Le 15 août prochain, nous fêterons l’Assomption de Marie. Cette fête consacre un dogme, proclamé par le pape Pie XII. « Nous proclamons, déclarons et définissons que c’est un dogme divinement révélé que Marie, l’Immaculée Mère de Dieu toujours Vierge, à la fin du cours de sa vie terrestre, a été élevée en âme et en corps à la gloire céleste » (§ 44, Munificentissimus Deus, MD, 1er novembre 1950).
Un dogme est une « vérité de foi à laquelle tout croyant est tenu de croire ». Celui-ci est le quatrième et dernier consacré à la jeune fille d’Israël. Il est intimement lié à celui qui le précède, datant de 1854, le dogme de l’Immaculée Conception de Marie, selon lequel « dans le premier instant de sa conception, Marie a été […] préservée et exempte de toute souillure du péché originel ».
Quantité de commentaires de catholiques et de théologiens, souvent dubitatifs sur la nécessité de ces deux dogmes, ont été faits. Bien sûr, il est tout à fait concevable d’étendre le domaine des dogmes à des vérités non explicitement inscrites dans la Bible, mais ils ne doivent pas jeter le trouble sur le fait que seul le Christ sauve, selon cette parole de l’épitre à Timothée :
« Car Dieu est unique, unique aussi le médiateur entre Dieu et les hommes, le Christ Jésus, homme lui-même » (1 Tm 2, 5).
En effet, en ne se prononçant pas sur la réalité de la mort de Marie, en insistant sur son exemption du péché originel, sur l’absence de souillure, sur sa pureté, ces dogmes donnent au corps de Marie un tel statut d’exception – élaboré selon des critères contestables- que l’on peut se demander quel est le vrai modèle d’humanité accomplie, celui de Marie ou celui du Christ, qui « s’est fait péché pour nous », qui a pris sur lui le péché du monde, qui « est vraiment mort et a été enseveli », partageant ainsi la condition du plus méprisé des êtres humains.
N’est-il pas étrange que le Christ nous enseigne l’acceptation de tout ce qui constitue l’humanité, personnes et attributs, puisque son projet est la réconciliation de toute l’humanité, tandis que Marie nous enseignerait l’exemption, la pureté, l’absence de souillure ? N’est-ce pas contradictoire ?
Il est possible de proposer une autre manière de comprendre cette Assomption de Marie. Que Marie soit exaltée, qui ne le souhaiterait ? Mais les raisons mises en avant par le magistère posent question.
Dans le livre que nous publions ce mois-ci (Anne Soupa et Sylvaine Landrivon), Marie telle que vous ne l’avez jamais vue, nous tirons la sonnette d’alarme.
Nous dénonçons l’image insupportable que le magistère donne de Marie. Pour quantité de raisons que vous découvrirez si vous lisez le livre, mais que l’on peut résumer en une phrase : l’Église a été infidèle aux données des évangiles en modelant une Marie telle qu’elle voulait la voir. Aussi, nous avons déconstruit ce personnage pour le reconstruire plus près du texte.
Nous disons non à l’image d’une Marie désincarnée, presque privée de son corps, telle que l’Église masculine l’a modelée, dans sa phobie des femmes qu’elle ne regarde que de loin, sans jamais les avoir associées le moins du monde à l’élaboration de ces dogmes.
Non à une Marie que l’institution veut « toujours vierge », ce qui serait vrai s’il était franchement dit qu’elle l’est métaphoriquement, c’est-à-dire qu’elle « se garde des idoles », comme le comprenaient les prophètes d’Israël, pour n’adorer que le vrai Dieu. Cette virginité-là, oui, peut et doit être perpétuelle, mais comment accepter que l’Église affirme, dans le dogme qu’elle a proclamé en 649 sur ce sujet, que Marie s’est abstenue sa vie durant de relations sexuelles avec son légitime époux, Joseph ? C’est l’histoire qui donne la réponse. En effet, dès les 3e-4e siècles, la virginité n’a plus été comprise comme Israël la comprenait. Elle est devenue biologique, et par voie de conséquence, n’a plus concerné que les femmes. Marie est devenue modèle pour les femmes et non plus modèle du croyant. Nous dénonçons ce glissement réducteur, dont les femmes ont été les premières victimes, mais qui a aussi empêché les hommes de s’identifier au plus accompli des modèles de foi.
