Vidéo de cette séquence 7 :https://youtu.be/eBTcufTG7kA
En cheminant avec Marie, nous arrivons dans la semaine de Noël.
Nous allons tenter de clore notre voyage et pour cela voici ce que nous vous proposons : nous allons d’abord reprendre brièvement le parcours, et nous nous demanderons si cela offre une nouvelle image de Marie au point de la considérer comme féministe. Anne terminera ce résumé en le tournant vers son but qui est de nous conduire jusqu’à Noël.
Après quoi, nous serons à votre disposition pour répondre aux questions : à celles que vous nous avez déjà posées par mail ou chat, et à celles que vous pourrez nous poser encore ce soir.
Des déplacements exégétiques
Notre cheminement avec Marie a montré la sobriété des mentions bibliques la concernant.
-Dans les évangiles synoptiques, sa maternité souligne deux aspects.
*La maternité de Marie donne sens à l’Incarnation et offre au Verbe qui se rend présent au monde une existence humaine pleine et entière selon la définition du concile de Chalcédoine : « aux derniers jours le même (engendré) pour nous et pour notre salut de la Vierge Marie, Mère de Dieu selon l’humanité, un seul même Christ, Fils du Seigneur, l’unique engendré, reconnu en deux natures, sans confusion, sans changement, sans division et sans séparation… ».
*Sa maternité révèle aussi, de manière symbolique, la façon dont Dieu a choisi, à travers Marie, de lier la figure d’Israël à sa volonté d’universaliser la Bonne Nouvelle du salut. Marie devient donc aussi une figure collective, celle d’un Israël qui consent de tout son être à suivre son Dieu.
-Le quatrième évangile offre de Marie un portrait encore plus distancié. Jean n’expose pas la maternité de Marie selon la chair, qu’il considère comme acquise, mais montre, à Cana, comment « la mère de Jésus » incite celui-ci à révéler sa divinité. Le mot « femme » par lequel Jésus qualifie sa mère dit à la fois la proximité et la distance. La reprise de cette dénomination au pied de la Croix souligne que la maternité physique de Marie, qui a offert au Verbe tout l’apport de la première Alliance, doit désormais s’universaliser pour fonder l’Église en lien avec le type de disciple idéal que représente l’anonyme « bien-aimé ».
C’est de l’élargissement de l’élection à toute la terre habitée, de l’association du masculin et du féminin dans leur expression différenciée, que doit naître l’Église. Il n’y a donc aucune sujétion féminine dans la responsabilité de construire l’Église.
Marie et le disciple bien-aimé constituent ainsi le socle et les fondements sur lesquels les envoyé.e.s : Pierre, Paul, Marie de Magdala, l’ensemble des apôtres et tout baptisé à leur suite, seront invités à porter la joie de l’Évangile.
-Dans le même sens, les épîtres de Paul ne mentionnent la naissance de Jésus que pour conforter son humanité et son appartenance à la lignée royale de David, sans jamais faire référence à Marie. Et si Luc dans les Actes des apôtres, revient brièvement sur sa présence, c’est pour attester que Marie accompagne l’envoi des premiers disciples « jusqu’aux extrémités de la terre ».
Ce parcours exégétique renforce donc les acquis du concile d’Éphèse qui, en 431, présente Marie comme ayant engendré le Christ Jésus, enracinant son existence humaine dans un peuple et dans le prolongement de l’Alliance.
Mais rien n’est dit dans le Nouveau Testament concernant des allusions de caractère biologique et ce sont les évangiles apocryphes, notamment le Protévangile de Jacques, qui fonderont la piété mariale sur de tels aspects.
Quelles conséquences pour l’Église ?
Marie, débarrassée des inflations piétistes plaquées sur l’Écriture, et restituée dans sa typologie originelle, devient donc, comme nous le suggérions au début de nos rencontres, une figure puissante, capable de nourrir notre foi dans son élan vers le Christ.
Encore fallait-il déjouer les pièges tendus par une survalorisation de sa virginité et d’une certaine présentation de sa maternité qui ont induit une codification de la vie ecclésiale très dommageable pour les femmes.
En voulant exacerber le féminin de l’Église en la personne de Marie, la tradition a institué celle qui était la mère de Jésus comme épouse du Christ. Le message a été tellement brouillé qu’il est devenu impératif de renforcer la notion de virginité afin d’éviter toute éventuelle connotation d’inceste. Il en est résulté une idéalisation du féminin sans rapprochement possible avec la réalité humaine. La théologie s’est emparée de cette étrange typologie pour la justifier en instaurant Marie comme « nouvelle Ève », dénaturant ainsi les deux figures et ne résolvant rien.
La virginité qui était jusqu’alors symbole d’une disposition du cœur à rester fidèle à l’alliance, a été dévoyée en devenant un critère biologique.
