Article de Télérama du vendredi 02 /10/2020
Église catholique : sept femmes réclament l’accès aux responsabilités
Elise Racque
Publié le 02/10/2
Les membres du mouvement Toutes apôtres, le 22 Juillet 2020 à Paris.
Edouard Monfrais / Hans Lucas
Réunies au sein du collectif Toutes apôtres, qui milite pour la fin des discriminations de genre au sein de l’Église catholique, elles désirent devenir curée, diaconesse ou évêque. Si le Vatican leur a jusqu’ici interdit d’exercer ces fonctions, son représentant en France les a rencontrées individuellement et écoutées. Un signe encourageant pour la réforme de cette vieille institution.
Alors que l’ancien archevêque de Lyon Philippe Barbarin fait cette semaine la tournée des médias pour faire la promotion de son livre, d’autres catholiques moins médiatiques tentent de faire entendre leurs voix. Elles sont sept femmes. Cet été, elles ont emboîté le pas de la théologienne Anne Soupa, qui s’est proposée pour devenir la nouvelle archevêque du diocèse lyonnais, rongé par les actes pédocriminels de l’ex-prêtre Bernard Preynat.
Claire Conan-Vrinat, Laurence de Bourbon-Parme, Sylvaine Landrivon, Christina Moreira, Hélène Pichon, Loan Rocher et Marie-Automne Thépot désirent être curée, diaconesse, évêque ou prédicatrice laïque. Des fonctions interdites aux femmes par l’Église catholique. Signe, sinon d’ouverture, du moins de respect : elles ont toutes été reçues, une par une, par le représentant officiel du Vatican en France.
Écoute cordiale
La dernière rencontre, ce matin, s’est poursuivie par une prise de parole du collectif Toutes apôtres ! Les candidates ont apprécié « une écoute bienveillante ». Loan Rocher par exemple, femme trans, a pu évoquer la condition des catholiques LGBT avec le nonce apostolique. Mais « une écoute cordiale ne fait pas une réforme », regrette le collectif, qui réclame des actes concrets pour la fin des discriminations de genre au sein de l’Église.
Si ces rencontres officielles sont un signe encourageant, longue sera la route pour transformer la vieille institution, usée par le cléricalisme et des siècles de patriarcat. Anne Soupa, elle, n’a toujours pas reçu de réponse à sa candidature. Cet été, Sylvaine Landrivon a reçu chez elle une lettre la menaçant de mort. L’Église catholique a pourtant bien besoin de forces vives, sous peine de s’éteindre petit à petit en fermant les yeux sur les alertes de son peuple.
A lire dans la version papier du Monde le lundi 05 octobre 2020
ou sur le web :
Et dans La Croix du vendredi 02/10/2020
Femmes dans l’Église : ce que le nonce apostolique a dit au collectif Toutes Apôtres
Mgr Celestino Migliore, nonce apostolique en France, a reçu individuellement jusqu’au 2 octobre les sept femmes catholiques qui, en juillet dernier, avaient officiellement candidaté à des postes soumis à l’ordination dans l’Église.
- Héloïse de Neuville,
- le 02/10/2020.
22 juillet 2020 : après Anne Soupa, sept femmes ont décidé de postuler à diverses fonctions, encore réservées aux hommes, dans l’Église catholique. Corinne SIMON/CIRIC
« Alors comme ça, vous souhaiteriez être ordonnée diacre ». C’est sur ces mots espiègles que s’est ouvert l’entretien de Marie-Automne Thépot avec l’ambassadeur du Vatican en France. Cette chargée de mission à la mairie de Paris a été reçue mi-septembre à la nonciature apostolique (Paris 16e), à l’instar des six autres militantes (1), membres du collectif Toutes Apôtres.
→ CONTEXTE. Après Anne Soupa, sept nouvelles candidates à des ministères dans l’Église
Le 22 juillet dernier, jour de la sainte Marie-Madeleine, ces femmes d’horizon divers s’étaient rendues sous les fenêtres de la nonciature apostolique pour déposer leur candidature à des postes soumis à l’ordination dans l’Église, et à ce titre inaccessible aux femmes (évêque, curé, diacre…).