Nous refusons que Marie soit le symbole de la pureté, ce qui serait vrai si cette pureté, elle aussi, s’appliquait à la pureté de son lien à Dieu et non au refus du sexe, des règles, du sang, de tout ce qui a été associé à la féminité, pourtant légitime, car humaine, mais terriblement inquiétante pour un clergé masculin et célibataire.
Nous admettons mal que Marie devienne une figure d’exception en échappant à la corruption de la mort (M.D. § 14) alors que cette corruption est intrinsèquement liée à notre condition humaine et qu’elle nous touchera tous.
Cette Marie reconstruite selon les attentes masculines, sans corps, sans sexualité, sans participation à la vie publique, les femmes ne peuvent plus, aujourd’hui, la recevoir. Et les hommes eux aussi, ont tout à y perdre.
Mais nous affirmons dans la jubilation que, si Marie est bien une figure d’exception, c’est parce qu’elle a accueilli l’enfant de la promesse, et l’a accompagné dans son chemin d’exception, d’homme et de Dieu tout ensemble. Marie a su écouter, elle met en actes, déjà elle réconcilie l’humanité en élevant les humbles, comme elle le chante dans son Magnificat.
Aussi, ce 15 août prochain, avec vous peut-être, nous fêterons l’Assomption d’une Marie humaine, plus humaine, pleinement humaine, à l’image et à la ressemblance du Dieu qu’elle a su accueillir.
Bonne fête à toutes et à tous !
Anne Soupa et Sylvaine Landrivon
Texte également diffusé dans le Forum de l’évêque d’Anne Soupa sur : https://www.annesoupa.fr/blog/15-aout-une-autre-assomption-de-marie/
« Assomption, vierge » des mots qui prêtent aujourd’hui à ce sourire souvent dû à une mauvaise « conception » sur une cause entendue par avance. En divers endroits, renaissent des histoires de « frous-frous » . Ils sont ce cancer d’abus de tous ordres ; il amène à se poser des questions sur toutes les manifestations du sacré. Depuis les siècles des Lumières aidés en cela par beaucoup de doctrinaires, la perversion conduit à un ricanement sur les postures de foi et de rationalité. Ainsi, chacun « y va de sa version », voit un amusement ou un scandale. Y-a-t-il un sens à vivre humainement, chrétiennement aujourd’hui ? Les métamorphoses imposées par la vie liquident une idée fascinante « vivre et assumer sa virginité». Être en accord avec soi et prendre l’advenir en compte ? Or, oui la réponse est dans le viser de façon essentielle, un cap ou un sens donné en recherchant sa « vocation » et son assomption. N’est-ce pas ce que faisait déjà David ? « Ils amenèrent l’arche de Dieu et l’installèrent au milieu de la tente »
Notre profonde et intime conviction ? que dire de ces deux termes : « vierge et assomption »?
1 – Vierge : Ce mot est à rapprocher de « vigor » ou vigueur. Elle est cette force morale vitale qui dit tout un éclat un courage pur, intact, allié à une jeunesse qui cherche à aller vers l’essentiel. Elle a besoin d’être éduquée pour ne pas tourner en rond comme dans les manèges ou entrer dans le jeu de la balourdise qui se rattache à une spécificité anatomique (l’hymen) . Or, l’expérience de la vie le prouve : cet état permet de choisir un avenir qui reste ouvert. Ne l’oublions pas la différence anatomique n’est pas liée à l’hymen mais bien au changement de statut. Des exemple concrets ? cette page en cours de lecture n’est pas automatiquement souillée sous prétexte de ne plus être vierge .Un autre emploi de « vierge » est repris dans d’autres expressions ou configurations : « une terre vierge » qui n’appartient à personne. Ppour un enfant, un artiste qui que ce soit, « le monde est toujours vierge, il recommence tout à partir des fondamentaux. »
2 – L’assomption est l’acte d’assumer, de prendre à son compte avec toutes les implications d’un risque. Il est vrai, ce risque surmonté, éliminé offre un accroissement de valeurs ajoutées en famille, en entreprise, en nation. Cet acte est donc une acceptation lucide, un acte de liberté qui assume la nécessité , une finitude dans le fait de concrétiser. Cette démarche ose une espérance, cet arrachement à soi refusé par soi-même !