Elle a servi à justifier la pureté de la mère de Dieu, ce qui a conduit au deuxième dogme : celui de la virginité perpétuelle de Marie. Mais celle-ci, bien que dogmatisée en 649, déforme l’enseignement des Écritures, en la déplaçant de la théologie vers l’anthropologie. Or même sur ce plan, la virginité n’était pas appelée à durer. Ce serait donc un contresens de l’interpréter ainsi, dans un environnement où elle constituait plutôt un drame, comme Anne l’a illustré en évoquant la virginité de la fille de Jephté.
Ne restait plus ensuite qu’à glorifier la soumission de Marie, son obéissance, et sa mise en retrait (confirmée, dans cette optique, par le peu de versets des évangiles), pour que les clercs se considèrent seuls détenteurs de l’autorité, de la science et du pouvoir.
Et afin de mieux promouvoir cette schématisation : une vénération quasi divine de Marie répartissait les rôles : au féminin la soumission, la compassion, la tendresse ; au masculin le savoir et la hauteur de vue qui guide dans la foi.
Comme si toute la Bible depuis le premier chapitre de la Genèse, et tout au long de ses livres, ne montrait pas que la recherche de foi doit conduire à l’harmonie de ces deux approches féminine et masculine, en chaque être humain…
Cette féminisation du divin, avec Marie comme « support », ne sera pas sans incidence ecclésiologique quant à la répartition des charges selon des normes liées au « genre ».
La place des femmes dans la communauté ecclésiale sera dépendante de cette représentation de Marie.
Face aux évêques, prêtres, diacres, tous masculins, les femmes, laïques de second rang, sont invitées en « servantes du Seigneur » à fleurir l’autel, préparer les feuilles liturgiques et, par grâce, puisque depuis quelques siècles, les castrats sont passés de mode, elles sont autorisées à chanter pendant l’office. Merci Seigneur !
Mais cette sublimation du féminin a également conduit l’institution ecclésiale, et notamment Jean-Paul II, à beaucoup écrire sur ce que doit être LA femme dans sa vie sociale. Vierge consacrée, ou mère discrète et aimante, « la » femme, se consacrera à rendre alentour, la vie agréable par ses soins attentifs, elle qui est « naturellement » disposée à l’empathie.
Or tout ce que nous avons tenté de déconstruire au cours de nos échanges contredit cet enseignement. Les Écritures nous offrent une figure de Marie étroitement dépendante des représentations du Premier Testament qui n’est ni réductible, ni même parfois compatible avec les idéalisations qu’elle a subies par ailleurs.
Marie féministe ?
Marie n’est pas une « potiche » qui se soumet à l’autorité de l’ange !
Marie nous est présentée comme une jeune fille d’Israël qui contrevient aux règles de son pays pour accueillir en elle l’inouï de Dieu.
Par ce « oui », c’est toute la première Alliance qui s’offre à la Bonne Nouvelle de notre Salut. Marie, dans son corps, met en lien le Premier et le Nouveau Testament
Marie n’est pas la mère souffrante, victime d’une injustice. Elle sait depuis le début que son fils n’est pas seulement humain. La rencontre avec l’ange dans les synoptiques, la parole de Syméon lui annonçant qu’un glaive transpercerait son cœur, son acuité à Cana chez Jean, montrent qu’elle mesure la divinité de celui qu’elle accompagne. Elle est donc présente à la Croix dans sa douleur de mère, mais sans être atteinte par le doute qui habite les Douze.
Marie donne à voir la totale humanité et la réelle divinité de son fils.
Marie n’est pas « mère et épouse toujours vierge ». Marie est d’abord et avant tout la figure de la mère. Elle est la mère de Jésus, l’épouse de Joseph qui accompagne avec lui, l’extraordinaire présent divin qui leur est advenu.
Au sens d’une maternité symbolique exposée dans son adoption du « bien-aimé » (en Jean) elle devient mère de tous les croyants. Elle est donc fondatrice de l’Église, et à ce titre, disciple et envoyée, sans qu’il soit nécessaire de l’illustrer par d’autres missions.
Marie est donc bien apôtre.
Marie n’est pas co-rédemptrice ou médiatrice.
Nous croyons en un seul Dieu, unique médiateur. Rappelons le § 62 de la constitution Lumen gentium :
« La bienheureuse Vierge est invoquée dans l’Église sous les titres d’avocate, d’auxiliatrice, de secourable, (…) tout cela cependant entendu de telle sorte que nulle dérogation, nulle addition n’en résulte quant à la dignité et à l’efficacité de l’unique Médiateur, le Christ. Aucune créature en effet ne peut jamais être mise sur le même pied que le Verbe incarné et rédempteur. »
En revanche, l’affinité de Marie avec l’Esprit est avérée à plusieurs reprises dans l’Écriture : c’est l’Esprit de Dieu qui la féconde, qui lui souffle les paroles programmatiques du Magnificat. Lui encore qui la guide comme il a guidé les femmes de la généalogie de Jésus, et c’est l’Esprit enfin qui préside à la filiation adoptive avec le bien-aimé à la croix.
