Introduction Anne Soupa
Cher.e.s ami.e.s
Vous êtes ici parce que vous avez répondu à l’invitation du Comité de la Jupe et de e-diocese.fr.
Le Comité de la jupe est une association 1901, dont l’objet est la promotion de l’égalité complète entre femmes et hommes dans l’Église catholique et, plus largement, dans toutes les religions. Anne Soupa est titulaire d’une maîtrise de théologie et d’une habilitation doctorale. Sylvaine Landrivon est docteure en théologie depuis 2012, maitresse de conférences à l’UCLy, retraitée de son poste de responsable pédagogique depuis deux ans mais enseigne encore la théologie dogmatique à Théo en ligne, branche numérique de la faculté de théologie de Lyon. Membre de Toutes Apôtres !, elle a créé en août 2020 le site e-diocese.fr
Toutes les deux, nous avons eu envie, à l’approche de Noël, de vivre ce temps d’Avent, de préparation des cœurs et des esprits, avec la figure centrale de l’attente de Dieu, Marie.
« Marie telle que vous ne l’avez jamais vue ». Pourquoi ce titre ? Parce qu’au cours des siècles, l’empilement des élans affectifs (et des visées politiques) envers Marie a écrasé le message des évangiles. Marie est une figure dans laquelle nos psychés se sont investies. C’est une mère, la plus ancienne de nos figures de référence, et qui plus est, une mère terrassée par la pire des souffrances, la mort du fils unique. Cet investissement est légitime, mais il ne doit pas trahir l’Évangile. Nous n’avons pas le droit de projeter nos états d’âme ou nos modèles culturels sur une figure qui dit autre chose. Car ce faisant, nous les imposons à autrui. Et là, cela devient mensonge…
Ni Sylvaine ni moi ne sortions indemnes de cette tentation, car nous sommes tous le fruit de notre temps, avec sa culture propre, ses pentes et ses refus. Mais au moins, nous essaierons. Notre ligne directrice est simple : secouer la poussière qui recouvre les traits de Marie afin de retrouver la fraîcheur des couleurs évangéliques. Et vous verrez avec stupéfaction sans doute, combien Marie est une figure puissante, capable de nourrir notre foi dans son élan vers le Christ.
Quelques éclairages sur le déroulement de nos soirées. Nous sommes plus de cent ce soir et plus de 300 personnes se sont inscrites. Il faut donc organiser nos prises de parole afin que la communication soit bonne entre nous et que nos échanges soient fructueux. A chaque soirée, nous parlerons l’une après l’autre, environ 20 min chacune. Puis nous échangerons tous ensemble. Pendant l’ensemble de la soirée, vos micros sont fermés. Après nos deux interventions, pour prendre la parole, vous lèverez la main – c’est une fiction, il s’agit d’appuyer sur une touche … (vérifier) et l’animatrice ouvrira votre micro. Pour qu‘un grand nombre puisse parler, nous vous demandons de poser des questions brèves, claires et précises ou de soulever une problématique susceptible d’intéresser tout le monde.
Nos 2 interventions seront enregistrées et mises en ligne dans quelques jours sur la chaîne You Tube du Comité de la Jupe et sur celle de Sylvaine Landrivon. Vous les trouverez en allant sur le site du Comité de la Jupe et bien sûr sur e-diocese.fr
Notre prochain rendez-vous est lundi 30 novembre à 18h30.
Introduction Sylvaine Landrivon
On a tout dit sur Marie, mais sur quoi reposent nos figurations ? Tantôt mère de douleurs, cette Mater Dolorosa « que l’on prie à genoux », tantôt celle que l’on supplie d’intercéder pour nous …, nous avons traversé une inflation de la vénération depuis le XIXe et le début du XXe, qui voisinait avec une quasi divinisation et a conduit certains jusqu’au rejet.
Dominique Le Tourneau, membre de l’Opus Dei et auteur du Dictionnaire encyclopédique de Marie (2015) explique que « Les fidèles ont spontanément recours à la Vierge Marie, en qui ils reconnaissent leur Mère dans le domaine spirituel, et leur Avocate patentée auprès de Dieu ». Ils l’associent à tout, en fonction des circonstances, et il remarque : « après la promulgation du dogme de l’Immaculée Conception, Pie IX y incorpore “Reine conçue sans le péché originel”. Léon XIII l’enrichit en 1905, de “Reine du très saint Rosaire” et de “Mère du bon conseil” ».
C’est ainsi que nous croisons sur nos routes, des Notre-Dame d’un peu tout : Notre-Dame-des-Neiges, Sainte-Marie des vignes, et même une Notre-Dame-du-Rugby à Larivière-sur-Savin dans le Sud-ouest.
D’où viennent cette appropriation et ces représentations ?
Tradition familiale, catéchèse, superstition parfois aussi sans doute, et encouragement de l’Institution à ces mouvements de piété, mais également – nous le verrons- : Marie a pu servir d’appui politique en lien avec les oppressions dictatoriales, et elle demeure pour tous un modèle. Il faudra évaluer quel modèle.
Ainsi Marie devient le lieu de tous les contrastes.
