Carlo Maria MARTINI
Né en 1927 et décédé en 2012, Carlo Maria Martini a été membre de la Compagnie de Jésus, professeur d’Écritures saintes et recteur de l’Institut biblique de Rome puis Recteur de l’Université grégorienne jusqu’à sa nomination comme archevêque de Milan en 1979. Il a été créé cardinal en 1983.
Il est l’auteur de nombreux ouvrages, dont Le don de l’amour, Le rêve de Jérusalem et un livre d’échanges avec Umberto Eco : Croire en quoi ?
Que retenir de ce que nous a enseigné ce grand professeur d’Écritures saintes, cardinal progressiste ? Peut-être simplement ceci :
Texte paru dans Corriere della sera du 01/09/2012
« L’Église est fatiguée. Notre culture a vieilli, nos églises sont vastes, nos maisons religieuses sont vides, et l’appareil bureaucratique de l’Église se développe. Nos rites et nos habits sont pompeux (…) Nous nous trouvons dans la situation du jeune homme riche qui s’éloigne, empli de tristesse, alors que Jésus l’appelle à devenir son disciple. Je sais bien qu’il est difficile de tout laisser… Mais au moins pourrions-nous chercher des hommes libres et attentifs au prochain, comme l’ont été Mgr Romero et les martyrs jésuites du Salvador. Où sont les héros qui pourraient nous inspirer ? En aucun cas, nous ne devrions nous en tenir aux limites de l’institution. (…) Dans l’Église aujourd’hui, je vois tant de cendres qui cachent les braises que je me sens souvent pris d’un sentiment d’impuissance. Comment peut-on libérer ces braises pour revigorer la flamme de l’amour ? (…) Je conseille au pape et aux évêques de chercher, pour les postes de direction, douze personnes « hors normes », proches des pauvres, entourées de jeunes, qui expérimentent des choses nouvelles. Nous avons besoin de ce contact avec des hommes qui brûlent, pour que l’Esprit puisse se diffuser partout.
Mon premier conseil est la conversion. L’Église doit reconnaître ses propres erreurs et entreprendre un chemin radical de changement, à commencer par le pape et les évêques. À commencer par les questions posées sur la sexualité et le corps. (…) Nous devons nous demander si les gens écoutent encore les conseils de l’Église en matière sexuelle. L’Église est-elle encore, dans ce domaine, une autorité de référence ou seulement une caricature pour les médias ?
Mon deuxième conseil est l’écoute de la Parole de Dieu. (…) Seul celui qui reçoit cette Parole dans son cœur peut aider au renouvellement de l’Église et saura répondre avec justesse aux demandes personnelles. (…) Ni le clergé ni le droit canonique ne peuvent se substituer à l’intériorité de l’homme. Tous les règlements, les lois, les dogmes ne nous sont donnés que pour clarifier la voix intérieure et aider au discernement de l’Esprit.
Enfin, les sacrements sont pour moi, non pas des instruments de discipline, mais un appui à la guérison des hommes pris dans les faiblesses de la vie. Portons-nous les sacrements à ceux qui ont besoin d’une force nouvelle ? Je pense à tous les divorcés et aux familles recomposées. Ils ont besoins d’une protection spéciale. L’Église soutient l’indissolubilité du mariage. C’est une grâce lorsqu’un mariage et une famille y parviennent. (…) L’attention que nous porterons aux familles recomposées sera déterminante pour la proximité de l’Église avec la génération de leurs enfants. Une femme abandonnée par son mari trouve un nouveau compagnon qui s’occupe d’elle et de ses enfants. Ce second amour réussit. Si cette famille est discriminée, la mère et ses enfants s’éloigneront. Si ces parents se sentent extérieurs à l’Église, ne se sentent pas soutenus par elle, l’Église perdra les générations futures. (…) La demande d’accès des divorcés à la communion doit être prise en compte. Comment l’Église peut-elle venir en aide avec la force des sacrements à ceux qui vivent des situations familiales complexes ? (…)
L’Église est en retard de 200 ans. Aurions-nous peur ? Peur au lieu de courage ? La foi, la confiance, le courage sont les fondements de l’Église. (…) Seul l’amour peut vaincre la fatigue. Je le vois bien avec toutes les personnes qui m’entourent désormais. »
en lisant ce texte o ! combien courageux, je comprends mieux pourquoi il ne fut pas fait Pape, dommage …