Un appel à la « démission collective des évêques » catholiques après le rapport Sauvé
Trois personnalités, dont la directrice de la rédaction de « Témoignage chrétien » Christine Pedotti, appellent à un « renouveau », six jours après la publication des travaux de la commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Eglise.
Le Monde avec AFP Publié le 11/10/2021 à 06h35
Trois personnalités, dont le cofondateur de l’association de victimes La Parole libérée, François Devaux, lancent un appel lundi 11 octobre à la « démission collective » des évêques, après les conclusions de la commission Sauvé sur la pédocriminalité dans l’Eglise catholique.
Cet appel intitulé « Face à la faillite, la démission des évêques est la seule issue honorable » est également lancé par la théologienne Anne Soupa et la directrice de la rédaction de Témoignage chrétien Christine Pedotti.
Il survient six jours après la publication des travaux de la commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Eglise (Ciase), qui a estimé à 216 000 le nombre de personnes victimes d’un prêtre ou d’un religieux en France depuis les années 1950. Le nombre de victimes est estimé à 330 000 si l’on ajoute les agresseurs laïcs en lien avec les institutions de l’Eglise.
« Véritable faillite »
« Bien plus que des défaillances, le rapport de la Ciase met en lumière une véritable faillite », estiment Christine Pedotti, Anne Soupa et François Devaux. Selon eux, « n’importe quelle organisation, association, entreprise en tirerait les conséquences qui s’imposent : se défaire de ses dirigeants ».
« Nous demandons, comme un signe d’espoir et de renouveau, la démission collective de l’ensemble des évêques en exercice », lancent-ils. La France compte un peu moins de 120 évêques.
Selon eux, la démission « est le seul geste à la mesure de la catastrophe et de la perte de confiance dans laquelle nous sommes. C’est un premier acte de repentir concret, coûteux, à l’égard des victimes. C’est la seule attitude qui peut permettre de restaurer la maison Eglise ».
« De plus, c’est la seule façon de rendre possible l’indemnisation des victimes car la faillite de l’institution est aussi matérielle. Les fidèles ne veulent pas contribuer pour des fautes qu’ils n’ont pas commises. Mais dans une Eglise restaurée dans laquelle tous et toutes seront représentés, cette solidarité et cette fraternité nouvelles permettront de trouver les ressources financières nécessaires », détaillent-ils.
Des précédents
Tous trois font valoir que la démission d’évêques est déjà survenue après des faits similaires :
« Dans l’Église catholique, des précédents existent : les évêques du Chili ont remis leur démission collective au pape François après qu’une gigantesque affaire de pédocriminalité a été dévoilée. En Allemagne, le cardinal Marx, archevêque de Munich, a lui aussi présenté sa démission au pape au nom de la responsabilité qu’il considérait porter au regard des abus sexuels, bien que lui-même n’ait pas failli. »
Et de poursuivre : « Sans doute, tous les évêques français n’ont-ils pas couvert des crimes, mais la structure même de la hiérarchie catholique suppose une continuité et une solidarité entre chaque évêque et son prédécesseur. A ce titre, si tous ne sont pas coupables, tous sont responsables. »
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Enfin, ils suggèrent au pape François de nommer comme « légat » (représentant officiel du pape) Véronique Margron, présidente de la Corref (instituts et congrégations religieux), en attendant de travailler à « l’Eglise d’après ».
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Texte original :
Église catholique, face à la faillite, la démission des évêques est la seule issue.
Le rapport de la CIASE (Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église) ne met pas en lumière des défaillances dans le traitement des abus et des victimes mais une véritable faillite.
Face à une telle faillite n’importe quelle organisation, association, entreprise tirerait les conséquences qui s’imposent : se défaire des dirigeants qui ont conduit à une telle situation.
Dans l’Église catholique des précédents existent : les évêques du Chili ont remis leur démission collective au pape François après qu’une gigantesque affaire de pédocriminalité a été dévoilée. En Allemagne, le cardinal Marx, archevêque de Munich a lui aussi présenté sa démission au pape au nom de la responsabilité qu’il considérait porter dans la situation allemande sur les abus sexuels, bien que lui-même ne soit pas mis en cause à titre personnel.
Sans doute, les évêques français n’ont-ils pas tous couvert des crimes mais la structure même de la hiérarchie catholique suppose une continuité et une solidarité entre chaque évêque et son prédécesseur ; c’est la « succession apostolique ». À ce titre, si tous ne sont pas coupables, tous sont responsables.
Nous demandons comme un signe d’espoir et de renouveau, la démission collective de l’ensemble des évêques en exercice.
C’est le seul geste à la mesure de la catastrophe et de la perte de confiance dans laquelle nous sommes. C’est le premier acte de repentir nécessaire à l’égard des victimes. C’est la seule attitude qui peut permettre de restaurer la maison Église.
De plus, c’est la seule façon de rendre possible l’indemnisation des victimes car si la faillite de l’institution est d’abord morale et spirituelle, elle est aussi matérielle. Les fidèles ne veulent pas contribuer pour des fautes qu’ils n’ont pas commises mais dans une Église restaurée dans laquelle tous et toutes seront représentés, cette solidarité et cette fraterniténouvelles permettront de trouver les ressources financières pour réparer le préjudice causé à leurs frères et sœurs blessés par les violences commises dans l’Église.
À l’appui de notre appel, nous pouvons citer le père Pierre Vignon qui écrit : « ce qui aurait eu du panache et aurait marqué les esprits, aurait été de démissionner aussitôt collectivement. Ils peuvent encore le faire pour leur prochaine assemblée plénière à Lourdes en novembre. »
Et puisqu’il faudra une autorité intérimaire le temps que nous nous mettions tous autour de la table pour réfléchir ensemble, entre frères et sœurs à l’Église d’après, nous demandons au pape François de nommer une sorte de « légat » pour l’Église de France et nous lui suggérons de choisir une personnalité aussi indiscutable que sœur Véronique Margron.
Cet appel est à l’initiative de Christine Pedotti, Anne Soupa, François Devaux…