Réhabiliter « la part des femmes » pour revivifier l’Église

Dans un essai vigoureux, la théologienne féministe repense l’Église de fond en comble à partir des Évangiles.

La Part des femmes, relire la Bible pour repenser l’Église de Sylvaine Landrivon L’Atelier, 224 p., 20 €

Inlassablement, Sylvaine Landrivon scrute la Bible pour restituer aux femmes « la part » qui leur revient et penser une « autre manière de faire Église ». « L’heure est donc venue, revendique-t-elle, d’accueillir les femmes à côté de leurs frères, comme elles l’ont été par Jésus sur les routes de Galilée. » Elle s’appuie sur la lignée des grandes figures féminines bibliques qui « sauvent le peuple » (Sarah, Myriam, Judith dans l’Ancien Testament), et qui, dans le Nouveau, agissent en qualité d’« apôtres » : « envoyé(e) » par Jésus pour « appliquer le message d’amour de l’Évangile ».

La théologienne rapproche Marie, la mère de Jésus, et Marie Madeleine, toutes deux des « messagères de l’incroyable » (la naissance miraculeuse et la résurrection de Jésus). Elle revisite la figure de Marthe (sœur de Marie de Béthanie et de Lazare), qui pose un acte de foi vis-à-vis de Jésus au moins aussi fort que celui de Pierre. Elle rend hommage aux femmes qui ont soutenu Paul et porté les communautés qu’il a fondées, et dont le rôle et le nom ont souvent été modifiés ou effacés…

Sylvaine Landrivon dénonce « le goût du pouvoir qui s’est infiltré dans les volontés de se mettre au service de la Parole », à la faveur de la « collusion » entre le patriarcat, le politique et le religieux. Un « pouvoir » que les hommes, notamment les clercs, ont toujours autant de mal à reconsidérer et à partager ; et qu’ils défendront en usant de divers procédés (« infantilisation », « marginalisation », « diabolisation »), et en trouvant des alliés chez celles et ceux qui exaltent la « sacralisation » de la « femme éternelle ».

Où se trouvent les ferments d’« innovation » ? Dans le baptême qui institue homme et femme – « à égalité » – « prêtre, prophète et roi » et leur donne donc la capacité de célébrer le culte, d’enseigner et d’interpréter la Parole, de gouverner la communauté. C’est à partir de cette matrice, défend la théologienne, que doit se réajuster le fonctionnement de l’Église. Dénonçant « une ecclésiologie en dérive », elle restitue à la Marie du Magnificat la dimension de « libération » des humiliés dont elle est porteuse, elle remet en cause les représentations « biaisées » du Christ pour contester l’imposition du modèle masculin du sacerdoce qui entretient un « entre-soi » délétère.

Elle conteste, comme contraire aux Évangiles, la « notion de sacré » – qui sépare –, de « hiérarchie » – qui instaure une caste cléricale aux pouvoirs indus – et tourne ses regards vers le modèle communautaire et égalitaire des « églises de maisonnée » du christianisme naissant.

Gilles Donada

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *