Sarah, la princesse de Dieu
Pourquoi parler de Sarah et pourquoi la mettre en lien avec Marie, la mère de Jésus ? Mieux observés, les modèles féminins de la Bible pourraient-ils nous donner des pistes au service d’une plus juste place des femmes dans l’Église ?
Revenant sur des siècles d’interdit, le Concile Vatican II par sa constitution Dei Verbum nous a invités à lire et relire la Bible. On découvre alors que l’Écriture ne manque pas de personnages féminins qui indiquent le chemin de la divinisation, et qui justifient la reconnaissance de toutes et tous au sein de l’assemblée ecclésiale.
Et comme ce même concile, par sa constitution Gaudium et spes, a dénoncé comme devant être dépassée et éliminée « toute forme de discrimination (…) qu’elle soit fondée sur le sexe, la race, la couleur de la peau, la condition sociale, [car] contraire au dessein de Dieu[1] », je propose d’aborder le sujet de la place des femmes par ce personnage assez mal connu et un peu complexe qu’est Sarah.
Sarah nous est décrite par les textes sacrés des trois religions monothéistes et c’est la première femme dont il est question, après Ève, dans la Bible. Nous allons observer d’abord la globalité de sa vie, puis nous approfondirons quelques aspects particuliers de sa personnalité et du statut qui lui a été octroyé, et enfin nous mettrons en évidence ce qui la rapproche de Marie.
Une vie pleine de rebondissements
Tout d’abord, gardons à l’esprit que rien ne permet de considérer l’aventure de Sarah comme historique. Comme pour tous les personnages du Premier Testament, le récit n’a pas vocation à refléter la réalité factuelle, mais ce qui doit être transmis à travers la narration. Sarah est donc avant tout ce que l’on appelle une « figure », c’est-à-dire une image qui va au-delà des limites décrites par le personnage. Mais pour nous dire quoi ? C’est ce que nous allons chercher à mettre en évidence.
Sarah apparaît dans le livre de la Genèse, en tant qu’épouse d’Abraham, et nous apprenons tout de suite, mais comme par inadvertance, qu’elle est, comme lui, la fille de Térah.
Dans un souci de simplification, nous les nommerons Abraham et Sarah. Cependant lorsqu’ils foulent le sol de ce qui deviendra « la terre promise », c’est d’Abram et de Saraï dont il est encore question. Nous verrons que la modification de leur nom n’est pas anodine ; au contraire, ce sera le signe d’un changement important dans leur être et dans leur destinée. C’est pourquoi, nous l’aborderons pour lui-même afin d’en mesurer la cause et les effets.
Ensemble, donc, Abraham et Sarah vont quitter la terre où ils sont nés, en emportant « tout l’avoir qu’ils avaient amassé et le personnel qu’ils avaient acquis à Harân » (Gn 12,5). Leur intention est de ne plus jamais revenir.
Les deux protagonistes quittent ainsi la cité d’Ur en Chaldée pour se rendre là où Dieu les guide : loin de chez eux, en Canaan.
Dans ce contexte, un élément qui pourrait sembler un détail ne doit pas passer inaperçu : dès que Sarah est mentionnée dans la longue description de la généalogie de son époux, et avant même qu’il soit question de voyage, -donc très tôt dans le récit-, le texte nous prévient : « Or Saraï était stérile » (Gn 11,30). Abraham le sait-il ? Rien ne le dit, mais le lecteur est prévenu et placé devant cette situation a priori paradoxale : Dieu va promettre à ce couple de devenir parents « d’une multitude » alors que l’impossibilité biologique qui affecte Sarah nous a été annoncée. Comme toujours avec le texte biblique, il s’agit, par ce stratagème littéraire, d’éveiller la vigilance de celui ou celle qui reçoit le récit. Cela signifie que nous serons invités à porter notre attention sur le sens de la parentalité, sa richesse, ses possibles dérives, et ses multiples facettes.
Dans ce contexte placé sous le signe du rejet de la facilité, Abraham et Sarah cheminent et, de campement en campement, ils se déplacent jusqu’au désert du Néguev. Très vite la famine qui rôde souvent dans ces contrées les atteint. La seule issue pour cette tribu se trouve en Égypte, si Pharaon veut bien leur accorder son assistance.
C’est alors qu’Abraham va entamer le premier véritable dialogue humain rapporté par la Bible. Je dis le « premier dialogue » car Abraham s’adresse véritablement à sa compagne, ce que n’ont pas fait Adam et Ève par exemple, qui prennent toujours un interlocuteur hors de leur couple. C’est d’ailleurs la preuve qu’ils n’ont pas compris le sens et l’importance de la relation qui est pourtant le cœur vibrant de toute la Bible.