En ce début d’étude, efforçons-nous de les repérer.
Contraste d’abord entre :
*une valorisation de sa virginité qui se manifeste par une insistance sur le caractère miraculeux de l’Incarnation ; par une vénération de la pureté absolue de Marie qui, en s’amplifiant, crée de dangereux rapprochements avec la mythologie (Asclépios, Persée…)
*et une valorisation de sa maternité, laquelle se difracte en 2 images :
- celle de la mère de Dieu (la Theotokos des premiers conciles) qui accompagne le Christ et qui, par sa compréhension des événements, peut servir d’exemple du Croyant,
- ou celle -qu’elle est aussi, mais pas seulement- de la mère de l’homme Jésus, mort sur la croix. Cette référence à l’humanité de Marie est essentielle pour une bonne compréhension du Christ Jésus, totalement homme et totalement Dieu, mais elle ne doit pas s’y résoudre. Or il arrive que dans cette représentation, nous ne voyions plus que la mère de douleurs, dont le rôle sera d’intercéder pour ceux qui partagent avec elle la souffrance.
Ce premier coup d’œil pointe ainsi un contraste beaucoup plus profond, qui sera mon « fil rouge » tout au long de nos échanges :
Il s’agit de la confrontation, entre une image « circulaire », fermée, de Marie, et un schéma dynamique, comme un élan en forme de flèche.
La vision « circulaire » expose Marie comme mère de Jésus mais, en même temps, parce que « nouvelle Ève », face au Christ « nouvel Adam », elle devient épouse du Christ, son fils, selon cet impossible schéma de mère et d’épouse, qui nous rappelle les Atrides avec des relents d’inceste. Mais Jésus n’est pas Œdipe ! Pour fuir cet amalgame possible, Marie sera donc mère, puis épouse toujours vierge protégée par des dogmes, dans une idéalisation de LA femme qui voisine avec le mythe ou avec un fantasme de petit garçon.
Nous comprenons vite, que cette circularité qui enferme le personnage dans sa virginité/maternité, va devoir inventer des doctrines pour éviter les pièges de l’ambigüité de ces liens entre Marie et Jésus.
Il faudra valoriser sa pureté donc aller chercher au-delà des Écritures, et créer des dogmes : celui de sa virginité perpétuelle, de son immaculée conception, de son assomption. Parce que quand il n’y a pas d’appui dans les évangiles, les théologiens doivent fonder la Tradition sur d’autres explications.
– Ce que je décris comme une « circularité » va contraster avec une autre approche de Marie qui sort de cet enfermement pour devenir la flèche qui nous guide.
*Flèche qui prend son élan dans son « oui » au Père qui lui envoie son Esprit pour l’inviter à porter le Verbe,
*flèche qui poursuit sa route, quand elle envoie Jésus sur la voie de sa mission à Cana, révélant ainsi le Fils,
*et flèche encore quand Jésus sur la croix, la confie au disciple bien aimé, et les unit par l’Esprit pour nous fournir le modèle du croyant.
Donc nous avons deux perspectives divergentes :
- une circularité qui fige une image dans des dogmes et enferme dans le cercle d’une vénération mythique,
- ou un élan qui nous conduit, à partir de l’Écriture, et nous emporte dans son dynamisme, pour situer Marie par rapport au Père, au Fils et à l’Esprit.
Tout au long de notre rencontre avec Marie, nous observerons l’évolution de ces deux figures.
Il faut se positionner aujourd’hui dans la théorie évolutionniste. Marie est notre nouvelle Eve spirituelle. Nous sommes l’aboutissement non encore fini d’une évolution de la vie par sélection naturelle pour sa survie.
Le Christ Jésus est un homme dans lequel le verbe s’est progressivement “incarné”
Laissons de côté la façon dont il a été conçu ainsi que les histoires de virginité, et la façon dont on l’a déifié en troisième personne d’une Trinité. Nous avons besoin de concret et nous en avons fait une image de Dieu source de toute vie et d’amour et qu’il nous faut bien imaginer, étant incapables de l’appréhender. Dieu Est.
Toutes ses visions du passé alourdies de bimbeloterie dogmatique ont eu longtemps toute leur valeur pour transmettre la foi. Elles plombent aujourd’hui notre religion catholique . Tout est à revisiter y compris les sacrements, sauf le baptême.
Jésus, notre frère, homme inclassable . Marie samère, notre mère à tous en humanité.
Bonjour,
Je comprends et partage votre démarche dans le sens où le poids de ce que vous appelez “bimbeloterie” a, en effet, alourdi voire déformé la transmission de la Bonne Nouvelle. C’est pour cette raison qu’Anne Soupa et moi avons souhaité revenir à l’Écriture afin de dépoussiérer l’image de Marie, la mère de Dieu qui a bien d’autre chose à révéler que ce qu’enseigne la tradition populaire.
N’allons pas cependant jusqu’à exclure le Christ Jésus, Fils du Père, de la sainte Trinité 🙂
J’espère avoir le plaisir de vous voir lors des prochaines séquences dont celle de demain à 18h30 et nous pourrons peut-être échanger de vive voix.
Bien cordialement,
sylvaine