Yves-Marie Blanchard, Femmes du Nouveau Testament, Coll. Bible en main, Paris, Savator, 2020, 182 p.
Recension de Sylvaine Landrivon
Bibliste, agrégé de lettres, professeur honoraire de l’Institut Catholique de Paris, Yves-Marie Blanchard offre avec ce dernier ouvrage, une limpide et éclairante description de la place des femmes dans le Nouveau Testament.
D’une lecture aisée, sans pré-requis universitaire ou biblique, ce livre met en évidence que les femmes, « dès le temps du ministère de Jésus, tiennent des postes symboliques exemplaires quant au déploiement ultérieur de l’Église » (p.178). Prêtre du diocèse de Poitiers, l’auteur n’hésite pas à annoncer dans son introduction qu’il se démarquera au besoin « de traditions de lecture, inspirées plus ou moins consciemment de préjugés masculins » (p. 10). Et ce défi est relevé pour le plus grand plaisir de celles et ceux qui tiennent cette posture depuis longtemps et attendent toujours plus de soutiens scripturaires.
Yves-Marie Blanchard commence par citer les quatre femmes aux situations particulières qui rythment la généalogie de Jésus, évoquant « ce beau cortège » comme « une douce protestation contre l’exclusivisme masculin » (p.15). Il y repère « plusieurs caractéristiques du ministère de Jésus : a) à l’encontre d’un modèle social à dominante masculine, une grande proximité aux personnages féminins ; b) au-delà d’un code moral rigoureux entraînant l’exclusion des pécheur, une attention particulière aux personnes en situation irrégulière ; c) face aux peurs ethniques et replis nationalistes propres à l’Israël du temps, la volonté affirmée de rejoindre les exclus, au-delà de toute forme de ségrégation, même fondée sur des critères religieux objectifs. » (p.14). La suite de l’ouvrage, par la description des personnages féminins qui entourent Jésus et qui œuvrent à la création des premières communautés chrétiennes, sera l’illustration de ce programme qui n’est autre que celui du Christ lui-même.
Joie de lire que le « Bénie es-tu entre toutes les femmes » d’Élisabeth, plus qu’un superlatif, évoque « une expansion du don fait à Marie en faveur de toute la part féminine de l’humanité, reconnue dans sa capacité à subvertir les modèles » (p.22).
Joie encore quand l’auteur, se fondant sur Matthieu 12 et Marc 3, n’omet pas la place des « sœurs » dans la réplique de Jésus : « Quiconque fait la volonté de Dieu, celui-là est pour moi, un frère, une sœur, une mère » (Mc 3,31-35), jusqu’à en déduire : « dès lors qu’elles sont « sœurs » dans la foi (…) les femmes ont toute leur place dans le groupe des disciples (en l’occurrence, rien moins que les Douze) attachés à suivre les pas de Jésus » (p.33). Il aura d’ailleurs une belle explication de la symbolique du nombre « douze » aussi bien concernant le choix de éléments masculins, que son évocation par l’âge de la fille de Jaïre : 12 ans, ou de la femme hémorragique malade depuis 12 ans.
Y.-M. Blanchard écrira quelques pages plus loin à propos de l’évangile de Jean que ce dernier assure aux femmes qu’il met en scène « un fort statut personnel et symbolique, quasi exemplaire de plusieurs pôles ou fonctions essentielles à la vie ecclésiale ». (p.44).
Après un éclairage dépouillé de tout androcentrisme sur les femmes disciples et amies de Jésus (chap.3), puis de celles témoins et apôtres (chap.4), l’auteur porte un regard nouveau sur les femmes des premières communautés, sur leur prise en compte par saint Paul, pour finir par une relecture de l’Apocalypse.
Au passage l’auteur aura montré la stupidité de créditer Paul de misogynie, soulignant à partir de la lettre aux Corinthiens, comment l’apôtre ne fait « aucune discrimination quant à l’accès des hommes et des femmes à la parole liturgique » (p.119). Il souligne que l’interprétation déviante du « signe d’autorité (exousia) » devenu « soumission » pour beaucoup, se conclut finalement « de façon transparente, [par] l’entière égalité de l’homme et de la femme aux yeux de Dieu : « La femme n’est pas sans l’homme ni l’homme sans la femme dans le Seigneur (v11). » (p.121).
Sans ignorer d’autres passages de saint Paul, à l’authenticité d’ailleurs controversée, il conclut que « l’enquête menée au sujet de Paul atteste, de façon très majoritaire, une attitude franchement positive à l’égard de nombreuses femmes, engagées aux côtés de l’Apôtre dans la tâche d’évangélisation, aussi bien qu’assignées à des fonctions d’autorité et de gouvernement au sein des Églises locales. En cela, Paul s’inscrit en pleine continuité avec la conduite de Jésus lui-même » (p. 135).
En guise de conclusion, Y.-M. Blanchard demande : Et maintenant… Il rappelle que les femmes, « Évidemment absentes du collège des Douze, elles n’en exercent pas moins une part de la mission apostolique, ainsi que l’exprime la figure centrale de Marie de Magdala » (p.178)
Fort de cet appui scripturaire, et souhaitant dépasser les préjugés, il espère qu’ « une telle relecture des sources aura peut-être suggéré quelques éléments de réflexion susceptibles de faire avancer les débats contemporains au sujet de la place des femmes dans les communautés chrétiennes, tout particulièrement la question des ministères dans l’Église catholique » (p.177).
Depuis Jean-Marie Aubert dans L’exil féminin. Antiféminisme et christianisme, cela faisait longtemps qu’un prêtre catholique n’avait pas pris la plume pour venir au secours de la cause des femmes qui souhaitent suivre Jésus, à la manière dont le Nouveau Testament l’enseigne.
Fort intéressant. Mais à propos des 4 femmes dont il est question dans la généalogie de Matthieu, j’apprécie “dans votre CR “attention particulière aux personnes en situation irrégulière ; c) face aux peurs ethniques et replis nationalistes propres à l’Israël du temps, la volonté affirmée de rejoindre les exclus, au-delà de toute forme de ségrégation, même fondée sur des critères religieux objectifs.’
Mais l’auteur n’a pas osé aller plus loin. Et c’est dommage car cela donne une tout autre image des débuts de cet enfant qui devait être soumis aux quolibet : Ah ! lui il n’a pas de père !