Chaque évêque est invité, lors de sa prise de fonction, à choisir une devise qui donnera l’orientation de sa mission.
Celle de ce site tombe sous le sens pour tout lecteur familier de l’évangile de Jean. Il s’agit d’un extrait de Jean 20,17-18 : « Jésus lui dit : “Ne me retiens pas, car je ne suis pas encore monté vers le Père. Mais va trouver mes frères et dis-leur : je monte vers mon Père et votre Père, vers mon Dieu et votre Dieu. Marie de Magdala vient annoncer aux disciples qu’elle a vu le Seigneur et qu’il lui a dit cela. »
Alain Marchadour, docteur en exégèse, repère que le narrateur a réservé à Marie de Magdala un traitement spécifique notamment par l’emplacement stratégique de ses interventions. Elles illustrent la gradation de son cheminement.
Ainsi, si nous suivons l’évolution de l’attitude de Marie de Magdala, nous sommes invités à progresser dans un parcours qui nous élève de notre condition humaine ordinaire, c’est-à-dire dans un brouillage de belles actions et de mauvaises pensées, vers une connaissance et un amour toujours plus grand pour Jésus, jusqu’à une authentique connaissance du Fils de Dieu. Et le modèle n’est pas mineur puisqu’évoquant cette femme exceptionnelle, Alain Marchadour souligne qu’elle « devient la première missionnaire[1] ».
C’est pourquoi l’injonction « Va trouver mes frères et dis-leur… » semble appropriée à la volonté de se situer dans les pas d’une femme qui se sait aimée du Christ au point d’aller sans frémir, annoncer la plus merveilleuse nouvelle à ses amis désespérés, qui n’osent pas la croire.
Cette mission confiée par Jésus ressuscité : « Va… et dis-leur », rompt avec toute la tradition de son époque dans laquelle un témoignage de femme n’est pas recevable. Elle s’inscrit a contrario des désirs de gloire auxquels prétendent les apôtres Jacques et Jean qui souhaitent une place privilégiée dans le Royaume (voir Mc 10,37). Cet envoi qui devrait la placer à la tête de la communauté n’est exposé dans sa puissance que dans L’Évangile selon Marie et pourrait signifier un pouvoir qu’elle n’a jamais revendiqué comme tel. D’ailleurs qui aujourd’hui connaît cet évangile gnostique ?…
Excursus : Quel est cet évangile ?
Nous savons que parmi plusieurs « évangiles » rédigés entre les années 70 et suivantes, quatre seulement ont été retenus pour entrer dans ce que l’on nomme le « canon » des Écritures bibliques. Ce sont ceux de Matthieu, Marc, Luc et Jean. Nous aurons l’occasion de revenir sur leur rédaction. Mais d’autres évangiles ont existé aussi, souvent passés sous silence au fil des siècles : L’évangile selon Thomas, selon Marie…
Ce dernier a été retrouvé dans divers lieux, selon des compositions différentes. Mais la découverte de ces documents permet d’affirmer l’authenticité de l’existence d’un Évangile de Marie et montre qu’il a subi plusieurs réécritures au cours de sa transmission. Il appartient à la catégorie des « écrits gnostiques ». Il constitue le premier des quatre textes du codex de Berlin (Codex Berolinensis Gnosticus 8502), qui est un papyrus du Vè siècle, acquis au Caire en 1896 et conservé à Berlin. Il contient des textes chrétiens apocryphes écrits en copte. Depuis cette découverte, plusieurs fragments écrits en grec ont été retrouvés et datent du IIIè, voire du IIè siècle (papyrus Rylands 463, papyrus d’Oxyrhynque 3225,…. Tout porte à penser que Romanos le Mélode disposait de ce document quand il a composé ses Hymnes sur la Résurrection, dans lesquelles il donne une place prépondérante à Marie de Magdala.
La place accordée à une femme dans une mission apostolique, son apparente incongruité dans une société qui rejetait la prise de parole féminine publique, et pourtant le caractère indubitable de ce choix fait par Jésus, selon ce que nous révèle saint Jean, rendent ce verset incontournable pour servir de devise à notre engagement.
[1] Alain Marchadour, Les personnages dans l’évangile de Jean. Miroir pour une christologie narrative, (Lire la Bible), Paris, Éditions du Cerf, 2004, Ed. 2011, p.116.
Super devise!