Abraham, lui s’adresse personnellement à Sarah et c’est pour une incroyable requête. Il va prier son épouse de se faire passer pour sa sœur auprès de Pharaon. D’une certaine façon, ce n’est qu’un demi-mensonge, d’ailleurs ce subterfuge se reproduira devant le roi Abimélek et il se justifiera alors en disant : « Et puis, elle est vraiment ma sœur, la fille de mon père mais non la fille de ma mère, et elle est devenue ma femme ». (Gn 20.12).
Dans les deux occasions, Abraham se conduit en proxénète en envisageant, sans faiblir, le risque de prostituer son épouse afin qu’un adversaire puissant épargne sa propre vie. Certes l’idée a sans doute germé dans l’esprit d’Abraham parce que la beauté de Sarah allait attirer la convoitise du souverain, et qu’en la lui offrant, il pourrait en tirer profit. Mais comment cela pourrait-il minorer l’incroyable désir de dédouaner sa propre vie par la spoliation du corps de son épouse ?
A travers l’examen de cette transaction incongrue, le personnage de Sarah va révéler une femme admirable, puisqu’elle va accepter le rôle et nous surprendre de mille façons.
Quoi qu’il en soit de la morale, l’entreprise imaginée par Abraham réussit, et grâce à l’intervention divine in extremis, le couple peut repartir comblé de biens, mais toujours sans progéniture.
Or Abraham a reçu la bénédiction de Dieu lui promettant : « Je ferai de toi un grand peuple, (…) Par toi se béniront tous les clans de la terre. » (Gn 12,2-3). Et nous l’avons lu, Sarah est stérile. Abraham se préoccupe-t-il de ce qui ressemble à une impasse ? Aucun passage du récit ne montre qu’il s’en soucie.
Alors Sarah va prendre en charge la situation. C’est ainsi qu’un choix malencontreux oriente son impossible maternité vers sa servante : Agar. Sarah décide de devenir mère par femme interposée, et elle pousse Agar dans la couche d’Abraham. Il en naîtra un fils : Ismaël qui va attiser une telle jalousie chez Sarah, qu’elle va, à son tour, émettre une incroyable demande à son époux. Elle le prie de chasser Agar et l’enfant dans le désert, les condamnant à une mort certaine. Et de même que Sarah s’était faite complice de son mari devant Pharaon, de même Abraham cautionne la volonté de son épouse de renvoyer Agar. La question morale ne semble toujours pas impliquée à ce stade.
La promesse de paternité pour Abraham semble de plus en plus compromise. Faudrait-il douter de la parole divine ? De sa puissance ? Au contraire ; tout se construit pour nous inciter à comprendre que la foi montre sa solidité dans la persévérance confiante, et nous allons découvrir que rien n’est impossible au Dieu Unique puisqu’à près de 100 ans, Sarah va devenir mère.
Depuis la tente où elle prépare le repas à des visiteurs/messagers de Dieu venus les rencontrer, Sarah entend l’annonce de sa maternité prochaine, malgré sa vieillesse ; et elle en rit. De bonheur ? D’incrédulité ? De stupéfaction sans doute, devant cette confrontation à l’inouï de Dieu. Quelques mois plus tard, elle accouchera d’un fils qu’on nommera Isaac, ce qui signifie il rira en souvenir de sa réaction de surprise.
Mais la joie de collaborer à la réalisation de la promesse va subir une ultime épreuve à laquelle Sarah ne survivra pas : Abraham, voulant obéir à ce qu’il croit comprendre de l’ordre divin, emmène un jour leur fils sur le mont Moriah, pour l’offrir à Dieu en holocauste. Or le Dieu d’amour ne veut pas de sacrifices humains. Dieu n’en acceptera qu’un seul, de longs siècles plus tard, en la personne de son propre Fils. Mais ici l’intention divine n’est pas de faire périr Isaac. Il s’agit au contraire de donner un fort enseignement au premier des Patriarches en se démarquant des faux dieux alentour ; et l’enfant sera sauvé.
Qu’a pensé la courageuse Sarah en voyant son mari prêt à sacrifier leur unique enfant ? Elle qui s’est montrée si solide et autoritaire auparavant semble n’avoir rien fait pour dissuader Abraham. Sa foi a été sans doute la plus forte, mais mettre sa confiance en Dieu ne réduit pas la souffrance d’une mère qui voit partir son enfant.
Et le premier verset du chapitre qui suit ce récit nous montre ce qu’il en coûte à Sarah. Il commence par ces mots : « La durée de la vie de Sarah fut de 127 ans. Sarah mourut dans le pays de Canaan, à Qiryath-Arba, c’est-à-dire Hébron. » (Gn 23.1-2). Ainsi, c’est sur ce lourd départ de son fils vers le mont Moriah, que s’achève la vie de Sarah : « Après quoi, Abraham ensevelit sa femme Sarah dans la caverne du champ de Makpéla » (Gn 23,19).