Georges Bernanos dans une conférence en 1945 disait : On ne va jusqu’à l’espérance qu’à travers la vérité, au prix de grands efforts. Si l’homme ne pouvait se réaliser qu’en Dieu ? si l’opération délicate de l’amputer de sa part divine – ou du moins d’atrophier systématiquement cette part jusqu’à ce qu’elle tombe desséchée comme un organe où le sang ne circule plus – aboutissait à faire de lui un animal féroce ? ou pis peut-être, une bête à jamais domestiquée ? Il n’y a qu’un sûr moyen de connaître, c’est d’aimer. Le grand malheur de cette société moderne, sa malédiction, c’est qu’elle s’organise visiblement pour se passer d’espérance comme d’amour ; elle s’imagine y suppléer par la technique, elle attend que ses économistes et ses législateurs lui apportent la double formule d’une justice sans amour et d’une sécurité sans espérance. »
Les responsabilités de tout homme ou de toute femme de bonne volonté résident en un lien. Il est entre le sens donné à la « Virginité » et à l’Assomption. Les plus jeunes ont une propension : celle de raisonner de manière d’hypothèse amenant à des déductions sans relation avec la réalité. Or, les deux se rejoignent pour essayer de simbleauter qui chacun est en devenir « ici et maintenant » : bête ou ange ? La quête de vouloir être heureux en espérance consiste à assumer avec vigueur son présent.
En ce sens, Michelet écrit dans son Journal,1840, p. 345. « L’Assomption, si harmonieux, si bien fondu, si éclatant et pourtant si doux, d’une lumière attendrissante, suave et tendre à faire pleurer. » l’assomption est ainsi cette occasion de procéder à son point d’existence. Elle est une fête en plein été, au moment de la moisson avant le début de la récolte des fruits qui sont cet automne avant le repos de la terre. Âme et corps sont réunis en chacun et chantent une proposition fondamentale universelle : l’existence.
Merci pour ces développements sur les termes “vierge” et assomption”. Si vous lisez Marie telle que vous ne l’avez jamais vue, vous verrez que nous cheminons dans le même sens.
sylvaine
Merci de cette approche, de cette interprétation qui me libère un peu car Marie est femme, mère et pas désincarnée. Elle a eu la joie mais aussi la souffrance de porter son fils, Christ et Seigneur mais elle a été aussi du monde.je lirai votre ouvrage avec plaisir. Patricia
Ce n’est pas avec ce genre de discours que vous deviendrez archevêque de Lyon 😉
Je.ne suis pas convaincu que l’évangile recomposé à la sauce des fantasmes néo féministes et soixante-huitards ne doit très éclairé 🙂
Devenir archevêque n’est pas un but pour nous, si ce n’est pour corriger les déviances patriarcales qui trahissent le message du Christ. Car le Seigneur nous demande de devenir ses frères et sœurs, ce à quoi nous invite sa mère qu’Il confie au “bien aimé”. Le problème de certains catholiques c’est que, soumis à la “tradition” héritée du concile de Trente, ils oublient de lire l’Évangile. Or la tradition -B. Sesboüé l’a développé – le pape François le rappelle sans cesse – la tradition est VIVANTE. Comme l’est notre compréhension de la Parole. Il faut foi et audace… dirait Paul Beauchamp ! Courage à vous.