Matthew Hood a été officiellement ré-ordonné prêtre le 17 août 2020, à la cathédrale de Détroit, rapporte Detroit Catholic, son baptême ayant été invalidé du fait d’une erreur de formulation du prêtre lors du sacrement de son baptême. Tout ce qu’avait effectué cet homme dans sa vie de baptisé puis de prêtre devenait donc sans objet. Tant pis pour celles et ceux, dont les sacrements reçus de lui, devenaient invalides aussi. Est-ce à dire que la Congrégation pour la doctrine de la foi privilégie à ce point la forme au détriment du sens même de l’acte et de ce qu’il engage ?

En effet, dans une note publiée le 06/08/2020, la Congrégation pour la doctrine de la foi (CDF) a précisé que les baptêmes qui n’utilisaient par la formulation officielle « Je te baptise au nom du Père,  et du Fils et du Saint-Esprit », étaient non valides. De fait, l’emploi de la première personne du singulier vient signifier que la personne baptise en tant que représentante du Christ, pas de la communauté. C’est ce que rappelle le concile Vatican II par la constitution Sacrosantum Concilium, expliquant que «quand on baptise, c’est le Christ lui-même qui baptise», il est «le protagoniste de l’événement célébré».

Mais le moment où l’on passe peut-être de la notion de sacrement à celle de formule magique réside dans le sens que l’on donne à cette formulation…

Si l’on songeait à simplement honorer et respecter ce que nous dit l’Écriture en Ac 2,38 : « que chacun de vous se fasse baptiser au nom de Jésus Christ » et en Mt 28,19 : « Allez donc, de toutes les nations faites des disciples, les baptisant au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit », sans que le célébrant se prenne pour Dieu Lui-même, peut-être y aurait-il moins de problèmes… Car pas plus « je » que « nous » n’est le Christ, et c’est bien « au nom du Christ » que le baptême est réalisé, sachant que la formule se poursuit en énonçant les trois personnes de la Trinité. En quoi un pluriel communautaire empêcherait-il de s’exprimer « au nom » d’un seul ?

Nous allons y revenir mais observons que les époques perturbées sont souvent celles qui remettent en cause la validité des baptêmes. Ainsi, Saint Augustin, qui devait répondre à la question des qualités de celui qui les conférait, a précisé que : « C’est le rite d’eau et la formule trinitaire qui font le baptême » et a maintenu la validité des sacrements conférés par des ministres « douteux ». Quelles phrases étaient exactement prononcées à ce moment-là ? Aucune vidéo ne le dit.

Jean-François Chiron enseigne que jusqu’au Vè siècle, le baptême est le plus souvent accompli par l’évêque (ou le prêtre délégué) et consiste en une triple immersion/émersion. Il ajoute : « La formule est toujours trinitaire, mais varie. La plus ancienne consiste en une triple interrogation, trinitaire; la réponse : «je crois» est chaque fois suivie de l’immersion. Une deuxième formule semble plus récente : la triple interrogation est suivie de la triple réponse, puis d’une formule déclarative («X est baptisé» ou «sois baptisé»); on ajoute : «au nom du Père…», avec immersion à chaque mention du nom d’une personne de la Trinité[1] »

Aujourd’hui, la Confédération pour la Doctrine de la Foi requiert « d’avoir l’intention de faire ce que fait l’Église » et précise que s’il y a modification délibérée de la formule, cela constitue un « vulnus » (blessure, déchirure) infligé à la communion ecclésiale et à la reconnaissance de l’action du Christ, ce qui peut rendre le sacrement invalide « dans les cas les plus graves ». Mais où réside la « modification délibérée » ?

Aurions-nous oublié en quoi consiste le cœur du sacrement de baptême ?

Les différents écrits du Nouveau Testament n’en proposent pas une théologie unifiée. C’est la tradition ultérieure qui va synthétiser les différentes scènes présentées, et les organiser dans un cadre liturgique donné. On trouvera cependant toujours une théologie du baptême conçue comme association à la Pâque du Christ en lien avec Rm 6. Ainsi « le baptême est une parabole de la Passion : descente dans l’eau de la mort, remontée dans la résurrection[2] »

Il se reçoit également, dans le sens donné par st Jean, comme nouvelle naissance et illumination. Et la tradition insistera sur sa dimension trinitaire, dans la perspective de Mt 28,19.

Par ailleurs, le baptême doit être conféré par un tiers : « que chacun de vous se fasse baptiser au nom de Jésus Christ pour la rémission de ses péchés, et vous recevrez alors le don du Saint Esprit » (Ac 2,38). Paul précise également l’importance du baptême donné «au nom de» soulignant que la relation des baptisés est une relation au Christ, pas à Paul ou à Apollos (1 Co 1,12).