L’union de Sarah et Abraham va fonder l’aventure du peuple juif et lui donner à la fois sens et direction. D’ailleurs, le prophète Isaïe ne rappelle-t-il pas ces racines, des siècles plus tard quand il écrit : « Ecoutez-moi, vous qui êtes en quête de justice, vous qui cherchez YHWH. Regardez (…) Abraham votre père et Sarah qui vous a enfantés. » (Is 51,1-2).
Dans cette brève narration d’un amour de couple, puis de celui d’une mère pour son enfant, jusqu’à la façon d’accompagner ceux que l’on aime dans une marche qui nous dépasse, Sarah offre le modèle de la solidité, de la constance et de la fidélité absolues. Elle nous dévoile sa détermination à intervenir dans le destin qui se joue à travers elle, mais également sa relation particulière à la volonté de Dieu, faite de confiance et de liberté. Et nous voyons déjà poindre l’histoire d’une autre femme : celle de la mère de Jésus, à laquelle il sera intéressant de la comparer au bout de ce parcours.
Mais au préalable, la vie de Sarah nous interpelle sur d’autres plans, plus directement éthiques que spirituels, car son attitude et ses relations avec Abraham viennent questionner la complicité complexe de leur couple, et les options que leurs décisions induisent.
Repérons qu’aucune des matriarches bibliques, que ce soit Sarah, Rebecca, Léa ou Rachel, ne seront seulement des « aides » au sens de simples assistantes aux côtés de leur époux. Elles respectent en cela l’étymologie du mot ‘ezer employé dès le deuxième chapitre de la Genèse pour qualifier la relation des deux êtres créés à partir du premier humain (ha adam : le glébeux, le terreux, qui n’est pas nommé).
À partir de ce « prototype » non encore genré, apparaîtront en vis-à-vis, un homme et une femme qui deviendront un « secours »[2], l’un pour l’autre. Notons bien que l’interprétation de ce verset qui, depuis des siècles, attribue à la femme le rôle « d’aide » ne respecte pas le texte hébreu. S’il fallait affecter le mot ‘ezer à la femme uniquement, alors ce serait elle qui serait le secours de l’humanité puisque ce terme, dans tout le reste de la Bible désigne le fait que Dieu vient au secours de son peuple. Or c’est bien la relation dans l’acceptation de leur différence qui va exprimer la façon dont Dieu nous veut à son image.
Dans cette perspective qui est celle des tout premiers récits, Sarah et ses compagnes ne sont donc pas présentées comme des êtres subalternes ; au contraire, comme l’écrit David Banon, ce sont des « figures dominantes dans l’histoire et, le plus souvent, ce sont elles qui ont sauvegardé l’idée monothéiste[3] ». Bien d’autres femmes jalonneront la Bible de leurs interventions au service de Dieu, mais la transmission cléricale s’est évertuée à masquer ou à détourner le rôle que leur affecte l’Ecriture. L’image de Sarah a cependant toujours été épargnée, peut-être parce que sa personnalité est déroutante et compliquée à décrire.
Nous avons brièvement évoqué la transformation du nom des personnages durant leur chemin vers la maturité. Ce changement d’appellation traduit ce qui se produit.
Parmi d’autres, Elian Cuvillier analyse la genèse de l’évolution du couple, à travers celle de leurs noms. L’un et l’autre ont été nommés par leur père commun Térah, qui voulait maintenir son pouvoir sur eux jusque dans leur identité : « Abram, littéralement “le père est grandˮ, porte dans son nom le destin de ne vivre que dans la célébration de son géniteur. Saraï, littéralement “ma princesseˮ, n’est pas mieux lotie : absorbée par la demande paternelle [son père lui dit en quelque sorte : “tu restes ma princesseˮ], il n’y a aucune place en elle pour un autre homme et a fortiori pour un autre enfant[4]. »
Il faut donc que ces deux individus se libèrent du sceau paternel, qu’ils se reconnaissent dans le face à face de leur amour, et alors seulement ils posséderont leur pleine identité et seront capables de porter le poids de la promesse. C’est à ce moment qu’une autre parole de père, celle de Dieu, leur donnera leur nom véritable. Abram devient Abraham, c’est-à-dire « père d’une multitude » (Gn 17,5) par l’adjonction de la syllabe « ha » qui incorpore le nom divin à sa propre identité. Saraï devient Sarah (Gn 17,15). La suppression du possessif final, -« ma princesse », devenant « princesse »-, la confirme dans son état de personne autonome, souveraine et indépendante, comme si elle cessait, au fil du récit, d’être tributaire de toute sujétion masculine, d’abord de celle de son père, puis de son époux. Ainsi, le texte indique que l’un et l’autre sont libérés par l’ajout ou l’omission d’une lettre, comme si la volonté de Dieu sur chaque être pouvait presque passer inaperçue au regard d’autrui. Pourtant, dans le fil du récit, ce changement de nom et de statut vient valider l’horizontalité de leur relation. Il faut mesurer l’importance majeure de cette transformation. En quittant le possessif qui l’enfermait, Sarah atteste de la possibilité de rompre avec l’impératif qui cloitre le féminin : celui de n’exister toujours que relativement à un référent masculin. D’abord fille sous la domination d’un père, puis épouse soumise à un époux, et mère chargée d’éduquer des fils… Dieu libère Sarah de cette subordination en lui accordant un destin personnel. A partir de cette nouvelle dénomination, les époux sont placés sur un même pied d’égalité, « une égalité sociale mais surtout métaphysique. Une égalité qui s’exprime par le vocable de “sœur”, c’est à-dire d’un lien qu’on ne saurait dénouer, délier, alors que le lien époux-épouse est révocable[5]. »
En effet, dans les liens de fraternité/sororité, se tisse une proximité sans caractère de subordination. C’est celle que choisira le Christ quand il invitera l’humanité à devenir avec Lui, frères et sœurs du même Père, selon ce qu’il dit à la Magdaléenne en Jean 20,17 : « va trouver mes frères et dis-leur : je monte vers mon Père et votre Père, vers mon Dieu et votre Dieu. »
Mais s’il faut conserver en mémoire une illustration de la force et de la liberté accordées à Sarah, elle s’exprime quand, dans l’adversité où s’est placé Abraham, ce dernier implore son épouse : « Dis, je te prie, que tu es ma sœur … ».
