvel évêque de Tarbes et Lourdes, Jean-Marc Micas, approuve notre position reconnaissant avec nous qu’ “aucun argument ne tient vraiment pour distinguer filles et garçons de ce service à l’heure où le Saint-Père ouvre les ministères institués aux femmes comme aux hommes.”
Ainsi, 3 semaines après l’envoi de notre demande d’explications sur ce phénomène de dérive spécifiquement français, cela ne fait que CINQ réponses.
Quel silence assourdissant de la part de la plupart des responsables de nos diocèses, quand il s’agit pourtant de servir dans l’égalité de notre baptême, la Bonne Nouvelle de l’Évangile.
Espérons, que cela vient du fait que le temps clérical n’a pas partout la même vitalité que celui de la société dans laquelle il vit… et que les réponses, notamment celles de ceux qui pratiquent cette discrimination, viendront bientôt…