Par sylvaine Landrivon
Nous vivons un temps où se conjuguent l’angoisse d’être atteint.e.s par un virus hors de contrôle, et la peur d’un fanatisme qui entretient la terreur par la violence de ses actes sordides. Face à ces menaces, nous percevons l’«autre » comme source de danger mortel et à coup de matraquage médiatique, tout nous invite à la défiance.
Pourtant, dans un pays dont la devise est Liberté, Égalité, Fraternité, dans une démarche où nous croyons en l’amour du prochain, sommes-nous dans la bonne posture en nous laissant dominer par la peur ?
Nous sommes sous le choc de meurtres abjects. Tuer au nom de Dieu est la pire des barbaries, le plus ahurissant des blasphèmes et cependant l’histoire des peuples nous enseigne l’abominable récurrence de ce lamentable prétexte à la violence.
Juifs et chrétiens savent que la Bible la met en scène jusqu’à parfois donner l’impression de la légitimer. Ils savent aussi que le chemin conduit au-delà. Le danger est d’oublier le chemin sous l’emprise de la peur.
Et c’est à ce moment de sidération, d’incompréhension et d’égarement, que tout chrétien se sent solidaire de l’eunuque éthiopien confronté à quelques versets effrayants d’Isaïe. Si nous relisons ce passage des Actes des apôtres, nous sommes comme lui, déroutés et perplexes. Que comprenons-nous, dans cet environnement où tout semble se dérober pour ne laisser subsister que des réflexes de rejet ?
Actes 8,30-35 : « Philippe y courut, et il entendit que l’eunuque lisait le prophète Isaïe. Il lui demanda : “Comprends-tu donc ce que tu lis” -“Et comment le pourrais-je, dit-il, si personne ne me guide ?” Et il invita Philippe à monter et à s’asseoir près de lui. Le passage de l’Écriture qu’il lisait était le suivant : Comme une brebis il a été conduit à la boucherie ; comme un agneau muet devant celui qui le tond, ainsi il n’ouvre pas la bouche. Dans son abaissement la justice lui a été déniée. Sa postérité, qui la racontera ? Car sa vie est retranchée de la terre. S’adressant à Philippe, l’eunuque lui dit : “Je t’en prie, de qui le prophète dit-il cela ? De lui-même ou de quelqu’un d’autre ?” Philippe prit alors la parole et, partant de ce texte de l’Écriture, lui annonça la Bonne Nouvelle de Jésus. »
Recevoir la Bonne Nouvelle ?… On ne passe pas directement de la violence subie, peut-être donnée, à l’amour d’agapè : le chemin est long et surtout, il ne fait pas l’impasse d’une rencontre avec l’autre.
Le pire serait de se croire innocent ou meilleur. C’est le risque que pointe Jésus et sur lequel il reprend Pierre à la fin de l’évangile de Jean.
En effet, il faudrait savoir aimer d’amour absolu. L’agapè est cet amour total que Jésus donne à ses disciples, mais que ceux-ci -trop humains-, trahissent. L’agapè ne pourra surmonter cet échec (de Pierre, de Judas, peut-être aussi de nous, après eux…) qu’en le reprenant de l’intérieur, évitant ainsi la double oscillation dans laquelle nous sommes toujours par rapport à notre faute ou devant celle d’autrui : la dramatiser, la culpabiliser.
Dès lors l’amitié chez Jean, sera cette capacité qu’a l’amour dans sa puissance même de résurrection de ne pas contourner les situations concrètes mais au contraire de les assumer de l’intérieur. Et justement parce que le centre de la vie chrétienne c’est l’agapè, elle va être médiatisée concrètement par la philia, par l’amitié réconciliatrice.
Qu’est-ce que cela signifie en termes concrets pour aujourd’hui ?
Cela veut dire que face à la nécessité d’un reconfinement, il faut rester ouvert.e.s aux plus fragiles en se décentrant de soi, en se rendant disponibles (voir par exemple les propositions de quelques paroisses lyonnaises) mais toujours en se protégeant, afin de ne pas risquer de surcharger des hôpitaux débordés.
Cela veut dire, ne rien céder sur le respect de nos valeurs mais ne pas amalgamer quelques fanatiques avec tous les membres de la religion dont ces derniers se réclament. Et pour cela, devenir d’autant plus solidaires et bienveillants envers chacun.e, toutes croyances ou incroyances confondues.
Les religions sont nées pour apprendre à « relier » les humains, non pour les diviser. Toutes prêchent l’amour du prochain, ce même respect qu’enseignent les devises républicaines agnostiques. Car il n’y a pas de vie sans fraternité, sans respect de l’autre.
La peur de la maladie, de la mort, pour soi, pour un proche, ne doit pas nous inciter à fuir ce qui constitue le fondement même de notre raison d’être au monde : l’amour ! C’est le seul antidote contre la mort, le seul remède contre la peur. Mais pour le vivre, pour en vivre, il faut comprendre que l’amour ne s’arrête pas sur le seuil de ce qui nous ressemble et nous rassure : l’amour, c’est ce qui nous enjoint de nous tourner vers l’autre pour l’accueillir.
Bien d’accord sur les effets négatifs de la peur qu’il nous faut vite recadrer
Mais il me semble qu’il y a aussi des effets significatifs
– du manque de formation Politique élémentaire,chacun refusant de faire l’effort de comprendre les situations, et se croyant plus fort que les Grands élus nationaux
– d’un vieux racisme lent et discret qui pousse beaucoup de nos compatriotes à ne pas distinguer les musulmans Pacifiques et démocrates des Islamistes fanatiques ! Il parait très important de témoigner de notre fraternité avec ces musulmans démocrates qui souffrent beaucoup de cette situation terrible !
Merci beaucoup de ces remarques auxquelles j’adhère absolument.
Merci beaucoup chère Sylvaine d’ouvrir mon cœur à la sagesse des écritures de la Bible.
Oui quand la peur habite un cœur humain nos pensées, nos paroles et nos actes sont de travers .
Quand l’Amour et la confiance habite un cœur humain cela rend la vie douce et bienheureuse.
J’ai eu cette chance d’avoir rencontrer des musulmans inclusifs lors de nos retraites inter-spirituelles avec la Communion Béthanie et cela fait chaud au cœur de faire l’expérience qu’au delà de nos formes religieuses dans le fond c’est le même sang de la Vie qui coule dans nos veines.