Si Sarah accepte d’assumer les fonctions de sœur en dissimulant provisoirement celui d’épouse, c’est qu’elle sait, dès la prière de son époux, qu’il lui faudra alternativement endosser les deux responsabilités pour mener à bien le projet qui, en Genèse 17, sera leur aventure commune, celle de porter avec Abraham la bénédiction dans une solidarité que seule la notion de fraternité/sororité peut illustrer, et la promesse d’être parents d’une famille aux dimensions de l’univers. Nous échappons au contexte de la biologie pure.
Elle se sait totalement impliquée dans cet avenir, parce que, comme plus tard Marie, elle a perçu que le sort de tout son peuple passe d’abord par son consentement à une demande invraisemblable, avant de se concrétiser dans son corps. C’est pour cela qu’elle accepte de mettre en danger son intégrité physique et morale, son bonheur même. Elle a compris qu’elle et Abraham œuvrent ensemble pour la réalisation d’un même but, celui d’insérer dans le cœur et l’esprit d’un peuple infini, la foi au Dieu Unique.
C’est sans doute ce qui la fait acquiescer à l’étrange, voire inadmissible, requête de son époux. Dès lors, elle répond à et elle répond de son conjoint dans la détresse. Et dans un consentement muet mais déterminé, elle entre dans le rôle que lui attribue Abraham et se laisse offrir à Pharaon.
Un tel renoncement à soi pour le bien d’autrui s’inscrit dans une relation qui fonde le cœur du projet monothéiste. Seule la puissance de Dieu mettra fin au mensonge et à ses conséquences funestes, en informant l’Égyptien de la supercherie.
Mais dans cette histoire, il nous faut noter le silence éloquent du livre de la Genèse quant au risque de soumettre sa propre épouse à un viol, comme si -même pour des rédacteurs inspirés- une certaine conception de la « raison d’état » modifiait les règles. Or le viol était ce qui pouvait arriver de pire à une femme, bien plus que la mort.
S’il faut attendre la reconnaissance d’un réel danger pour que le dialogue s’instaure, force est de constater qu’avec Abraham et Sarah, cette objectivation se produit chaque fois sur un drôle de registre. Abraham prie son épouse de se faire passer pour sa sœur, la suppliant en quelque sorte de se dévouer à lui, et quelques épisodes plus tard, c’est Sarah qui reprend le dialogue, sollicitant Abraham de lui faire un enfant par l’entremise d’Agar, et ensuite de le convaincre de les abandonner.
Par conséquent, dans toute son ambivalence, ce récit met en évidence la solidité de ce que crée l’alliance quand elle s’ancre dans l’amour. Sarah aime Abraham, et cet amour fait émerger la présence de Dieu qui intervient à leur profit, en détournant Pharaon de son dessein vis-à-vis de Sarah et en assistant tout de même le couple.
Toutefois si le regard patriarcal est parvenu à lire dans l’abnégation de Sarah un geste d’amour absolu pour son mari, il n’a jamais souligné dans ce rapport, un acte de complicité hautement politique. Or grâce à ce stratagème, la famine est vaincue et la vie peut prendre racine.
Ainsi, à travers ce couple, c’est l’alliance de Dieu avec tout son peuple qui s’illustre. Mais l’aventure ne fait que commencer car cette vie qui s’ancre dans une terre, n’a pas encore de fruits. Pour Sarah, les joies de l’enfantement ne viendront qu’ensuite ; bien plus tard[6].