« Le nonce voulait voir qui nous étions vraiment »
Leur conviction commune ? « L’absence des femmes en situation de responsabilité – que ce soit à la gouvernance de nos paroisses, de nos diocèses, au Vatican ou comme ministres ordonnées – constitue un scandale autant qu’un contre-témoignage de l’Église. »
Un sujet sensible pour l’institution catholique, portée par une communication savamment orchestrée : l’événement a suscité cet été une large couverture journalistique, jusqu’à attirer l’attention de l’ambassadeur du Vatican en France. Une semaine après leur action, les membres du collectif reçurent de la part de Mgr Celestino Migliore une proposition d’entretien individuel.
« Cet entretien montre l’intérêt de l’Église pour notre combat »
Dans le courant du mois de septembre, jusqu’à ce vendredi 2 octobre – jour où a eu lieu le dernier des sept entretiens –, chacune de ces militantes catholiques a été reçue près d’une heure par Mgr Celestino Migliore, pour exposer leurs attentes. « Je pense qu’il voulait voir qui nous étions et ce que nous avions dans le ventre, au-delà de notre capacité à faire du bruit médiatique », analyse l’une d’entre elles. « Le fait que le nonce nous reçoive montre que l’Église est attentive à notre mouvement, qu’elle perçoit comme légitime et cohérent », veut croire Hélène Pichon, reçue comme les autres membres, dans un salon d’apparat de la nonciature, aux murs habillés de portraits de plusieurs papes dans des cadres dorés.
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« J’ai fait remarquer au nonce qu’il n’y avait pas la moindre figure féminine mise à l’honneur dans cette pièce, une absence symbolique du fait que l’Église se prive encore de 50 % du génie de l’humanité », rapporte Hélène Pichon, directrice des relations institutionnelles du Centre d’étude et de prospective stratégique.
« Une écoute bienveillante »
Sylvaine Landrivon, 64 ans, candidate à une charge d’évêque, a apprécié sa rencontre avec Mgr Celestino Migliore, dont elle souligne « l’écoute bienveillante » et « l’empathie » : « J’ai pu lui dire combien il était urgent que les femmes puissent prêcher et engager la parole de l’Église. Lui m’a fait comprendre que la cléricalisation des femmes n’était pas la solution… mais sans vraiment esquisser de solutions pour lutter contre le cléricalisme », explique cette docteure en théologie, qui se réjouit tout de même du caractère « inédit » de la rencontre.
→ ENTRETIEN. « L’enjeu n’est pas de “cléricaliser” les femmes, mais de décléricaliser l’Église »
Mais être entendue signifie-t-il être comprise ? C’est la question que se pose Marie-Automne Thépot. « Je suis restée sur ma faim à l’issue de cet échange », admet cette catholique engagée dans une paroisse parisienne. « Le nonce est affable, sympathique, j’ai reçu une écoute polie mais je ne suis pas certaine que nous partageons le même diagnostic sur la place des femmes dans l’Église », explique celle qui aspire à devenir diacre. « J’ai aussi voulu lui communiquer qu’accéder à ce ministère pour moi n’avait rien à voir avec le fait de monter dans la hiérarchie de l’Église, ou d’obtenir de nouveaux droits, mais ce serait être enfin reconnue et encouragée dans ma mission d’envoyée de l’Église pour porter la parole du Christ auprès de mes frères et sœurs.
Selon plusieurs de ces catholiques interrogées par La Croix, le nonce a renvoyé leur impatience vers des évolutions prometteuses, comme la commission sur le diaconat féminin reconvoquée par le pape François après une première édition infructueuse en 2016. « Le nonce a également souligné que le Saint-Père avait nommé plusieurs femmes pour superviser les finances du Vatican, et qu’il avait nommé une laïque sous-secrétaire à la Secrétairerie d’État », poursuit Hélène Pichon, qui s’est vue assurer d’une deuxième audience pour continuer à travailler avec l’ambassadeur sur la place des femmes dans l’Église.
De nombreuses autres publications nous parviennent provenant de Pledgetimes.com, d’El Pais, …