Par conséquent, sans aller jusqu’à l’idée exaltée d’une union hypostatique entre Marie et l’Esprit saint, il est permis de postuler une proximité privilégiée qui renforce sa mission d’auxiliatrice.
Et alors oui, il est dans ce cas possible de croire au rôle d’intercession de Marie.
A la condition de ne jamais déroger à notre foi en un seul Dieu, unique sauveur du monde.
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Quelques éléments bibliographiques seront joints dans un dossier mis en annexe de ces séquences.
LA VERITE. REND LIBRE dit JESUS
Souhaitons qu’ une multitude prennent connaissance de ces enseignements
Un Grand Merci!!!!
Merci beaucoup et Noël !
A force de faire de Marie un extra terrestre, immaculée conception ,exempte du péché originel qui de plus n a pas vraiment le droit de mourir puisque elle dormitionne on peut se poser la question: est elle encore une vraie femme?
En effet, et alors on rate tout le message qu’elle nous donne…
MERCI Anne et Sylvaine pour ce parcours riche et dense, dont je verrais bien un prolongement ou une résonance au centre oecuménique d’Orléans en 2021 : je vous en reparlerai l’année prochaine !
Une idée m’est venue ce matin : et si vous nous proposiez un parcours similaire sur Joseph ?
Joseph dans les évangiles, les différentes représentations de Joseph dans l’iconographie religieuse, Joseph dans l’histoire de l’Eglise, l’histoire de la “Sainte famille”… La paternité adoptive de Joseph a des résonances particulières dans nos sociétés d’aujourd’hui. Nos enfants ne sont pas seulement nos enfants… mais les enfants de Notre Père-Mère commun (Fratelli tutti)… Bref, Joseph, comme nous ne l’avons jamais vu !!!
Qu’en pensez-vous ?
En attendant, chantons au Seigneur un chant nouveau, lui qui fait toute chose nouvelle !
JOYEUX NOËL !
Merci Marguerite.Très bon Noël dans la paix et l’espérance de cette naissance.
sylvaine
Mille mercis et bravos pour ces belles recherches que vous nous avez transmises, j’ai vraiment envie de continuer la route et de lire encore ce que vous nous conseillerez . Que ce Noêl soit plein d Espérance et je ne manquerai pas une occasion de vous rencontrer, j’habite tantôt Briancon (htes Alpes) tantôt Paris et nous passons souvent par Lyon !
Béatrice
Merci beaucoup Béatrice ! Très bon Noël dans la lumière de cette merveilleuse naissance. Au plaisir d’une rencontre;
sylvaine
Merci pour tout cet ensemble remarquable !
Enfin un éclairage contemporain sur Marie.
Vous écrivez ci-dessus dans l’introduction “Mais rien n’est dit dans le Nouveau Testament concernant des allusions de caractère biologique”. Pourtant je lis dans Luc à l ‘Annonciation que Marie dit ne pas avoir connu d’homme. Je pensais que “connaitre” dans la bible veut dire: rapport physique.
Que voulez-vous dire alors ?
Bonjour Clément. Vous avez raison : Luc utilise le mot “parthénon”. Il évoque une jeune fille et il ajoute : promise en mariage, donc de toute évidence vierge, selon les critères sociologiques de l’époque. Mais ce que je mettais en cause c’est l’orientation générale de l’interprétation, jusqu’à la “virginité perpétuelle”, ce qui donne une connotation un peu trop “gynécologique”, que le texte ne fournit évidemment pas 🙂
Bon Noël et merci de vous avoir suivies !
sylvaine
la virginité gynécologique n ‘est elle pas expliquée dans mathieu chap 1 verset 24 -25 puisqu il est clairement écrit ,je cite:
Joseph prit sa femme chez lui mais ne s’ unit à elle qu après la naissance de Jésus (version A.E.L.F)
Bonjour, en effet le texte grec dit que Joseph ne “connut” pas Marie jusqu’à ce qu’elle ait enfanté. On peut donc supposer qu’elle n’avait eu aucun rapport sexuel avant la naissance de Jésus. Mais rien ne nous indique la suite de sa relation avec Joseph ( ou alors cela pointerait plutôt une relation devenue plus conjugale ensuite) et il faudra beaucoup d’imagination pour envisager une naissance sans rupture de l’hymen. Imagination qui rendrait Marie totalement à part de la commune humanité des femmes et qui n’apporterait rien à la nature de Jésus, ni à la sienne qui -comme le rappelle st Paul- est une femme tout à fait humaine.
Puisque le mariage est la Base de la Création , pourquoi donc Marie après la naissance de Jesus, aurait elle refusé de consommer le mariage avec son époux Joseph