En fait, la confrontation entre deux humains qui s’aiment ne fait pas abstraction des conflits que le face à face génère.
Croire que la relation d’alliance se construit dans l’amour béat, sans épreuves et sans débordements, parfois même jusqu’aux confins du mal, serait rejeter la part de liberté qui se trouve au cœur de cette alliance. Sur le plan métaphorique, les premiers récits de création nous ont déjà signifié l’importance de se confronter aux écueils que rencontre notre libre arbitre, aussi bien à travers l’interprétation de la parole du serpent, que dans le choix de transgresser l’injonction concernant l’arbre de vie. Si les premiers humains sont soumis au problème du choix, c’est que l’amour de Dieu ouvre à ses créatures la possibilité de se tromper, donc d’être libres, y compris de Le rejeter. Dieu se donne le premier en créant l’humain à son image et en vue de sa ressemblance. Il crée un lien indélébile. Cet enseignement originel est double : il n’y a pas d’amour authentique sans respect de la liberté de l’autre ; et il n’y a pas non plus d’amour vrai sans reconnaissance de l’autre jusqu’au don de soi.
Dans ce récit, c’est au tour de l’amour humain d’expérimenter les limites de la vie et la valeur du don.
Par conséquent, ne soyons pas des juges plus sévères que Dieu, qui chaque fois les sauve. Leurs élans ambivalents valident notre propre humanité, et nous invitent à remarquer que si étranges que soient ces rapports, ils manifestent, par leur adhésion à la demande de l’autre, la puissance de leur amour mutuel et, au terme, la force d’une foi confiante.
Comme illustration de cet amour et de cette foi, le féminin a choisi de se dire dans un premier temps, par la voie Sarah qui s’est montrée prête à aller jusqu’au sacrifice de son honneur, de son amour, de sa vie. Mais comme le souligne la personnalité de la première des Matriarches, le souci de l’autre n’empêche pas une démarche de nature politique ; il la complète. Il faudra toutefois dépasser un combat où le champ de la morale aura à son tour déserté le camp féminin. Sarah nous fera traverser les conséquences de la souffrance et de la jalousie alors qu’elle sera confrontée à l’insupportable présence de la fécondité de sa servante Agar. Pourtant, une fois les épreuves franchies ensemble, une base solide soude ce premier couple qui a vocation à nous servir de socle fondateur. L’adversité et l’altérité ayant éprouvé en profondeur leur relation d’amour et de complémentarité, la promesse pourra venir s’implanter ; et c’est alors, après de longues années, et au-delà de tout espoir raisonnable que la maternité sera donnée à Sarah et qu’Abraham deviendra le père annoncé.
Placée sous le signe premier de la stérilité, cette victoire pointe un thème suffisamment récurrent dans l’ensemble de la Bible pour que nous soyons alertés par ce qu’il veut nous dire.
L’épreuve de la stérilité/maternité versus une maternité particulière
Dès le début de l’histoire biblique, le rapport des femmes à la maternité a toujours possédé un caractère ambigu, et on sent les héroïnes à la fois attirées par cet état jugé nécessaire à leur statut, mais dans le même temps, nous explorons tous les égarements auxquels cette aspiration les soumet.
Ève se trompe de géniteur ou l’occulte, en feignant d’avoir conçu un fils directement avec le Seigneur et non avec Adam, selon le chapitre 4 de la Genèse. Et Sarah n’est pas seulement la partenaire exceptionnelle de Genèse 12 qui vient au secours de son époux ; nous avons vu qu’elle est aussi le personnage de Genèse 16 avec toute son ambivalence qui illustre la manière dont le désir de maternité peut créer des désordres. C’est pourquoi un juste portrait de Sarah ne saurait ignorer cette scène. Malgré la puissance des liens qui se sont forgés au fil des pérégrinations du couple, Sarah, stérile, ne peut pas honorer la promesse de descendance qu’a reçue son époux. Pourquoi prend-elle en charge la résolution du problème qui les atteint ? L’histoire ne dit pas pourquoi Abraham ne cherche pas de solution. C’est Sarah qui met en place une opération de secours et dit à Abraham : « “Va donc vers ma servante. Peut-être obtiendrai-je par elle des enfants.” Et Abram écouta la voix de Saraï. » (Gn 16,2). Abraham, si prompt à prendre le commandement des opérations quand il s’agit de s’adresser à Pharaon, demeure muet et passif dans une décision qui concerne l’avenir de son peuple et sa propre foi en son Dieu.
L’anthropologie reprend ses droits dans le récit et, bien entendu, dès qu’Agar devient mère, celle-ci capte l’intérêt d’Abraham au point qu’au bout d’un certain temps, un conflit s’instaure, et Sarah révoltée fait chasser Agar et son fils Ismaël.
