Sauf erreur de compréhension de l’information qui m’a été transmise, il semble que le directeur diocésain de l’Ardèche, en accord avec son évêque, s’apprête à demander aux laïcs en mission ecclésiale une profession de foi tout droit sortie d’Ad tuendam fidem.
Ce document Ad tuendam fidem est une lettre apostolique donnée sous la forme d’un motu proprio, le 18 mai 1998[1].
En effet, ces personnes sans formation spécifique à propos de ce texte, devront s’engager au-delà du Credo sur la formule conclusive de la Professio Fidei rédigée par la Congrégation pour la Doctrine de la Foi qui dit ceci :
« Je crois aussi à tout ce qui est contenu ou transmis dans la Parole de Dieu, et tout ce qui est proposé par l’Église pour être cru comme divinement révélé, que ce soit par un jugement solennel ou par un magistère ordinaire et universel.
J’embrasse aussi fermement et retiens pour vrai tout ce qui concerne la Doctrine de la Foi ou la morale, et est proposé par cette même doctrine de façon définitive. Tout particulièrement avec un respect religieux de la volonté et de l’intellect, j’adhère aux doctrines énoncées par le Pontife romain ou par le Collège des évêques lorsqu’ils exercent le magistère authentique, même s’ils n’entendent pas les proclamer par un acte définitif. »
Cette manière d’imposer un engagement sans véritable information sur celui-ci (qui peut réciter tout ce que contient « la Doctrine de la foi ou la morale » ?) et d’influer sur la sphère privée, sans aucune référence à la conscience de chacun.e, me semble outrepasser les règles d’un contrat de travail entre catholiques censés se respecter.
Or il est question ici du Code de Droit Canonique de 1983 en ses articles :
- Canon 750 §1 : « On doit croire de foi divine et catholique tout ce qui est contenu dans la Parole de Dieu écrite ou transmise par la tradition, c’est-à-dire dans l’unique dépôt de la foi confié à l’Église et qui est en même temps proposé comme divinement révélé par le Magistère solennel de l’Église ou par son Magistère ordinaire et universel, à savoir ce qui est manifesté par la commune adhésion des fidèles sous la conduite du Magistère sacré ; tous sont donc tenus d’éviter toute doctrine contraire ».
- Canon 750 §2 (ajouté avec le Motu proprio) : « On doit fermement accueillir et garder également toutes et chacune des choses qui sont proposées définitivement par le Magistère de l’Église quant à la foi et aux mœurs, c’est-à-dire ces choses qui sont requises pour garder saintement et exposer fidèlement ce même dépôt de la foi ; s’oppose donc à la doctrine de l’Église catholique celui qui refuse ces mêmes propositions que l’on doit garder définitivement ».
- Canon 752 : « Avec une soumission religieuse de la volonté et de l’intelligence, j’adhère aux doctrines qui sont énoncées soit par le Pontife romain soit par le Collège des évêques, lorsqu’ils exercent le magistère authentique même s’ils n’ont par l’intention de les proclamer par un acte définitif ».
Comment exiger une telle profession de foi par des personnes non forcément averties, et dont le libellé est largement débattu entre théologiens ?
Non seulement ce comportement vis-à-vis de futurs collaborateurs n’est pas conforme au respect des personnes auxquelles il est demandé de s’engager, mais, -ce qui est encore plus grave-, ce texte possède des connotations d’absence de confiance dans l’aptitude de ces laïcs à juger en conscience s’ils se sentent aptes à agir moralement.
Il serait au moins nécessaire de rappeler la référence ultime à la conscience évoquée dans la constitution de Vatican II Gaudium et spes au §16. Pour mémoire, les Pères conciliaires ont écrit ceci :
Au fond de sa conscience, l’homme découvre la présence d’une loi qu’il ne s’est pas donnée lui-même, mais à laquelle il est tenu d’obéir. Cette voix, qui ne cesse de le presser d’aimer et d’accomplir le bien et d’éviter le mal, au moment opportun résonne dans l’intimité de son cœur: “Fais ceci, évite cela”. Car c’est une loi inscrite par Dieu au cœur de l’homme; sa dignité est de lui obéir, et c’est elle qui le jugera (9). La conscience est le centre le plus secret de l’homme, le sanctuaire où il est seul avec Dieu et où sa voix se fait entendre(10).
Que viennent donc faire ces censeurs ? Auraient-ils oublié de relire Matthieu 23 ?