Le baptême chrétien est donc :

– Un baptême reçu d’un autre. On est baptisé, « au nom » de Jésus-Christ (Ac 2,38), de la Trinité (Mt 28) ;

– Un baptême unique, non renouvelé : qui engage l’existence, marque pour la vie ;

– Un baptême « pour la conversion des péchés » ;

– Le tout dans une perspective eschatologique et de salut ;

– C’est enfin une reconnaissance ecclésiale : d’intégration à la constitution d’un peuple nouveau.

Comment un baptême célébré sincèrement peut-il être considéré comme invalide ?

Le code de droit canonique (CDC) précise dans son article n° 849 :

(5) Le baptême, porte des sacrements, nécessaire au salut qu’il soit reçu en fait ou du moins désiré, par lequel les êtres humains sont délivrés de leurs péchés, régénérés en enfants de Dieu, et, configurés au Christ par un caractère indélébile, sont incorporés à l’Église, n’est conféré validement que par le bain d’eau véritable accompagné de la formule requise. (6)  LG 11 16 40 AGd 14 PO 5 CIS 737 CIO 675

Dans le sujet qui nous interpelle d’un baptême invalidé du fait d’avoir prononcé « nous te baptisons » au lieu de « je te baptiste », quel peut être le problème ?

Revenons à ce que nous venons d’évoquer : que ce soit « nous » ou « je », celui qui baptise N’EST PAS le Christ, et il énonce la formule AU NOM DU PÈRE ET DU FILS ET DU SAINT ESPRIT…

Alors ?

Dans son document du 24/06/2020 publié le 06/08, la CDF répond que dans la célébration des sacrements l’assemblée n’agit pas «collégialement», (elle oublie le cas du sacrement de mariage…) mais «ministériellement» et note que le ministre «ne parle pas comme un fonctionnaire qui joue un rôle qui lui est confié, mais il agit ministériellement comme un signe-présence du Christ, qui agit dans son Corps, en donnant sa grâce ». L’explication est-elle concluante ? Le texte est si convaincant que nous lisons aussitôt après : « «Modifier la formule sacramentelle signifie aussi ne pas comprendre la nature même du ministère ecclésial, qui est toujours le service de Dieu et de son peuple, et non l’exercice d’un pouvoir » Il est vrai que l’on aurait pu en douter…

Si ce type de baptême est invalide, quid de celui des baptisés aux premiers siècles de l’ère chrétienne avec des formules qui ont évolué depuis ?

Et qui de nous se souvient des paroles EXACTES prononcées par celui ou celle qui nous a baptisé.e.s  (d’autant que dans un cas d’urgence un laïc, même non chrétien, –même une femme !!!- peut conférer validement le baptême)? Faut-il faire enregistrer toutes les célébrations pour ne pas risquer de se croire baptisé « à tort » ?

Et enfin quid de l’Ecclesia supplet[3] qui vient soulager l’imperfection humaine, qu’elle soit le fait des clercs ou de la communauté ? Comment imaginer que la grâce du Christ ne viendrait pas au secours de la faiblesse, pour valider in fine des sacrements que de toute bonne foi des prêtres auraient mal donnés… Non les « victimes » de l’étourderie, de la confusion d’un officiant, ne rendent pas caducs les bienfaits du Seigneur. Quand le détail formel prend à ce point le pas sur le fond et l’authenticité d’une intention, n’y a t-il pas un grand danger de pharisianisme ?

Dieu est plus miséricordieux que nos doctrines.

[1] Jean-François Chiron, faculté de théologie, UCLy, à propos des sacrements de l’initiation chrétienne.

[2] Bernard Sesboüé, Croire, invitation à la foi catholique pour les femmes et les hommes du XXIè siècle, Paris, Droguet et Ardant, 1999, p487.

[3] «Ecclesia supplet» désigne un processus par lequel l’Église catholique, en tant qu’institution, remédie aux faiblesses natives de la psychologie humaine dans le cadre canonique et étend son influence au-delà de ses limites visibles pour répondre aux exigences de sa mission: «que tous soient sauvés» (1 Tim. 2, 4). Le Code de Droit canonique de 1983 dit au canon 144 : « En cas d’erreur commune de fait ou de droit, comme en cas de doute positif et probable de droit ou de fait, l’Église supplée le pouvoir exécutif de gouvernement tant au for externe qu’au for interne. »

Un commentaire sur “Questions à notre hiérarchie sacerdotale : jusqu’où aller dans le formalisme au détriment du partage de la Bonne Nouvelle et de la foi ?”

  • C’est l’exemple type qui montre comment on en est venu a considérer ce signe comme magique.
    On repense tout de suite à cette histoire qu’on racontait aux enfants : pour que la porte de la caverne s’ouvre, il fallait dire “Abracadabra” !! Et ne pas sauter une syllabe ! C’est aussi le mot que devaient dire les magiciens pour guérir des malades.
    Je dirai plutôt que sont invalides les baptêmes des personnes qui sont dans l’impossibilité de comprendre et de faire la démarche de conversion au chemin tracé par Jésus de Nazareth !

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