Peut-être faut-il constater que cette histoire, plus qu’un signe de l’autonomie de Sarah par rapport à son mari, montre la dérive qu’induit la perte de confiance ; car cette situation révèle que ni Sarah ni Abraham ne croient plus en la promesse, puisque l’une propose une solution alternative, et que l’autre l’accepte. Chacun s’est focalisé sur son propre intérêt : Sarah use de sa liberté et de son autorité pour donner à tout prix un descendant à son mari ; Agar la servante, veut tirer partie de sa fécondité qui la rapproche du maître, et Abraham laisse les femmes gérer les histoires de procréation, sans se préoccuper du fait qu’elles sont au cœur de sa relation à Dieu.
A ce moment là, dans la tension des événements, tous oublient ou interprètent mal les paroles du Seigneur adressées à Abraham (Gn 15,4). L’aveuglement à obéir à un message, interprété comme une loi dans sa littéralité, les conduit à renoncer.
Observons au passage que le choix d’une « mère porteuse » est si mauvais pour les deux femmes, qu’il n’est plus de nature à être résolu par l’un ou l’autre des protagonistes. Seul Dieu pourra dénouer l’imbroglio dans lequel tous se sont fourvoyés.
Mais peut-être pouvons-nous interpréter différemment ce qui se joue. Peut-être la passivité d’Abraham face à un projet aussi important souligne-t-elle en creux une certaine confiance. En qui, alors ? En Dieu qui pourvoira d’une manière ou d’une autre à la réalisation de sa promesse, ou en Sarah qui sera sa complice jusqu’au bout, dans les mauvais choix comme dans les bons ? La suite montrera que Dieu n’abandonne jamais les siens, mais quelle leçon pour l’humanité à venir !
Au bout du compte, cette erreur un peu dérangeante de Sarah ne saurait masquer qu’elle demeure l’image de la femme libre telle qu’elle est décrite par Paul dans sa Lettre aux Galates. Cette référence si rare mérite d’être analysée. L’Apôtre fait un parallèle qui semble osé -sur lequel nous reviendrons-, car il commence sa lettre en évoquant la naissance de Jésus : « Dieu envoya son Fils, né d’une femme, né sujet de la loi, afin de racheter les sujets de la loi, afin de nous conférer l’adoption filiale » (Ga 4,4-5). Ce Christ qui nous rend fils du Père nous donne la liberté, que Paul oppose à la vie de soumission : « Tu n’es donc plus esclave mais fils ; et comme fils, tu es aussi héritier : c’est l’œuvre de Dieu ». (Ga 4,7).
Comment l’illustre-t-il ? Il enracine cette révélation dans le fait que Sarah symbolise la Jérusalem d’en haut, c’est-à-dire l’image de la justification par la foi abolissant la loi, l’image de la libre Jérusalem. Et il l’oppose à celle d’ici bas, qui est esclave des contraintes et des pulsions liées à la biologie. Il nous confirme que, bien que de manière ambigüe, Sarah voit mieux et plus loin que les autres personnages, notamment Agar qui reste dans la dépendance de relations humaines primaires, en ne cherchant à tirer avantage que de sa capacité à enfanter des êtres de chair. La vraie postérité d’Abraham et de Sarah sera celle d’une promesse qui va au-delà d’une expression restreinte de la filiation[7] (Ga 4,23).
Par cette référence à Sarah, Paul met en place une théologie destinée aux Galates et, bien sûr, à nous après eux. Il assimile les « judaïsants », un groupe auquel il oppose dans sa prédication la Jérusalem actuelle, celle d’en bas, celle de l’esclavage à celle du Royaume. Ses adversaires ne sont pas dans la ligne de la promesse. Les vrais chrétiens sont ceux qui suivent Paul et adhèrent à son enseignement ; eux, représentent la Jérusalem nouvelle, libre. Il argumente en se fondant sur Isaïe qui enracine son peuple dans l’histoire des commencements. Le prophète commence son chapitre 54 par cette allusion : « Crie de joie, stérile, toi qui n’as pas enfanté ; pousse des cris de joie, des clameurs, toi qui n’as pas mis au monde, car plus nombreux sont les fils de la délaissée que les fils de l’épouse ». Cela peut surprendre puisque l’articulation de la démonstration s’établit sur la stérilité évoquée dans les deux références. De même que la stérile décrite par Isaïe, bien que délaissée et en difficulté, sera à l’origine de tout un peuple, de même, les fils de la promesse naitront d’une femme libre apparemment stérile. Il s’agit de la part de Paul, d’une mise en garde et d’un conseil. Puisque les Galates ont été libérés de leur paganisme par le Christ, il est impensable qu’ils retournent à l’esclavage. Il faut donc tenir bon face aux mauvaises promesses, et croire le seul message de l’Evangile du Christ. La Première épître de Pierre insiste également sur ce rôle de Sarah : « C’est d’elle que vous êtes devenus les enfants » (1P 3.6) écrit-il à la fin de son code de devoirs féminins. Parce que Sarah la stérile est devenue féconde, ses enfants seront toutes celles et tous ceux qui auront la force de placer leur foi dans YHWH, le Dieu d’Amour.
