Évangile, liberté, dialogue,

par Jean Boulay

 

Voici quelques lignes sur un thème qui est pour moi quasi obsessionnel depuis que j’ai renoué, il y a près de 25 ans, avec une certaine pratique ecclésiale. C’est en découvrant la liberté de parole de grands témoins aux premiers rangs desquels le Frère Jean, l’Abbé René Berthier (en chair et en os pour ces deux là) et Maurice Zundel par les livres.

Moi qui ne me croyais pas croyant, j’ai réalisé à leur contact que ma quête s’apparentait à la leur et j’ai vécu de véritables chocs à la lecture, à l’âge adulte, de textes évangéliques qui m’étaient jusqu’alors superficiellement familiers. Je pouvais donc envisager un retour à une vie paroissiale, dans l’espoir de partager cette joie de vivre et de découvrir un chemin personnel et communautaire dans la foi chrétienne.

Très rapidement je me suis trouvé confronté à la très grande diversité d’approche caractérisant des sous-populations pour lesquelles le mot « foi » a manifestement des sens très divers.

Autant je me sens appelé à rejoindre des personnes et une communauté qui cherchent, autant je suis dérouté (et déroutant) pour celles et ceux pour qui la foi est un ensemble de croyances, de pratiques, parfois de choix politiques, qui doivent être défendus à tout prix. Pour de telles personnes, les voix qui m’attirent dans l’Église devraient être réduites au silence.

Je rêve d’un clergé ou de responsables de communautés qui bien sûr accueillent chacun et chacune avec bienveillance, quels que soient sa sensibilité et son parcours de vie, mais qui osent contester au nom de l’Évangile tous nos attachements. La sensibilité de chacun devenant un point de départ pour un dépouillement par rapport à ses propres aliénations et la découverte de la vérité contenue dans la démarche de l’autre. Si nous n’y parvenons pas, nous nous installerons (n’y sommes-nous pas déjà ?) dans la méfiance et les luttes d’influence pour tenter d’écarter la ou les tendances qui nous perturbent.

Si nous ne parvenons pas à accueillir la diversité des sensibilités, nous pourrons mettre un tout petit « c » devant nos catholicismes étriqués, chacun d’eux se prétendant le seul vrai.

Quand j’écoute RCF ou que je suis les cours de Théo en ligne, je constate que des institutions officielles parviennent à parler une langue qui ne soit pas de bois et à donner la parole à des sensibilités variées. Bravo et merci !

Comment pouvons-nous accepter de laisser les communautés paroissiales hors de cette liberté, de cette soif de passer de certitudes religieuses fermées à la joie de la rencontre qui change tout ?

Je lis avec bonheur le recueil du Frère Roger de Taizé paru en 1965 et intitulé Dynamique du provisoire[1]. J’y trouve quelques perles qui illustrent mieux que je ne pourrais le faire les questions que j’ai rapidement évoquées ici et qui, me semble-t-il, rejoignent de près votre démarche à vous, Sylvaine.

En voici quelques-unes :

« Puissent simplement les chrétiens réunis demeurer sans jugements portés sur ceux qui cheminent par d’autres voies que les leurs ! Car il est essentiel de placer tout homme au bénéfice de la pureté d’intention, même celui qui défend avec désespoir une attitude du passé. » p 21

« Il y a une dynamique de la réconciliation qui nous conduira hors de l’état d’appauvrissement que constituent nos divisions. Cet élan nous permettra de surmonter notre incapacité à rejoindre un monde qui, s’il n’attend pas grand-chose de nous, serait en droit de tout attendre d’hommes et de femmes qui portent le nom de chrétiens. » p 58

« Sans un retour aux sources de la foi, il n’y a pas de réconciliation possible, ni d’effort pour rejoindre un monde qui ne peut croire. » p 94

« Celui qui vit dans le provisoire voit sa marche vers l’unité réactivée, car la menace par excellence serait de nous suffire à nous-mêmes, de refermer la boucle sur un trésor découvert, sur une liturgie par exemple, et d’instituer alors, pour des siècles, des structures qui bien vite seraient facteurs d’isolement. » p 151

 

 

[1] Frère Roger de Taizé, Dynamique du provisoire. A l’écoute des nouvelles générations 1962-1968, Presses de Taizé, 2014.

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