En voici les premiers versets :
« Alors Jésus s’adressa aux foules et à ses disciples en disant :
[2] “Sur la chaire de Moïse se sont assis les scribes et les Pharisiens :
[3] faites donc et observez tout ce qu’ils pourront vous dire, mais ne vous réglez pas sur leurs actes : car ils disent et ne font pas.
[4] Ils lient de pesants fardeaux et les imposent aux épaules des gens, mais eux-mêmes se refusent à les remuer du doigt.
[5] En tout ils agissent pour se faire remarquer des hommes. C’est ainsi qu’ils font bien larges leurs phylactères et bien longues leurs franges.
[6] Ils aiment à occuper le premier divan dans les festins et les premiers sièges dans les synagogues,
[7] à recevoir les salutations sur les places publiques et à s’entendre appeler Rabbi par les gens.
[8] “Pour vous, ne vous faites pas appeler Rabbi : car vous n’avez qu’un Maître, et tous vous êtes des frères.
[9] N’appelez personne votre Père sur la terre : car vous n’en avez qu’un, le Père céleste.
[10] Ne vous faites pas non plus appeler Directeurs : car vous n’avez qu’un Directeur, le Christ.
[11] Le plus grand parmi vous sera votre serviteur. »
Courage à toutes celles et ceux qui devront obéir à des engagements pharisiens. Leur signature en bas d’un tel texte n’engage personne, ni en droit français ni devant notre Seigneur Jésus Christ qui est Dieu d’Amour et de Confiance.
[1] Voir Congrégation pour la Doctrine de la Foi, Motu proprio Ad tuendam fidem, 18 mai 1998 et Note doctrinale illustrative. Ces deux textes sont parus dans La Documentation catholique, 2186 (19 juillet 1998), p. 651-653 et p. 653-657.
La tête n’en fait qu’à sa tête quand elle veut tout diriger et tout contrôler .
Les abus de pouvoir, d’autorité, spirituel et sexuel sont bien la preuve de leur peur d’être dévoiler de leur mauvaise foi et conscience.
Se croire supérieur et donneur de leçon est au antipode du : Bienheureux-se les pauvres en esprit car mon royaume leur appartient (Mat 5)
Heureusement que notre bien aimé Seigneur nous rappelle qu’il élève les humbles et rabaisse les orgueilleux.
Rétropédalage en Ardèche !
Un moment de répit a été accordé par l’évêque de Viviers. En effet, suite aux diverses réactions suscitées par le « serment de fidélité » – qui devait être signé par les nouveaux laïcs assumant une mission pastorale-, l’évêque a décidé de suspendre l’initiative momentanément.
Le Pasteur de Viviers est d’accord pour qu’un dialogue soit instauré. Peu sont nombreux, hélas, à comprendre que ces décisions tombées « du ciel » sans aucune explication et sans l’avis des personnes concernées, nuisent plus qu’elles n’aident à construire l’Église diocésaine.
Si cet épisode finit bien, il laisse dans nos cœurs une profonde tristesse : celle de constater, encore une fois, combien certains pasteurs sont éloignés des réalités du terrain et complètement déconnectés de la vie.
Un grand merci à celles et ceux qui ont été décontenancé-e-s et qui ont réagi rapidement pour stopper l’hémorragie.
Merci Clareo, pour cette mobilisation. Attention, c’est « provisoire ». Je me demande ce que peut vouloir dire un tel terme : serait-ce plus acceptable dans 2 ou 3 mois?
C’est inimaginable qu’on puisse seulement avoir l’idée de faire signer un tel papier. On a toujours encore la mentalité de Dominus Jesus. C’est à décourager les bonnes volontés qui voudraient se mettre au service de la pastorale mais sans se laisser embrigader. Quelle arrogance de s’imaginer que tout ce que dit l’Eglise est de révélation divine. Par exemple que c’est Dieu qui veut que la femme ne devienne pas prêtre, que c’est aller contre la volonté de Dieu que d’utiliser une méthode contraceptive. Faut-il en rire ou en pleurer?
Excellent article qui remet les choses à leur place, qui replace l’Evangile et la profession de foi au centre du sujet, (plutôt que ces pseudos engagements qui confèrent à mes yeux à de l’idolâtrie vis-à-vis de l’institution….)
Ou, pour reprendre une formule que j’affectionne, on “remet l’église au milieu du village!”
J’espère, comme Anne dans son commentaire, que ce rétropédalage annoncé n’est pas provisoire, temporaire, car le texte ne sera ni plus acceptable, ni plus accepté dans quelques mois !