Et dans ce cheminement, nous découvrirons en observant Marie, la mère de Jésus, sous un nouvel angle, que celle-ci est peut-être moins une « nouvelle Ève », qu’une « nouvelle Sarah ». De nombreux points communs nous permettent de les relier l’une à l’autre.
Observons la situation de Sarah et de Marie dans l’environnement qui va se constituer autour d’elles. La comparaison ne s’établit pas entre elles sur le plan de la conjugalité, mais sur leur manière d’exprimer leur féminité dans une atmosphère patriarcale qui les met très vite en difficulté.
Si au début du Premier Testament, Sarah consent à la demande d’Abraham de passer pour sa sœur, et s’expose au viol de Pharaon, un autre risque guette Marie dès les premiers versets du Nouveau Testament. Selon Matthieu et Luc : elle encourt la lapidation quand elle acquiesce à l’étrange invitation de l’ange de devenir mère du fils de Dieu sans avoir de mari. Dans les deux cas, ces deux femmes se mettent en danger, et elles le font sciemment.
Que suggère alors, dans ce contexte, un rapprochement entre Sarah et la mère de Jésus ?
Nous l’avons vu, la position de Sarah auprès d’Abraham, n’est pas d’emblée assurée et valorisée. Elle est contrainte de tricher sur son statut social pour sauver la vie de son époux.
Ensuite, nous savons qu’elle vit une maternité compliquée, affrontant l’épreuve de sa stérilité, de sa pseudo-maternité par servante interposée, jusqu’à la décision d’Abraham de partir sacrifier leur fils Isaac. Et cependant, après avoir traversé le doute et la déraison, Sarah redevient ferme dans sa foi, comme elle le demeure dans son accompagnement d’un mari qui n’opte pas toujours pour les solutions les plus claires ou les plus faciles.
Ainsi l’infertilité de Sarah, puis sa fécondité à un âge qui défie la biologie, la situent vis-à-vis de la maternité dans la même instabilité que la grossesse et l’accouchement de Marie.
La situation sociale de Marie, en tant que jeune femme enceinte sans époux, ne doit son maintien dans son environnement et même dans l’existence, qu’à l’acceptation de Joseph. C’est-à-dire à une étroite complicité entretenue entre eux par Dieu qui envoie un message en songe à ce fiancé pour le conforter dans son rôle.
Cependant, malgré la valorisation extrême de l’Annonciation dans deux des quatre évangiles canoniques, la maternité de Marie se déroule dans une mise en retrait dont seul l’évangile de Jean, la sort. Les synoptiques ne lui accordent aucune place, sauf une brève apparition à la Croix ; et Paul ne la nomme même pas. Et pourtant tous les évangélistes, à leur manière, nous montrent que Marie comme Sarah est transgressive. L’une et l’autre attestent que rien ne se peut sans la main de Dieu dont elles sont le vecteur. Etre enceinte à près de 100 ans, ou l’être sans mari, revient au même. Elles sont l’une et l’autre bénéficiaires d’une élection divine ; l’une et l’autre porteuses de l’Alliance.
Quant au quatrième évangile, s’il n’évoque pas d’Annonciation ni de maternité surnaturelle, il nous peint Marie sous des traits qui ne sont pas sans ressemblance avec ceux que le Premier Testament accorde à Sarah.
Lors des noces de Cana, Marie fait preuve de la même détermination que celle qu’a montrée Sarah quand il s’est agi de répudier Agar et son fils. Elle convoque son fils pour une révélation plus précoce semble-t-il que Jésus ne le souhaitait[8] mais qui occasionne le premier signe de sa divinité ; et la décision ferme de Sarah aura pour conséquence de faire valoir les droits d’Isaac et avec lui, ceux du « peuple élu ». Comme Sarah, Marie dévoile son statut de vraie mère juive, qui porte les valeurs du peuple d’Israël et veut en garantir la grandeur pour tous les temps.
Si nous accueillons cette parenté, nous parvenons à un portrait qui met ces deux femmes dans une claire continuité.
Ni Sarah ni Marie ne sont des femmes obéissantes ou soumises, et certainement pas à l’ordre établi. L’une et l’autre savent faire preuve d’autonomie et de clairvoyance : Sarah devant Pharaon, Marie par son acceptation durant sa rencontre avec l’ange et par l’impulsion qu’elle donne à son fils dans le moment de sa révélation à Cana.
C’est par la maternité de Sarah, qui adhère au projet d’Abraham et le fait sien, que s’instaure l’alliance éternelle entre Dieu et son peuple. De même, Marie prononce sans hésiter ce « oui » qui va nous sauver tous, et renouveler l’Alliance en accueillant dans ses « entrailles », le Verbe de Dieu, comme Sarah a reçu dans son sein le fruit de la Promesse.
L’une et l’autre comme l’a repéré saint Paul à propos de Sarah, font preuve d’une absolue liberté. Rien ne les encombre lorsqu’il est question de servir leur Dieu.
L’Écriture nous révèle aussi qu’elles ne manquent ni l’une ni l’autre d’autorité et sont capables d’en faire preuve dans des situations dangereuses.
Enfin, elles ont en commun la force et le courage d’affirmer un langage fort, l’une dans le Premier Testament, l’autre dans le Nouveau.
Sarah est la première femme dont une parole nous soit rapportée en lien avec celle de son époux. Quant à Marie, on oublie trop souvent que dans l’évangile de Luc c’est une déclaration majeure qui est mise dans sa bouche dès le premier chapitre du texte, par la proclamation du Magnificat.
Or le Magnificat qu’entonne Marie est un chant rempli de références bibliques, pour célébrer le Dieu de l’alliance « en faveur d’Abraham et de sa descendance à jamais ». Marie est, sans hésitation pour Luc, une fille d’Abraham, une fille de Sarah, ancrée dans la foi de son peuple.
Ce rapprochement de la première des Matriarches avec la mère de Jésus, n’est guère exploré. Peut-être parce qu’il met en lumière des caractères qui ne sont pas du tout ceux que les ecclésiastiques veulent valoriser dans leurs portraits féminins. Sarah fait preuve de clairvoyance, de complicité vis-à-vis de son époux, et ne se place jamais en situation de subordination. Au contraire, tout dans leurs rapports manifeste leur amour, leur égalité et leur solidarité dans le but de faire advenir le plan que Dieu a choisi pour eux et leur peuple.
Marie possède la même détermination, la même liberté vis-à-vis des règles établies et ne recule devant rien pour faire advenir la nouvelle Alliance.
Enfin, l’une et l’autre laissent Dieu guider le devenir de leur fils, quelque souffrance qu’il leur en coûte. Sarah ne reverra jamais Isaac après sa montée au mont Moriah, mais elle sait que par lui se réalisera la promesse de vie pour tout le peuple de Dieu. Marie ne reverra pas Jésus vivant après sa montée au Golgotha, mais elle sait que par sa mort et sa résurrection, la Nouvelle Alliance offre le salut au monde.
Enfin, au-delà de l’image de mère à laquelle on les associe, c’est aussi celle de la sororité qui se dessine de l’une à l’autre pour nous indiquer la marche à suivre.
Et cette sororité doit résonner en nous de manière toute particulière dans une époque où il n’est plus acceptable de laisser les femmes en situation de subordination dans toutes les charges nécessaires à la transmission et au partage de l’Evangile.
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[1] Constitution Gaudium et spes § 29.
[2] Voir Sylvaine Landrivon, La femme remodelée, Paris, Ed. du Cerf, réédition 2016.
[3] David Banon, « Dis, je te prie, que tu es ma sœur … », in La sœur-épouse (Genèse 12,10-20), Etudes d’histoire de l’exégèse 1, (Lectio Divina N° 237), Paris, Ed. du Cerf, 2010, p. 75.Voir aussi l’épisode du Veau d’or, où les femmes ont refusé de se départir de leurs bijoux jusqu’à ce qu’on les leur arrache, par la force, ou leur rôle dans la Sortie d’Egypte et d’autres épisodes encore du récit biblique.
[4] Elian Cuvillier, « Abram et Saraï, le long chemin de l’altérité », in Réforme N° 3189 (07 09 2006), http://www.reforme.net/archive2/article.php?num=3189&ref=1715.
[5] David Banon, « Dis, je te prie, que tu es ma sœur … », in La sœur-épouse (Genèse 12,10-20), op. cit., p. 75.
[6] Voir Gn 21,1-2.
[7] Ga 4,22-28 : « Il est écrit en effet qu’Abraham eut deux fils, l’un de la servante, l’autre de la femme libre ; mais celui de la servante est né selon la chair, celui de la femme libre en vertu de la promesse. Il y a là une allégorie : ces femmes représentent deux alliances ; la première se rattache au Sinaï et enfante pour la servitude : c’est Agar (car le Sinaï est en Arabie) et elle correspond à la Jérusalem actuelle, qui de fait est esclave avec ses enfants. Mais la Jérusalem d’en haut est libre, et elle est notre mère ; car il est écrit : Réjouis-toi, stérile qui n’enfantais pas, éclate en cris de joie, toi qui n’as pas connu les douleurs ; car nombreux sont les enfants de l’abandonnée, plus que les fils de l’épouse. Or vous, mes frères, à la manière d’Isaac, vous êtes enfants de la promesse. »
[8] « mon heure n’est pas encore venue » (Jn 2,4)